Un gros coeur
tyhuk
Sypnosis : La désillusion ou un retour cruel à la réalité ? Quand un homme consacre sa vie aux autres, incapable de voir le mal, quelles solution s'offrent à lui quand il est confronté au pire ? Hugues a passé sa vie aux services d'enfants souffrant de maladies cardiaques. Quand il découvre que le directeur d'un institut de recherche compte nuire à ses protégés, il n'a pas le temps de remonter l'information aux autorités : il est tué. Mais même la mort ne peut l'empêcher d'arrêter le rôle qui a défini sa vie. Il veillera à ce qu'aucun des responsables de son décés ne puisse mener à bien leur projet. La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. Hugues va la saupoudrer de mortalité.
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La neige crissait sous les semelles. Depuis toujours, ce son mettait Hugues en joie. Enfant, il lui était arrivé souvent de faire un détour avant de se rendre en cours. Non pas qu'il avait cherché à éviter l'école, simplement il désirait profiter plus longtemps du manteau blanc recouvrant les trottoirs. Chacun de ses pas l'avait fait éclater de rire. Dorénavant, s'il n'osait plus rire à gorge déployée, ses yeux rieurs étaient le phare de son plaisir intérieur.
Ce bien-être était une bonne façon de se faire une idée de qui était Hugues : toujours à prendre le bon côté de la vie. Quand d'autres s'énervaient contre les injustices de la vie, les tracas du quotidien, lui préféraient y voir l'opportunité de se surpasser. Il ne croyait pas en la thérie qui veut que l'Homme est foncièrement mauvais. Il aimait à croire que l'homme qualifié de "méchant" était surtout quelqu'un qui n'a pas eu de bonnes opportunités dans sa vie. Une erreur dans une décision, une mauvaise évaluation de la situation et même un homme droit pouvait s'effondrer. Il pouvait très bien faire une bêtise. Dans ce cas, selon le concept de l'humanité d'Hugues, il appartenait à cet homme de s'armer de courage pour remonter la pente. Bien entendu, il appartenait aussi à son entourage de le soutenir de tout leur coeur.
Hugues consacrait sa vie au bien-être d'autrui. C'était la raison pour laquelle il se retrouvait, en ce matin d'hiver, à quelques pas d'un institut de recherches portant sur les malformations cardiaques chez l'enfant. Hugues n'était pas un chercheur, mais, comme il le disait souvent, il apportait sa pierre à l'édifice. Depuis de nombreuses années, il s'occupait de jeunes enfants malades dont les parents n'avaient pas les moyens de payer une clinique privée. Avec son épouse, il avait retapé une vieille ferme pouvant accueillir quinze d'entre eux. Des médecins et des infimières avaient accepté d'y passer bénévolement quelques heures par semaine. Ils étaient suffisamment nombreux pour que la ferme pusse tourner sans nuire à leur temps professionnel. Quant aux instituts de recherche, Hugues partageait avec eux certaines subventions afin de financer la ferme.
Le slogan de son établissement était "La ferme qui ouvre ton coeur". Hugues l'avait toujours apprécié, le jeu de mot le faisait à chaque fois sourire. Mais il se savait bon public.
Quoi qu'il en fut, il devait discuter avec le directeur de l'institut. Non seulement pour trouver une solution quant aux besoins toujours croissants de la ferme, mais aussi pour se tenir informé des avancées scientifiques. Hugues espérait que le directeur n'allait pas l'assommer avec des mots compliqués. En général, une fois passées les deux premières minutes d'explications, Hugues agissait en mode automatique : il arborait un sourire bienveillant, hochant la tête de temps en temps. Il avait pu remarquer que si ce mouvement du chef était fait au moment opportun, l'interlocuteur semblait croire qu'il était en parfaite adéquation avec ses dires. Et ce, même si l'esprit était totalement ailleurs. Hugues eut un léger sourire à cette pensée. C'était un petit mensonge, pas bien méchant au demeurant. Et surtout, cela lui permettait de ne pas être désagréable avec le directeur. Un homme de son importance, totalement dévoué à la cause infantile, n'avait pas à perdre son temps avec une personne ignorante.
Hugues profita des derniers pas dans la neige avant d'entrer dans l'immense édifice de recherche. La révérence que lui inspirait le bâtiment se lisait sur son visage. En ces lieux, des hommes et des femmes oeuvraient chaque jour pour que demain des enfants survivent. Aux yeux d'Hugues, il n'existait pas de mission plus noble. S'ébrouant pour se reprendre, il avança dans le hall. Il salua au passage l'agent de sécurité qu'il voyait tous les mois. Celui-ci le prévint que les ascenseurs étaient en panne. Hugues soupira. L'exercice physique n'était pas sa spécialité, les 25 étages allaient être compliqués. Allant contre mauvaise fortune bon coeur, il s'encouragea mentalement en se disant qu'un peu d'exercice n'avait jamais tué personne. Il lui suffisait de monter doucement.
Aucunement découragé par l'ascension, il retira sa veste afin d'être plus à l'aise alors qu'il commençait à monter les escaliers. Il était content d'avoir voulu partir un peu plus tôt aujourd'hui. Il avait voulu profiter de la cafétéria, au même étage que le bureau du directeur, pour prendre un chocolat chaud. Après un moment à profiter de la neige, peu de choses valaient plus, à ses yeux, qu'une bonne boisson chaude et sucrée. Hugues avait pour habitude d'arriver toujours pile à l'heure, jugeant qu'il était tout aussi impoli d'arriver en retard qu'en avance. Ces escaliers allaient compliquer son péché mignon. La montée était lente, il avait besoin de faire une pause tous les deux étages.
