Un clafouti pour Simon

marie-roustan

Un clafouti pour Simon

J’étais en vacances chez tante Mado, l’été dernier, avec mon petit frère Simon.

Tante Mado et tonton Alfred, ils sont super ! Ils ont voyagé partout. Oh ! Pas trop loin, mais surtout dans le temps, comme ils disent. Alors, chez eux, on fait plein de choses. Des choses comme tout le monde, mais de façon bizarre.

Par exemple, pour le clafoutis aux cerises. Délicieux !

Déjà, on monte les cueillir sur les vieux cerisiers du verger de la montagne, là où elles sont mures bien après les autres. On en revient avec plein de paniers, pour les confitures, et aussi on en garde pour les manger comme ça, et puis pour faire un gros clafoutis.

La dernière fois, pendant que Simon faisait la sieste, j’ai aidé tante Mado.

J’ai dénoyauté les cerises. Tante Mado dit que c’est meilleur avec les noyaux, mais pour Simon, il faut tout dénoyauter soigneusement, parce qu’elle a peur qu’il les avale.

Pendant ce temps, tante Mado a commencé à préparer la pâte et comme Simon faisait la sieste (je vous l’ai déjà dit), elle m’a annoncé qu’elle allait se passer du batteur électrique, parce qu’il fait trop de bruit.

J’ai ouvert de ces yeux, quand tante Mado a sorti de son placard un truc vraiment incroyable ! Vous imaginez un bout de bois avec cinq pointes recourbées au bout, pour faire un gâteau ?

- Mais c’est quoi ce grappin ? que je lui ai demandé.

Mais j’ai été encore plus ahuri quand elle m’a dit que c’était un lélé et qu’elle l’avait fait avec un arbre de Noël. Si vous aviez vu ma tête. Je n’arrivais vraiment pas à comprendre comment un arbre de Noël pouvait se transformer en fouet à pâtisserie …

Tante Mado a éclaté de rire et elle s’est mise à me raconter toute une histoire. Je savais bien qu’elle avait travaillé dans un musée quand elle était plus jeune et qu’elle avait à faire des reconstitutions pour les visiteurs. Mais quand même, utiliser ces trucs dans sa cuisine ! Elle avait donc fabriqué la copie d’un outil qui servait, parait-il, à faire le beurre à l’époque préhistorique. Juste en coupant la tête du sapin de Noël, avant de brûler le reste dans le poële à bois. Elle m’a montré où elle avait coupé le sommet du tronc, au-dessous d’un nœud d’où partaient les petites branches qu’elle avait ensuite raccourcies. En voyant comment elle le tenait, j’ai bien imaginé ce qu’elle avait enlevé, en haut de l’arbre, pour que le manche ait la bonne longueur. Bien sûr, après, elle avait épluché soigneusement toute l’écorce pour en faire cet objet bien blanc et bien lisse.

Tout en m’expliquant ça, tante Mado avait cassé les œufs dans un saladier et elle commençait à les battre en faisant tourner le bout de bois entre ses paumes. Je regardais comment blancs et jaunes mixés avec le sucre s’étaient transformés, très vite, en une mousse onctueuse. Un peu de farine, puis du beurre qu’elle avait mis à fondre sans que je fasse attention, du bon lait, de celui des vaches d’à côté, et la pâte était prête.

Oui, mais moi, à la regarder comme ça, je n’avais pas fini de dénoyauter les cerises !

Du coup, je lui ai vite demandé :

- Comment sais-tu que les préhistoriques appelaient ça un lélé ?

Tante Mado, elle est très bavarde, alors elle m’a encore raconté une autre histoire pendant que j’alignais toutes les cerises, les unes à côté des autres, au fond du plat qu’elle avait bien beurré de partout, même sur les bords.

