Trump fanfaron providentiel

Christian Le Meur

Donald Trump, spécimen emblématique du monde des affaires, cumule à lui seul toutes les outrances, la flamboyance, l'égocentrisme du parvenu. Paradoxalement, faute d'être un handicap à ses ambitions personnelles, ces tares lui ont servi de blanc-seing pour son investiture à la tête de la nation la plus puissante et hégémonique de la planète.


La horde des affairistes:

De façon volontairement schématique, je dirais que dans cette corporation où la cupidité se brandit comme un étendard de moralité, cohabitent deux tempéraments antagonistes mais au postulat tendant vers une finalité commune, voire suprême.


Dans le premier clan résolument organique, primitif, voir parfois irrationnel, s'activent les prédateurs volontaristes. Ces seigneurs du monde se complaisent dans l'ornement, le clinquant et nous assènent, sur un ton condescendant, que leur réussite et leur fortune, ils ne les doivent qu'à leur génie.


Le deuxième clan, les ultra rationalistes nés avec un cerveau génétiquement modifié aux statistiques boursières et aux montages financiers alambiqués, œuvrent dans le silence feutré des réseaux hermétiques et hiérarchisés où finance et politique s'entrecroisent et s'influencent. Ces golden boys, au cynisme assumé, optimisent leurs avoirs dans des paradis fiscaux .


Mais bien évidement, ces deux clans qui ne sont que les deux faces opposées du même billet de banque, s'associent dans une dévotion commune pour l'argent. L'avantage avec Mister Trump, ce hâbleur impénitent, c'est qu'il nous invite, jour après jour, à contempler ce qui se mijote sous son brushing.


Leur concept du monde, où disons plutôt: «le monde selon Trump» peut se résumer à cet acte bravache: Le développement durable, ce serpent de mer qu'on nous agite sous le nez depuis des décennies pour nous faire avaler les pilules les plus amères, le Donald, il s'assoit dessus. Tous ces engagements multi-nationaux arrachés de hautes luttes, ces résolutions signées et porteuses d'un début d'espoir, il en fait des boulettes bien compactes qu'il jettera aux visages des migrants mexicains qui auraient l'outrecuidance de franchir son mur frontière.


Développement durable:

Pour peu qu'on s'interroge sur les enjeux du développement durable on réalise que face aux générations futures, nous sommes (j'emploie le mode présent) juridiquement et moralement coupables de non assistance à planète en danger.


Le développement durable, ce difficile exercice d'équilibre entre trois socles fondamentaux de la société humaine, permettrait à chaque citoyen de vivre dans la dignité et le respect qui lui est du.

Ces trois enjeux sont: l'économie, le social et l'écologie. D'emblée on comprend qu'avec cet ordre mondial dans lequel nous pataugeons où tout se vend et tout s'achète y compris : notre santé, notre travail, le vivant, l'argent, l'eau, l'air, la terre et bientôt la planète Mars, l'économie, cet hydre, a définitivement financiarisé le social et l'écologie.


Le paradoxe de cette capitulation face à l'économie, réside dans le fait que nous, citoyens à priori concernés, avons délégué le rôle d'arbitre, de régulateur de ce développement durable à nos élites politiques. Ces mêmes élus prenant conseil auprès d'une meute d'experts référents qui se trouvent être à la solde des instances extra gouvernementales telle que la communauté européenne, la banque mondiale, le FMI et autres OCDE voire même comble de l'ironie des agences de notation, bras armé de la finance.


De plus, dans cette mondialisation dérégulée et chaotique, les états nations démocratiques, organes protecteurs et représentatifs des citoyens, ont perdu tout pouvoir. Leurs rôles se bornant à entériner sous forme de lois et décrets, les décisions prises par ces juridictions sous la pression lobbyiste des consortiums industriels et financiers , acteurs de l'économie de marché.


