Un esprit seins dans un corsage

Laurent Ottogalli

Bonsoir, Mesdames, bonsoir, mes demoiselles, bien voir, mes yeux…

On n’s’connaît pas en corps, mais j’vous connais, d’accord ?

Je sais, que pour vous, avant l’introduction, il faut toujours des pré-textes…

Des  sortes de pré-liminaires… d’apprêt millénaire…

Je ferai donc attention aux pré-positions que je prendrai, avec votre accord, Et ma petite verve afin d’exciter votre curiosité… sans oublier d’y glisser Un doigt… d’humour, bien sûr…

Avant de commencer, et pour voir comment c’est,

J’vais pas vous faire un dessin, et bien pourtant ce serait sensé,

J’vais vous parler à dessein, et bien portant, j’aime assez, des seins…

Certaines, sûres d’elles, s’exclameront : « À mort, mal embouché !

Encore un texte charcuté ! 

Parler de poitrine, même maigre, c’est faire de l’Art gras !

— Et le sein doux, alors ? »

D’autres, c’est sûr, susurreront, pour rigoler : « S’en payer une bonne Tranche, est-ce de l’art, donc ? De l’art ou du cochon ?... »

Les dernières, sûrement les concentrées, pour me mettre en boîte : 

« Peut-on boire ainsi du petit lait, s’entêter à ce point ? Retomber Dans l’enfance… de l’art ?... »

Moi, je répondrai à la brune, à la blonde, à la rousse,

« Je n’sais pas, sortez vos Petit Robert… 

On va se pencher dessus, on va se plonger dedans… »

 

Mais avant de venir, j’ai demandé à ma mère

S’il était sain de parler de seins devant ses pairs :

C’n’est pas infâme, mais c’est une femme, en or,

Alors, toujours elle m’enguirlande, quand elle a les glandes,  ma mère :

« Si tu déclames du slam, ça s’tient, mais n’réclame pas leur soutien ! ... »

Pourtant d’habitude, pour qu’elle rigole et chante, elle,

C’n’est pas une sainte éthique, mais j’aime faire dans la dentelle…

Genre sérénade, tendance Aubade…

Ah, vous commencez à larmoyer…

J’prèfère vous faire rire sans coup férir,

Avec des jeux de mammaux, à gorge déployée…

Mais, depuis le début de mon plaidoyer,

J’ai l’impression d’voir des batteries d’obus s’déployer :

J’vois déjà des têtus se dresser, des Teutons s’exciter,

Des mameluks se pointer, j’vois plein d’monde au balcon,

À Bagdad, à Kaboul, des chœurs d’Croisés qui déboulent,

Y’en a qui mouillent le maillot, j’sens déjà la chair de poule…mouillée…

 

Et je n’parle pas des Saints, des auréoles, par Dieu le Père,

Non, non, j’parle bien des seins, des aréoles, par deux, la paire…

D’ailleurs, ma paire… d’yeux y reconnaîtra les siens

Et saura, c’est sain de l’avouer, à quels seins se vouer…

Je vois cette obole comme un symbole,

Et dans ces courbes, une parabole…

Mais là, attention, j’sens durcir ma position

Et prends un ton, pour parler de seins, ferme !

Parce que parler des seins, ramolli, c’est sûr, c’est plus dur…

Mais Lefort de Dieu est qu’il nous prothèse, même Perdu !…

Si l’icône est un plan pour révéler le sacro-saint, autant sa salive ravaler… 

« Que faire, Docteur, de mes deux seins ? 

— Quelques pains de plastique vous transformeront en bombe... »

L’opération du Saint-Esprit ? L’aberration du bistouri…

D’ailleurs, j’en vois qui sourient, ravis… Scélérats, va !

Et puis, paraît-il, peu importerait la taille :

Le plus utile, pour emporter la bataille,

Ce serait dit et sincère, s’rait la façon dont en s’en sert,

Des gros seins, à l’air, comprimés, bien lourds, séducteurs,

Des gros seins, qu’on pétrit, mais balourd, c’est réducteur…

Des p’tits seins, l’air de rien, l’air moqueur,

Des p’tits seins tout petits, plus près du cœur,

C’est bonnet blanc et blanc bonnet, alors autant abandonner :

C’n’est pas la peine de s’en mêler,

C’n’est pas la peine de s’ABC à vouloir transformer les C

En de gros ballons de rugby, un All Black, un Wallaby…

 

Ah ! Sans dormir, baiser son cou, baiser ses seins,

Et sur ces petits coussins, s’endormir, offert au Wonderbra,

S’endormir, comme Orphée, au fond d’leurs bras…

Vous voyez un esprit seins dans un corps sain

Tutoyer un esprit sage dans un corsage…

J’vous l’avais dit : ce court passage, discours pas sage,

Va vous laisser… comme deux ronds d’flan…

Et moi, j’avoue qu’j’suis bien gourmand…

Alors, si vous m’trouvez gonflé,

Et avant que vous me trouviez gonflant,

J’m’en vais m’en r’tourner chez maman…

Et si je la trouve, rêvant, ronflant,

Contre son sein, j’me blottirai,

J’regarderai la voie lactée, et des étoiles plein les cieux,

Comme un enfant, j’mendormirai,

Tout comme avant…      Allez bonsoir, mes yeux…

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