Un amour...3

aile68

Perdre la vue, perdre l'esprit, me mettre à mon bureau et répondre au bel inconnu qui me donne rendez-vous, c'est émotionnellement difficile, je tremble, je tressaille, je meurs. Oui, j'irai, c'est promis, tant pis si c'est un leurre, une erreur, j'irai. Donner ma réponse au jardinier qui la transmettra à qui de droit, et ce soir le revoir derrière la roseraie, dans la cabane du jardin. Il aura sauté par-dessus la barrière, Gaston, mon époux, absent pour conclure une affaire importante, n'en saura rien, le jardinier a été grassement récompensé. Se peut-il que le bel inconnu ait enquêté sur Gaston pour être au courant de son emploi du temps? Intriguée et excitée par le mystère d'un amour qui va prendre forme, j'ai pressé le jardinier pour qu'il remette mon courrier le plus vite possible. T, il a signé sa lettre avec un T, Théodore, Théophile, et pourquoi pas Tristan, comme l'amant d'Iseult? Je suis si seule dans ma vie que la perspective d'un grand amour ne me fait pas peur. Je n'ai jamais aimé avec un grand A, je ne me demande même pas si je suis faite pour ça, ou si j'en ai le droit, moi qui suis mariée avec l'homme des plus influents de la ville mais tellement vieux, ennuyeux. Ma présence auprès de lui n'est que convention, nous sommes ensemble par convenance, parce qu'il est de bon ton pour lui d'avoir une femme avec laquelle paraître à son bras dans les grandes soirées de gala, une femme qui sourit à tout le monde parce que c'est son devoir, parce que c'est bon pour ses affaires. Je ne suis bonne que pour appâter et flatter des hommes "importants" qui répondent d'une manière obséquieuse à mes sourires. Mon bel inconnu lui, m'a peut-être vue lors de ces soirées-là, j'ai beau me creuser la cervelle, je ne me rappelle pas. 

Pressée de le voir et de faire sa connaissance, je me faufile après le départ de mon mari derrière la roseraie, jusque dans la cabane du jardin, une lampe à la main. Je réalise que je ne suis jamais entrée dans cet endroit qui sent le bois et une odeur de terre et, de métal, les outils de jardinage sans doute. Je reconnais l'arrosoir, la pelle, la bêche, la scie accrochée au mur, ce sont des objets familiers pour moi, ils me rassurent. J'ai laissé la porte ouverte et, malgré l'excitation du moment, j'ai un peu peur. J'entends un bruit dans l'herbe, un miaulement, le chat a-t-il rendez-vous lui aussi?

A suivre...

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