Arrivé enfin au 25ème étage, Hugues était ruisselant de sueur. Son coeur battait tellement fort dans sa poitrine que cela en était douloureux. Il mit une main sur sa poitrine comme pour empêcher son organe de s'échapper. Quand Hugues fut assuré que son coeur restait en place, il regarda sa montre pour constater que finalement, il avait encore quinze minutes devant lui. Il avait plus de temps qu'il n'en fallait pour aller à la cafétéria. Cette simple pensée lui fit oublier la montée des 25 étages, le laissant guilleret.
Quand il passa la porte menant au couloir principal, il resta interdit en reconnaissant un homme à quelques mètres. Il se demanda ce que pouvait bien faire Falsblood en ces lieux. Toute personne travaillant, de près ou de loin, dans le domaine de la cardiologie infantile avait entendu parler de cet homme. Son nom avait défrayé la chronique ces derniers mois : la justice le soupçonnait de trafic d'organes. Organes prélevé s sur des mineurs souvent de moins de quinze ans. Certains journaux parlaient même d'enfants achetés, voire enlevés, dans des pays pauvres puis élevés dans des cages. Les différents articles avaient retourné le coeur d'Hugues. Il y avait lu que Falsblood éventrait ses malheureuses victimes pour en retirer leurs organes suivant la demande de riches clients. Et là, il discutait tout sourire avec le directeur et deux de ses assistants.
En se rapprochant un peu, Hugues l'entendit parler de la nécessité d'un taux de rendement supérieur. Falsblood ajouta que la ferme prenait bien trop de subventions alors si le directeur le laissait s'occuper de cela, il y aurait sûrement moyen de trouver des arrangements dans des accords futurs. Le directeur acquiesça de la tête, suivi servilement par ses assistants. Hugues serra ses poings jusqu'à enfoncer ses ongles dans la paume. Il voyait bien que le directeur était en train de faire une bêtise. En s'approchant encore plus des quatre hommes, il put entendre Falsblood se proposer à mi-mot pour accélérer la fin de la collaboration avec la ferme.
Quand Hugues comprit que le directeur approuvait la suggestion, il n'avait plus aucun doute : le directeur était bel et bien en train de se perdre. Oubliant sa respiration encore un peu hâletante à cause des escaliers, il se rua vers le directeur le suppliant de lui dire qu'il avait mal compris. Et si c’était le cas contraire, il l’implorait de revenir sur sa décision. Mais c'était un mur qui faisait face aux supplications.
Le directeur avait tiqué en voyant Hugues. Il ne l'avait pas vu arriver et surtout ne s'y attendait pas. De son expérience, cet homme avait une vie réglée comme du papier à musique. Il devait arriver à 9 heures piles et non dix minutes avant. Il avait fait attention à l'heure. Il avait fait en sorte que Falsblood fusse sur le départ avant l'arrivée d'Hugues. Il fixa un moment ce dernier. Hugues le regardait avec des yeux implorants, le suppliant. Le directeur resta de marbre puis il tourna son regard vers son autre visiteur. Il lui adressa un léger signe de tête avant de faire signe à ses assistants d'avancer.
Hugues sourit. Il a toujours su que le directeur était un homme bon. Il attendait maintenant que les assistants jètent Falsblood dehors. Il allait être mis loin de la pureté de l'institut et tout serait oublié. Son sourire retomba rapidement quand il constata qu'il était entouré des assistants et du trafiquant. Il tenta de les repousser pour se frayer un chemin jusqu'au directeur, mais les hommes le retinrent fermement. Hormis eux, le couloir était vide, même le directeur était en train de se diriger vers son bureau. Chacun des assistants se saisit d'un bras, trainant Hugues. Falsblood ouvrait la marche vers les escaliers. Hugues tempêtait. Se débattait. Tenta de leur faire entendre raison. Mais rien n'y faisait. Il n'était pas assez fort, trop fatigué, pour s'échapper, et ces hommes ne voulaient pas écouter la voix de la raison. Il entendit à peine Falsblood lui dire qu'il regrettait que certaines paroles aient atteint des oreilles non autorisées. Il prit alors un ton condescendant quand il apprit à Hugues que ce dernier allait mourir mais qu'il ne fallait surtout pas qu'il le prit pour lui. Les affaires étant ce qu'ils étaient, il lui fallait les protéger. Qui plus est, il n'avait aucune envie que la justice eusse plus d'éléments contre lui qu'elle n'en avait déjà.
Rassemblant toute l'énergie qui lui restait, Hugues se dégagea, d'un coup d'épaule, d'un des assistants. D'après le craquement et le grognement qui s'en suivirent, il savait avoir tapé à un bon endroit même s'il était bien incapable de dire où il se situait. Il n'eut pas le temps de vérifier que déjà Falsblood, tel un félin, bondit sur lui. Le trafiquant le ceintura pour le plaquer contre le mur. Le second assistant resta immobile, incapable de se décider. Partagé entre aider son collègue dont le nez saignait abondamment et le trafiquant. La suite se passa très vite : Hugues tenta de réitérer son exploit en se retournant rapidement afin de cogner Falsblood de son épaule, mais la puissance n'était plus là. Qui plus est, le trafiquant était un homme de terrain, au contraire de l'assistant, il put donc sans aucun problème esquiver la manoeuvre contre lui. Il attrapa Hugues par le col afin de le tirer violemment vers les escaliers et l'y pousser. Hugues se retrouva à rouler, sans moyen pour se retenir. Tous les os de son corps semblaient hurler de douleur à chaque choc. Puis ils se turent quand une nouvelle marche lui brisa la nuque.