- C’est une dame, à moitié américaine et qui est morte maintenant, qui avait un outil comme celui-là dans sa cuisine.
Quand je l’ai vu qui dépassait du panier à cuillères en bois, je lui ai demandé d’où il sortait. Elle m’a répondu qu’elle s’en servait, aux Antilles, pour battre le champagne afin d’en chasser les bulles. C’est elle qui m’a dit qu’on l’appelait lélé : « You remember ? Lélé ? ». Je ne les ai jamais oubliés, ni le lélé, ni sa propriétaire, pourtant, c’était il y a plus de vingt ans, tu sais, mon chéri.

Tante Mado est restée un moment toute pensive, en versant la pâte sur les cerises. Et puis tonton Alfred est arrivé, juste quand elle a enfourné le plat.

Il a vu le batteur préhistorique et il a plaisanté tante Mado.

- Mais tu ne lui as pas montré les photos, à ce pitchot ?

Tonton Alfred est aller chercher un dossier dans son bureau et il en a tiré tout un paquet de vieilles photos en noir et blanc.

Il y avait le batteur tout brillant, juste sorti de l’eau par un plongeur en drôle de combinaison noire, lors des fouilles du village néolitique de Charavines, quand mon papa était tout petit. Il y en avait d’autres qui servaient encore dans les Alpes, il y a cent ans … vous vous rendez-compte ! Et puis une autre, en couleurs mais toute sombre, prise par un de leurs amis, quand il était jeune, en Inde.

Là, il a fallu que tonton Alfred m’explique, parce que je ne voyais pas bien.

- C’est un peu compliqué. Tu vois, la dame est assise par terre, devant son gros pot. Elle a enroulé une sangle autour du manche du batteur et elle tire un bout, puis l’autre pour le faire tourner dans le vase. Mais regarde bien : le batteur est accroché avec deux autres sangles à ce gros bâton planté dans le sol, derrière le récipient.

J’avais compris, bien sûr, et j’ai vite sauté des genoux de tonton Alfred pour aller voir le clafouti qui montait déjà dans le four.

Et qu’est-ce qu’on s’est régalé après, avec Simon, à le manger pour le goûter, encore tout tiède !

Un clafouti pour Simon

J’étais en vacances chez tante Mado, l’été dernier, avec mon petit frère Simon.

Tante Mado et tonton Alfred, ils sont super ! Ils ont voyagé partout. Oh ! Pas trop loin, mais surtout dans le temps, comme ils disent. Alors, chez eux, on fait plein de choses. Des choses comme tout le monde, mais de façon bizarre.

Par exemple, pour le clafoutis aux cerises. Délicieux !

Déjà, on monte les cueillir sur les vieux cerisiers du verger de la montagne, là où elles sont mures bien après les autres. On en revient avec plein de paniers, pour les confitures, et aussi on en garde pour les manger comme ça, et puis pour faire un gros clafoutis.

La dernière fois, pendant que Simon faisait la sieste, j’ai aidé tante Mado.

J’ai dénoyauté les cerises. Tante Mado dit que c’est meilleur avec les noyaux, mais pour Simon, il faut tout dénoyauter soigneusement, parce qu’elle a peur qu’il les avale.

Pendant ce temps, tante Mado a commencé à préparer la pâte et comme Simon faisait la sieste (je vous l’ai déjà dit), elle m’a annoncé qu’elle allait se passer du batteur électrique, parce qu’il fait trop de bruit.

J’ai ouvert de ces yeux, quand tante Mado a sorti de son placard un truc vraiment incroyable ! Vous imaginez un bout de bois avec cinq pointes recourbées au bout, pour faire un gâteau ?

Mais c’est quoi ce grappin ? que je lui ai demandé.

