Un nouveau compagnon pour Losiria
esprit-vagabond
Un compagnon pour Losiria
"Il est temps de partir Losiria. Rester ne fait que retarder l'inéluctable.
— Mais je suis sûre que...
— Suffit Losiria ! Je suis si las. Cela n'a que trop duré et tu vas finir par t'épuiser définitivement. Je suis vieux, j'ai vécu longtemps alors que toi, tu es encore jeune. Laisse-moi partir en paix.
— Tu vas me manquer.
— On se retrouvera, promis !
— Adieu mon vieil ami.
— Adieu Losiria.
Pas plus tôt retirée du bouleau auquel elle s'était enroulée que celui-ci tomba, déraciné. Cela faisait longtemps que les thermites le rongeaient, et sans l'intervention de Losiria, il serait mort depuis longtemps. Losiria était un joli brin de liseron avec de jolies feuilles en coeur et de magnifiques fleurs blanches la saison venue. Les liserons sont connus comme étant des plantes parasites qui étouffent les autres plantes en se repaissant de leur énergie les menant à une lente agonie. Or contrairement à ses congénères, Losiria ne faisait pas dépérir son hôte. Certes elle ne pouvait agir contre sa nature, mais elle avait appris à redistribuer cette énergie volée, à l'amplifier avec la sienne, et rendre ainsi son hôte plus vigoureux, lui prolongeant ainsi la vie. Ce qu'elle avait d'ailleurs fait pour son ami le bouleau qui venait à présent de mourir. C'est en fait elle, qui le maintenait en vie. Au début le bouleau avait était horrifié de l'invasion des thermites et effrayé à l'idée de mourir. Grâce à Losiria, il avait eu le temps de se faire à son destin.
C'est donc le coeur lourd que Losiria quitta sa place et en chercha une nouvelle. Elle rampa dans la forêt luxuriante à la recherche d'une ou d'un nouvel ami(e). Malheureusement les places sont chères et les rares végétaux libres n'étaient pas enclins à accepter sa demande connaissant la réputation de son espèce. " Bonjour Madame Framboisier, accepteriez-vous de... Commença Losiria.
— Ahhhh, un liseron ! Je suis perdue ! S'écria Madame Framboisier.
— N'ayez crainte, je demande toujours la permission avant de m'installer, assura Losiria.
—Vraiment ?
— Oui et...
— Alors c'est non ! Rétorque la framboisier très contente de pouvoir donner son avis.
— Oh... Je... Bien sûr... Au revoir alors.
— C'est ça ! Au revoir Mademoiselle !
Des ricanements alentours se firent entendre : "Ce n'est pas en demandant la permission que tu arriveras à quelque chose ma pauvre Losiria. Quelle honte tu nous fais ! Les liserons se sont toujours imposés, c'est qu'on ne se refuse pas à nous !".
Losiria tête basse préféra se taire. Elle avait réussi une fois avec son ami le bouleau en lui demandant son autorisation préalable, elle était capable de recommencer, pensait-elle. Malheureusement, ce ne fut pas aussi simple. Tous refusèrent catégoriquement et son temps de vie commençait sérieusement à se raccourcir. Ses feuilles se fanaient, certaines tombaient. Ses racines étaient douloureuses. Elle refusait cependant de céder à la tentation d'envahir sans préambule un autre végétal.
Passant près d'une cabane connue comme étant un refuge pour loups, elle croisa la propriétaire. "Bonjour petit liseron, es-tu perdue ? Demanda cette dernière.
— Non. Je recherche un nouveau compagnon, le dernier ayant succombé face aux thermites...
—Tu m'as l'air en piteux état. Ce ne devrait pourtant pas être difficile pour toi de trouver un colocataire si je puis dire.
— C'est que, je ne m'impose pas, je déteste ça. Je demande avant la permission et surtout je ne prends pas que pour moi l'énergie de mon hôte. Je lui redistribue en mieux, n'en gardant que le stricte nécessaire.
