Un tigre à l'hôpital

zero-janvier

11 juillet 1991.

J’ai onze ans et demi. Je passe le début de l’été à l’hôpital pour la sixième fois de ma vie. Je vais subir une nouvelle intervention chirurgicale proposée à mes parents et à moi-même par le chirurgien qui s’occupe de moi depuis ma naissance.

Je commence à bien connaître les couloirs et les infirmières de cet « American Memorial Hospital » de Reims. Pourtant, je ne m’habitue pas. Il y a d’abord cette odeur qui me gêne. Il y a aussi tous ces souvenirs difficiles à oublier.

Tout va bien se passer, me répète-t-on depuis mon arrivée. Il n’y aucun risque, c’est une intervention rare mais sans risque, elle ne touche aucun organe vital. Je reste sceptique. J’ai peur.

L’infirmière m’apporte un comprimé à avaler pour me détendre. On m’habille de cette affreuse blouse indispensable pour entrer au bloc opératoire. On me laisse ensuite de longues minutes à attendre. Mes parents sont dans la chambre, ainsi que Grégory et ses parents. Ils essayent tous de me rassurer, mais c’est peine perdue. Je suis mort de trouille, comme chaque fois.

Deux infirmières et un interne viennent me chercher. Ils m’installent sur le brancard, déposent une couverture sur moi. J’ai pris mon petit tigre en peluche avec moi, il me protègera. Mes parents me souhaitent bon courage. On me sort de la chambre, le brancard avance tant bien que mal dans le couloir. Une des infirmières appuie sur le bouton pour appeler l’ascenseur.

Je suis pétrifié par la peur. Mon tigre tombe du brancard. Je le regarde couché par terre, j’ai envie de pleurer. Grégory rattrape le brancard et ramasse le tigre. Il le remet sous la couverture et me sourit. « Il est à tes côtés, rien ne peut t’arriver ». Je lui souris.

Grégory prend ma main gauche dans sa main. L’ascenseur arrive, la porte s’ouvre. L’infirmière dit « il faut y aller, on nous attend au bloc ». Grégory lâche ma main. Le brancard entre dans l’ascenseur, je tourne la tête en arrière pour regarder Grégory. Il me fait un dernier signe de la main. Il pleure.

… … …

Quelques heures plus tard, j’ouvre les yeux en salle de réveil. Il fait froid. J’entends les bips des appareils autour de moi. À part ces bips réguliers, le silence est total, pesant. Je tremble, il fait vraiment très froid.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis éveillé quand enfin une infirmière passe et vient me voir. Elle me salue gentiment et me dit qu’elle va me remonter dans ma chambre. Enfin.

Quand nous arrivons dans la chambre, mes parents ne sont pas là. Ils sont allés grignoter un peu à la cafétéria pour patienter. Grégory est là. Il me sourit dès que j’entre dans la chambre. Il a l’air heureux de me revoir. Je ressens la même joie.

J’échange quelques mots avec lui, mais le sommeil m’attire à nouveau. Je dois me reposer. Je dois dormir. Il me parle, je l’entends, mais je n’ai pas la force de répondre. Il le sait, mais il continue de me parler.

Je m’endors. Qu’importe, je sais que dans quelques heures j’irai mieux. J’ai tant de choses à lui dire.

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