Un début d'écriture

Au départ, il y a les pleins et les déliés, lentement dessinés. La main, petite, tremblante était souvent aidée par celle de mon père, patient.

Les répétitions se faisaient le soir après la sortie des classes, sur un cahier de brouillon relié, joliment décoré d'une marge fine et violette accompagnée de lignes quadrillées.

L'encre était bleue marine, le buvard rose, comme pour les filles.
La bouteille d'encre arborait fièrement son indépendance sur un coin de la table de la salle à manger, recouverte pour l'occasion d'une toile cirée aux motifs fleuris.

L'odeur de la préparation du dîner, que mijotait ma mère, m'accompagnait tout au long de mon exercice.
La plume glissait parfois maladroitement, laissant derrière elle une trainée d'encre qui était rattrapée par l'absorption du buvard.
Captivée par les mots à dessiner sur la feuille de papier, il arrivait que la force de mon poignet écrase la pauvre plume située au bout du stylet.

Et là, la catastrophe arrivait en laissant s'échapper de l'extrémité de la pointe un énorme pâté.
Malheureusement la solution buvard masquait très peu les dégâts causés. Parfois, même, c'était pire.

La boîte à plumes alors comme par magie apparaissait et j'en sortais fièrement une nouvelle toute brillante.
A l'aide du buvard et pour ne pas me tâcher les doigts, je délogeai celle qui m'avait trahie par sa faiblesse, en la remplaçant par une résistante, du moins, je le croyais.

Je repartais ensuite à l'assaut de mes voyelles et consommes entremêlées, jusqu'au moment ou ma mère me criait que le dîner était prêt.