— Voilà qui est noble et exemplaire. Toutefois ce n'est pas courant chez les liserons, d'où les refus.
— Vous avez tout compris.
— Écoute, je te propose de passer la nuit dans ma demeure. Je te donnerai de quoi te refaire une santé et repartir dans ta quête. J'ai peut-être une petite idée qui pourrait t'aider mais je dois me renseigner avant.
— Merci Madame, c'est gentil de votre part.
— Je t'en prie petit liseron.
Le demain Losiria quitta la Dame avec pour instructions de se diriger vers l'est, où elle trouverait le gardien de la forêt qui saurait l'orienter. Revigorée grâce aux remèdes de la propriétaire du refuge, elle partit donc vers l'est, le coeur léger. De longues heures passèrent et toujours aucune trace du gardien en question. Losiria sentait l'espoir la quitter à nouveau et fondit en larmes.
Alerté par des sanglots, un chêne passant par là, se dirigea vers l'origine de la tristesse ainsi exprimée. Il trouva notre petite héroïne ramassée sur elle-même, pleurant toutes les larmes de son corps. "Voyons, jolie petite chose, que vous arrive-t-il ?" Demanda celui-ci de sa voix puissante. Losiria leva sa tête et découvrit stupéfaite un gigantesque et majestueux chêne penché sur elle. "À lui seul il pourrait héberger la totalité des oiseaux de la forêt !" Pensait-elle, émerveillée par cet arbre. "Alors ? Reprit-il, vous êtes mademoiselle...
— Losiria
— Quel joli prénom ! Mais que faites-vous à pleurer ainsi et sans hôte pour vous nourrir? Vous risquez la mort ma jeune amie !
— Je sais et c'est cela le problème. Personne ne veut de moi, pourtant je ne suis pas comme les autres liserons, je demande avant de venir et je fais attention en me nourrissant de mon colocataire. Je ne garde que ce qui est indispensable, puis je le lui rends avec un petit plus de mon cru ! Or aucun ne veut vivre avec moi pour autant.
— Reconnaissez que c'est fort inhabituel et je comprends les réticences qui vous sont opposées.
— Mais c'est faux ! S'emporta-t-elle.
— Calmez-vous et laissez-moi réfléchir un instant.
Cet instant parut durer une éternité pour Losiria avant qu'il ne se décide à reprendre : "Voici ma proposition : je vous invite à vivre avec moi, si cela marche vous resterez, sinon je vous trouverez quelqu'un d'autre. Mais avant toute chose, je veux que vous soyez bien consciente de ce que cela implique. Premièrement, vous devez vous engager solennellement à ne me prendre que l'énergie nécessaire pour vivre, le restant étant redistribué comme vous l'aviez déclaré plus tôt. Si cela était un mensonge, vous avez encore la possibilité de vous rétracter".
— C'était la stricte vérité et je maintiens mes propos.
— Parfait. Deuxièmement, sachez qu'être l'hôte du gardien de la forêt...
— Vous êtes le fameux gardien ?
— En effet, je suis le fameux gardien. Donc où en étais-je ? Ah, oui. Être l'hôte du gardien de la forêt implique des responsabilités et un comportement exemplaire en toutes circonstances. Cela ne sera pas toujours aisé.
— Vous me faites un très grand honneur et j'espère me montrer à la hauteur. J'accepte avec plaisir !
Le grand chêne accueillit Losiria qui s'enroula autour de son tronc pour ne plus jamais le quitter. Grâce à la force qu'offrit le gardien, Losiria devint le plus beau liseron jamais vu et grâce à la noblesse d'âme de Losiria, le chêne n'en devint que plus respecté et juste. Ensemble ils régnèrent et règnent encore sur la forêt. Qui sait si vous ne les rencontrerez pas un jour...
Fable à méditer chez les liserons humain(e)s ! Grand merci M'Dame !
· Il y a plus de 8 ans ·astrov
Avec plaisir ;)
· Il y a plus de 8 ans ·esprit-vagabond