Un homme moderne - Chronique

Marie Cornaline

Chronique du livre "Un homme moderne" de Benoit Bastide aux éditions "Au diable Vauvert"

Ce drôle d’objet au graphisme minimaliste et au petit format ressemble à première vue à un de ces mini-bouquins de recettes pour étudiants en mal d’espace cuisine. "Je n’ai jamais lu l’autoportrait d’Edouard Levé" nous répète l’auteur de l’entrée au dessert. D’accord! De toute façon faut-t-il déjà connaître ce fameux Edouard. Sur ce coup, ma culture littéraire n’égale pas ma culinaire.

Quoi qu’il en soit, ce met s’avale d’une bouchée, il est fluide, léger, amusant.

C’est un recueil de pensées d’un trentenaire artiste et acteur social, plus égocentrique que narcissique, qui se nourrit d’aphorismes aussi percutants qu’inutiles. Nombre de ces réflexions pourraient être les nôtres. Il y en a toujours une qui résonne en nous, qu’elle soit légèrement idiote telle que "Je comprends aujourd’hui que je courrai toujours moins vite qu’hier" ou profondément inavouable comme :"Il est impossible d’accepter de façon sincère une critique. L’effet miroir est garanti, surtout pour notre plus mauvais profil."

L’humour se mêle au cynisme et à la simplicité. On s’attache à l’auteur, même si parfois surviennent des envies subites de bonnes gifles. "Contrairement à la légende je n’aime pas uniquement les fortes poitrines, toi aussi tu as ta chance".

L’achèvement de ce melting-pot émotionnel nous pousse alors à chercher quelques extraits de ce fameux "Autoportrait" d’Edouard Levé, pour en comprendre la référence. Effectivement lorsqu’on retrouve ça et là sur le net quelques citations, on a comme une impression de déjà lu. Et c’est alors qu’on ne peut résister à une deuxième lecture afin de pouvoir huer le plagiaire.

Et cette quête devient alors passionnante, sensationnelle parce qu’improbable découverte! L’auteur d’un homme moderne ne plagie pas, il répond! Quelques exemples :

Edouard Levé : J’ai fait l’amour dans les toilettes du TGV Paris- Lyon.

Benoit Bastide : Un couple qui s’enfonce dans les toilettes d’un train à 10 h 12 mérite bien une phrase dans ce texte, les voir ressortir à 10 h 17 pose question.

EL : J’ai peut-être parlé sans le savoir à quelqu’un qui a tué quelqu’un.

BB : Si j’étais l’auteur d’un meurtre, je serai probablement démasqué.

(Se seraient ils croisés dans l’imaginaire de Benoît ?)

EL : Je n’écoute pas vraiment ce qu’on me dit.

BB : Je m’écoute parler.

EL : Je m’étonne qu’on me donne un surnom alors qu’on me connait à peine.

BB : Mon surnom fait de l’ombre à mon prénom.

Evidemment on se prend au jeu et on court se procurer ce fameux autoportrait pour continuer l’investigation.

Alors à la question que se pose l’Auteur "Peut-être permettrai-je une subite, légère et éphémère hausse des ventes de l’Autoportrait d’Edouard Levé?", je réponds oui et bravo. Bravo pour la prose, bravo pour l’idée.

Il serait bon d’ailleurs de penser à une adaptation scénique, une sorte de performance entre un acteur jouant Edouard Levé et Benoit bastide en personne, se répondant l’un l’autre. Peut-être celle-ci est-elle la pièce manquante à l’auteur ? "Un disque, un livre, une pièce de théâtre et je pourrai disparaître satisfait. Je renonce à la pièce de théâtre et demande le report de mon décès". A faire donc, mais plus tard…

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