Économie de marché:

Tout le credo de l'économie de marché, repose sur ce sacro-saint mensonge qui voudrait que l'avènement de la production industrielle y compris dans le domaine alimentaire allait rendre possible et égalitaire pour tous l'accès aux biens et aux services et donc permettre aux gens de vivre enfin conformément à leurs choix. En réalité, dans ce casino mondialisé, l'économie se résume à un transfert global de capitaux au bénéfice d'une minorité particulièrement vorace.


Objectif de l'économie marchande: D'une simplicité redoutable et immuable. Il se fixe dans le cadre d'une relation d'offre et demande par l'intermédiaire d'un instrument d'échange «la monnaie», La finalité pour les deux parties étant, uniquement, de maximiser leurs intérêts privatifs.


Stratégies de l'économie marchande: Même si la ligne directrice se trouve déjà théorisée dans le livre référence attribué à Sun Tsu «  L'art de la guerre » écrit il y a deux milles trois cent ans; Les stratégies adoptées de nos jours se révèlent multiformes, tentaculaires, ultra complexes voire occultes et donc éminemment pernicieuses. La croissance implique de l'investissement qui génère de l'endettement ( eh oui! c'est la dette qui crée l'argent!)... rationalité économique, plus-value, spéculation, optimisation…vecteurs clés d'une libre concurrence débridée dont le moteur principal se nomme: société de consommation.


Société de consommation:

  Je me contenterai d'un exemple concret et chiffré: Prenons le cas du Coca Cola, ce fameux soda pas plus vital pour la survie de l'espèce qu'une figurine de Pokémon: il s'en boit en moyenne 350 milliards de litres par an (chiffre planetoscope). Ce breuvage constitue un exemple flagrant de cette culture de massification, d'unification de la race humaine.

La société de consommation engendre un monde unitaire, artificiel et donc déshumanisé progénié par cette pathologie quasi schizophrénique qui sépare notre intellect-action de celui de l'émotion, voire du pulsionnel. Par confort ou soumission, nous désapprenons à penser par nous même et à terme nous renonçons à notre liberté de décision. Les choix superficiels, déterminés par avance, ne sont en réalité que des leurres qui nous aveuglent et auxquels nous consentons puisqu'en accord avec la loi induite par notre propre inertie. Notre énergie et notre temps de vie, ainsi canalisés, fragmentés, se transforment en carburant alimentant cette délirante machine à fric.


J'en arrive parfois à penser que ce qui nous horripile le plus, chez le trublion Trump, c'est qu'il est le miroir grossissant de notre mutation, de notre régression spirituelle. Comme lui, nous souscrivons à cette évidence que nos produits manufacturés bas prix doivent être fabriqués par des esclaves économiques; comme lui nous visitons les zoos comme on contemple une expositions de reliques du passé. Peut être même( hypothèse purement fantaisiste),que si la Méditerranée n'était pas plus large que le  Rio Grande, nous érigerions nos murs frontière.


La loi de l'argent nous confisque peu à peu notre humanité sans doute parce que, naïvement nous croyons que cette société est la concrétisation du mythe de la société idéale

Pourtant il suffit de lever la tête, de regarder, d'écouter pour constater qu'elle génère infiniment plus de problèmes qu'elle n'en résout.


  • Daniel, effectivement la démonstration est un peu long,parce qu'initialement prévu en une suite de trois textes.Mais au vu du peu de lecteurs parcourant mes écrits j'ai finalement opté pour cette synthèse. Concernant la teneur de votre commentaire je dirai que, comme vous, j'ai passé l'âge des illusions, mais pas celui de la résignation. Merci pour votre lecture.

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    Christian Le Meur

  • La démonstration est un peu longue mais je suis d'accord. Notre monde évolue, mais aucun de nos contemporains populaires ne s'est encore demandé s'il évoluait dans le bon sens et pourquoi ! Certes, la dissertation serait longue (si tant est que l'on puisse aujourd'hui encore disserter et réfléchir) et je suis presque persuadé que la réflexion, si réflexion était possible, n'arriverait à aucune conclusion ou solution valable pour l'humanité.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Gaston

    daniel-m

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