Mais j’ai été encore plus ahuri quand elle m’a dit que c’était un lélé et qu’elle l’avait fait avec un arbre de Noël. Si vous aviez vu ma tête. Je n’arrivais vraiment pas à comprendre comment un arbre de Noël pouvait se transformer en fouet à pâtisserie …

Tante Mado a éclaté de rire et elle s’est mise à me raconter toute une histoire. Je savais bien qu’elle avait travaillé dans un musée quand elle était plus jeune et qu’elle avait à faire des reconstitutions pour les visiteurs. Mais quand même, utiliser ces trucs dans sa cuisine ! Elle avait donc fabriqué la copie d’un outil qui servait, parait-il, à faire le beurre à l’époque préhistorique. Juste en coupant la tête du sapin de Noël, avant de brûler le reste dans le poële à bois. Elle m’a montré où elle avait coupé le sommet du tronc, au-dessous d’un nœud d’où partaient les petites branches qu’elle avait ensuite raccourcies. En voyant comment elle le tenait, j’ai bien imaginé ce qu’elle avait enlevé, en haut de l’arbre, pour que le manche ait la bonne longueur. Bien sûr, après, elle avait épluché soigneusement toute l’écorce pour en faire cet objet bien blanc et bien lisse.

Tout en m’expliquant ça, tante Mado avait cassé les œufs dans un saladier et elle commençait à les battre en faisant tourner le bout de bois entre ses paumes. Je regardais comment blancs et jaunes mixés avec le sucre s’étaient transformés, très vite, en une mousse onctueuse. Un peu de farine, puis du beurre qu’elle avait mis à fondre sans que je fasse attention, du bon lait, de celui des vaches d’à côté, et la pâte était prête.

Oui, mais moi, à la regarder comme ça, je n’avais pas fini de dénoyauter les cerises !

Du coup, je lui ai vite demandé :

- Comment sais-tu que les préhistoriques appelaient ça un lélé ?

Tante Mado, elle est très bavarde, alors elle m’a encore raconté une autre histoire pendant que j’alignais toutes les cerises, les unes à côté des autres, au fond du plat qu’elle avait bien beurré de partout, même sur les bords.

- C’est une dame, à moitié américaine et qui est morte maintenant, qui avait un outil comme celui-là dans sa cuisine. Quand je l’ai vu qui dépassait du panier à cuillères en bois, je lui ai demandé d’où il sortait. Elle m’a répondu qu’elle s’en servait, aux Antilles, pour battre le champagne afin d’en chasser les bulles. C’est elle qui m’a dit qu’on l’appelait lélé : « You remember ? Lélé ? ». Je ne les ai jamais oubliés, ni le lélé, ni sa propriétaire, pourtant, c’était il y a plus de vingt ans, tu sais, mon chéri.

Tante Mado est restée un moment toute pensive, en versant la pâte sur les cerises. Et puis tonton Alfred est arrivé, juste quand elle a enfourné le plat.

Il a vu le batteur préhistorique et il a plaisanté tante Mado.

- Mais tu ne lui as pas montré les photos, à ce pitchot ?

Tonton Alfred est aller chercher un dossier dans son bureau et il en a tiré tout un paquet de vieilles photos en noir et blanc.

Il y avait le batteur tout brillant, juste sorti de l’eau par un plongeur en drôle de combinaison noire, lors des fouilles du village néolitique de Charavines, quand mon papa était tout petit. Il y en avait d’autres qui servaient encore dans les Alpes, il y a cent ans … vous vous rendez-compte ! Et puis une autre, en couleurs mais toute sombre, prise par un de leurs amis, quand il était jeune, en Inde.

Là, il a fallu que tonton Alfred m’explique, parce que je ne voyais pas bien.

- C’est un peu compliqué. Tu vois, la dame est assise par terre, devant son gros pot. Elle a enroulé une sangle autour du manche du batteur et elle tire un bout, puis l’autre pour le faire tourner dans le vase. Mais regarde bien : le batteur est accroché avec deux autres sangles à ce gros bâton planté dans le sol, derrière le récipient.

J’avais compris, bien sûr, et j’ai vite sauté des genoux de tonton Alfred pour aller voir le clafouti qui montait déjà dans le four.

Et qu’est-ce qu’on s’est régalé après, avec Simon, à le manger pour le goûter, encore tout tiède !

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