Un conte (2)

aile68

"Mais dis-moi, ce sont les princes qui changent d'apparence dans les contes, en seriez-vous un par hasard? je demande intriguée.

- Tu es bien curieuse, ce n'est pas le moment de parler de moi. Il nous faut trouver la sorcière et sa fille, à l'heure qu'il est elle sait que j'ai retrouvé mon corps de jeune homme. Elle risque fort d'être en colère et de me jeter un nouveau sort. Il faut à tout prix l'en empêcher.

- Dis-moi ton prénom au moins. Et où habite la sorcière? Tu prends un risque en allant là-bas. 

- Appelle-moi Ned. Et je préfère aller chez elle plutôt qu'elle vienne à nous.

- Soit, ne perdons plus de temps alors.

- A la bonne heure!

Ned et moi nous nous mettons à marcher, marcher, au bout d'une heure nous escaladons une colline puis nous arrêtons aux cris d'un corbeau, à moins qu'il y en ait plusieurs...

- C'est le corbeau de la sorcière. Il nous a certainement vus, il est allé l'annoncer à sa maîtresse.

- Tu n'as pas peur?

- Non, car mon coeur est pur et ma démarche noble. Elle le sait car elle a le pouvoir de lire dans les esprits des gens qui s'approchent de sa demeure.

- Quoi? Elle sait que nous venons dans de bonnes intentions?

- Oui, fais- moi confiance.

- Soit! Regarde le corbeau revient.

- Oui, la sorcière nous invite à entrer chez elle.

- Elle n'est plus en colère alors?

- Non, elle veut bien qu'on parle.

- Mais et moi, elle ne se méfie pas de moi?

- Toi, tu ne ferais pas de mal à une mouche! Elle lit dans les pensées des gens, n'oublie pas.

- Pour l'instant je suis curieuse de voir ce qu'il va se passer et je ne te cache pas que si la sorcière devient aimable j'en serais ravie. Et sa fille est-ce qu'elle est méchante elle aussi?

- Non, elle n'a pas encore été initiée à la sorcellerie. Trêves de bavardages à présent, allons-y!

- Mais que lui diras-tu, Ned?

- Nous verrons bien!

Le corbeau est arrivé à notre hauteur et nous invite à grimper encore jusqu'à la maison de la sorcière. Une fois arrivés, une vieille porte s'ouvre toute seule en grinçant. Nous franchissons le seuil lentement, seul un vieux bougeoir sans doute poussiéreux éclaire la pièce. Une forme noire toute ramassée sur elle vient nous accueillir d'une voix chevrotante:

"Alors, tu es venu malgré tout!

- Oui, et tu sais pourquoi.

- Oui, et je t'en sais gré. Mais ma réputation n'est plus à faire. J'ai l'apparence d'une sorcière et je passerai toujours pour une sorcière aux yeux des gens.

- Pas si tu deviens gentille!

- Je suis méchante de nature, tu le sais bien.

- Non, je ne te crois pas. Tu fais croire aux autres que tu es mauvaise en vérité je sais que tu souffres de ta mauvaise réputation sinon tu n'aurais jamais voulu que j'épouse ta fille pour qu'elle ait une vie meilleure et heureuse.

- Oui, c'est vrai. Ma fille est mon seul bien. Le reste n'est que poussière et toiles d'araignée.

- Tu peux changer tout cela dit Ned d'une voix qui ressemble à un ordre.

- Comment veux-tu que je m'y prenne? se plaint la sorcière.

- Allons ne fais pas l'innocente, tu as bien quelque potions magiques pour nettoyer cette maison!

- Mes potions magiques ne servent qu'à faire le mal.

- Mais nous pouvons vous aider, nous! je m'écris soudain.

- Je sais bien que tu peux nous aider. Je n'attendais que cela, que tu le dises dit la sorcière d'une voix qui étonnamment s'adoucit.

- Mettons-nous au travail alors! je dis enjouée.

Et nous nous mettons à nettoyer, à récurer, à briquer, à balayer, à laver la pièce où nous nous trouvons. Elle ressemble à présent à un petit palais avec ses bougeoirs brillants et son mobilier lumineux.

- Tu es très gentille me dit la sorcière, tu mérites une récompense.

- Ma récompense, c'est que vous ne jetiez plus de sort, je hasarde. 

- Comme tu y vas, crois-tu que j'en suis capable?

- Oui, je le crois!

- Ta certitude te fait honneur jeune fille, mais mon coeur est noir comme du charbon. 

- Pour l'amour de votre fille vous devez changer dit Ned.

- Oui, j'aimerais mais je suis vieille et j'ai fait trop de mal autour de moi.

- Allons! Secouez-vous! Mais voyez qui entre, votre fille en personne.

- Ma fille, nous t'avons réveillée.

- Non, mère, je ne dormais pas. J'ai tout écouté et je suis bien peinée que tu ne puisses changer ton coeur.

- En vérité si je peux le changer.

- Comment ma mère?

- Eh bien le corbeau qui est perché à l'arbre dehors... C'est l'homme que j'aime.

- Quoi?! Nous crions tous étonnés.

- Je l'ai changé en corbeau et l'ai ensorcelé pour qu'il reste. Si jamais il retrouvait son apparence d'homme, le sortilège serait rompu et il s'en irait. Mais pour cela il faudrait que je change mon coeur de pierre en vrai coeur de femme.

- Mais vous avez déjà un coeur de femme puisque vous aimez un homme même s'il est transformé en corbeau je dis en voulant la convaincre.

- Tu veux continuer à m'aider mais c'est plus difficile que tu ne crois.

- Pourquoi? demande Ned qui me soutient.

- Tant que je serai une sorcière je pourrai vivre éternellement et ma fille aura toujours quelqu'un à ses côtés. Vous comprendrez que si j'ai le coeur d'une vraie femme, je mourrai un jour et ma fille restera seule à jamais.

- C'est donc cela votre secret? Vous avez peur de perdre et l'homme que vous aimez et votre fille? C'est pour cela que vous voulez rester une sorcière?

- Non, je ne le veux pas, je ne le peux pas c'est différent.

Ned dit d'une voix à la fois profonde et douce:

- Si votre coeur devient aussi tendre que celui d'une biche, je vous assure que votre fille trouvera un homme qui voudra bien d'elle".

(à suivre)



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