Un homme -28-

aile68

Gérard n'est venu que peu de fois chez son aimée. Il apprécie qu'elle l'ait appelé. Il aime son intérieur, les dessins de Quentin sur le frigo, les quelques photos de lui joliment encadrées dont une avec son père pour ne pas couper le lien selon la mère attentive au bien-être de son fils. Elle limite les rapports avec son ex-mari, on ne peut pas dire qu'ils s'entendent bien mais au moins ils se respectent, c'est déjà ça. Ils veulent donner une bonne image d'eux à leur fils, mais juste une image lisse, sans relief ni véritable sincérité. L'enfant le sent bien, il souffre de ce manque de vérité et d'authenticité entre ses deux parents. Il n'a que quelques souvenirs de sa vie avec eux, il avait six ans quand ils ont divorcé. Sa mère le laisse regarder l'album de famille de l'époque ils étaient unis, pour que l'enfant garde un lien avec ses parents, il n'y est pour rien s'ils ont divorcé. Gérard trouve cela un peu étrange mais il ne dit rien de ses doutes envers cette "méthode", après tout chacun fait sa normalité comme il l'entend. Qu'aurait-il fait s'il avait eu des enfants avec son ex-femme?

"Détends-toi, tu as l'air tout crispé dit Marie-Claude. Quelque chose ne va pas?

- Non, au contraire! Je suis content que tu aies appelé répond Gérard en se ressaisissant.

Marie-Claude sourit, elle semble un peu fatiguée et va se lover dans un fauteuil.

- Assied-toi, je t'en prie. Nous passerons à table dans une demi-heure, si ça te dit. J'ai commandé deux pizzas.

- Oh, t'es trop chou! J'ai une faim de loup.

- A la bonne heure!  Il y a du jus d'orange dans le frigidaire si tu veux.

- Je t'en serre un verre?

- Oui merci.

Gérard se dirige dans la cuisine un peu gêné car il n'est pas chez lui. Ouvrir le frigidaire c'est comme entrer mine de rien dans l'intimité de son amie, il évite de regarder ce qu'il y a à l'intérieur, se saisit de la brick de jus d'orange et referme la porte rapidement pour effacer ce mauvais sentiment de déranger.

- Viens! Il y a des verres dans le buffet du salon dit Marie-Claude d'une petite voix. Son angine lui fait particulièrement mal à la gorge.

Notre homme ouvre avec soin la porte du buffet qui contient de la jolie vaisselle, prend deux verres, il a l'impression d'être un éléphant dans un magasin de porcelaine et referme toujours aussi soigneusement. On dirait qu'il est en mission, une mission des plus importante.

- Mais tu trembles dit Marie-Claude en riant presque, ce n'est pas la vaisselle de la reine d'Angleterre.

- Excuse-moi, je suis ému.

- Emu? Et pourquoi? dit-elle en toussant un peu.

- Je n'ai pas l'habitude de me servir dans ton frigidaire et dans ton buffet comme ça avoue Gérard tout simplement ce qui fait sourire la femme de son air amusé.

(à suivre)

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