Un rond dans un carré

ttr-telling

- "Vraiment... T'es agaçant tu sais ?" Martin était affalé dans un fauteuil, et faisait rebondir une balle de tennis sur le mur face à lui. "Tu te tapes une meuf canon ET sympa, vous vous faites des weekend dans de supers hôtels, vous passez du bon temps ensemble... Et t'arrives à te plaindre? Tu mériterais des tartes." Il lançait la balle de plus en plus fort à mesure qu'il parlait et que son agacement enflait.

- "Mollo sur le mur si tu veux pouvoir récupérer au moins une partie de la caution... Et j'me plains pas, je dis juste que ça ne me convient pas." Cyleo était assis sur le canapé, le regard dans le vide, caressant machinalement un chat tigré qui ronronnait paisiblement sur ses genoux, manifestement habitué au bruit sourd de la balle frappant le mur. 

Martin rata la balle qui rebondit derrière lui, allant se perdre sous une grande étagère remplie de livres.

- "Je comprends pas. C'est quoi le problème exactement?" Il se retourna pour faire face à son ami qui souffla de lassitude.

- "J'ai déjà essayé de t'expliquer... J'arrive pas à vraiment profiter. Elle est très chouette je sais. Elle est sexy, elle est gentille... Mais... Je sais pas. C'est... Différent. C'est pas ELLE..." Il regardait martin droit dans les yeux. Il savait ce qu'il allait dire.

- "T'es vraiment qu'un con... Evidemment que c'est pas "ELLE". Evidemment que c'est différent. Laisse la où elle est putain ! Elle s'est tirée. Elle t'a abandonné. C'est terminé. Ok? Elle est partie. Mais Nina, elle, elle est là. Alors profite des personnes qui sont là pour toi."

Cyleo fit mine d'ouvrir la bouche, mais Martin le stoppa net.

- "Non, ELLE est pas là pour toi. C'est trop facile d'abandonner quelqu'un en disant "je suis là si t'as besoin". Alors profite des gens qui sont VRAIMENT là pour toi, plutôt que de pleurer ceux qui t'ont lâché."

Ca faisait plusieurs mois déjà que Cyleo avait vu son monde s'effondrer. Qu'il s'était perdu dans l'abyme. Il avait réussi à ressortir la tête de l'eau, mais il n'était plus que l'ombre de celui qu'il était pour ceux qui le connaissaient vraiment.

- "On a eu mille fois cette conversation... T'as ton opinion, j'ai la mienne. Mais pour en revenir à moi, j'y peux rien, ok? J'ai essayé, t'en es témoin. Et tu peux pas dire que je profite pas des personnes qui sont là. Seulement... Oui, c'est bien. Oui, je passe de bons moments. Mais tout a un arrière gout amer.... Tout semble... Je sais pas comment dire... Superficiel? J'ai l'impression d'être un rond qui se glisse dans un socle carré. Je peux m'y mettre, ok, mais c'est pas ma place..."

- "C'est des conneries ça..." Pesta Martin. Mais Cyleo continua.

- "Je te demande pas de comprendre. Mais c'est comme ça. Quand Nina est dans mes bras, il se passe rien. J'ai juste le sentiment d'être un imposteur. Je peux pas te décrire ce que je ressens quand je suis avec Celia... Rien que ce matin, on s'est croisé vite fait. On a parlé à peine une minute. On s'est fait un câlin de cinq secondes. Et ben pendant ces cinq secondes, je me sentais à nouveau à ma place. J'étais bien. Pendant cinq secondes, je respirais à nouveau. Pendant cinq secondes, le monde a retrouvé ses couleurs. J'aimerai que ce soit différent. Mais c'est comme ça. Et je dois faire avec. Je m'en plains pas. Je te souhaite même la chance de vivre ça un jour..."

- "Non merci." Le coupa Martin d'une petite voix contrariée.

- "Ce que je veux dire, c'est que j'estime avoir une chance immense d'avoir connu ça. Une telle synergie. Forcément, c'est pas simple de se réhabituer à vivre sans ça. Imagine demain on te dit "bon, tu seras le même, par contre tu verras plus les couleurs et tu ne sentiras absolument plus aucun goût". Tout va te paraitre excessivement fade. C'est pas un drame. On peut s'y habituer. Mais c'est pas simple. Et ça demande du temps..."

Cyleo se réadossa au fond du canapé, en fixant le plafond. Martin restait silencieux. Il semblait peiné pour son ami. Et il se sentait d'autant plus mal qu'il savait qu'il ne pouvait rien faire de plus pour le soulager.

- "Mouais... En tout cas, si tu veux me laisser ta place lors de ton prochain weekend avec Nina, moi je saurai en profiter..!" Lacha-t-il pour essayer de détendre un peu l'atmosphère. Cyleo se mis à rire.

 - "Tu pourras lui proposer. Elle m'appartient pas hein... Peut être que ca la tentera de partir avec toi." Il souri en imaginant la scène. Il savait très bien que Martin n'oserait jamais faire une demande pareille. Il pris délicatement la boule de poils ronronnante qui somnolait sur ses genoux, avant de la reposer à côté de lui, provoquant un miaulement de protestation, avant de se lever. "Je vais faire un tour. A tout à l'heure."

- "Tu vas encore au château?" Questionna Martin, avec une pointe d'accusation dans la voix.

Cyleo ne répondit rien. Il était déjà loin dans ses pensées. Il attrapa sa veste et ses clés, avant de franchir la porte. Il mis son casque sur les oreilles, lança "Thin floors and tall ceilings", puis  disparu dans la nuit.



TTR.

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