Un tournant décisif
ludore
L'autoroute
« Roulez vers l’imprévu »
Thierry et Sophie partent en vacances par une belle journée de juillet. Une tension coexiste au sein du couple mais ce jour-là tout va bien.
Les kilomètres défilent sans encombre jusqu’au moment où les enfants deviennent irritables. Ils sont fatigués, ils ont faim et ils aimeraient faire une pause pour se défouler. La famille décide alors de s’arrêter à la prochaine sortie d’autoroute. Ils arrivent ainsi dans un village plutôt fantomatique et inhospitalier.
La famille déjeune, se détend au parc, fait une halte aux toilettes. Alors que Thierry rentre les enfants dans la voiture pour reprendre, au plus vite, l’autoroute, Sophie ne revient pas.
Sophie, elle, vient d’avoir une relation purement sexuellement dans les toilettes, avec un inconnu croisé au restaurant. Elle est en train de se rhabiller, cherchant comment leur couple en est arrivé là.
Elle se retrouve piéger dans les toilettes.
Alors que Thierry sort du commissariat, il ne retrouve plus sa voiture. A la fourrière, il retire un chiffon qui obstruait son pare brise mais cette étoffe n’est rien d’autre que le foulard de Sophie ensanglanté.
Sophie, elle, elle panique, est affamée. Elle entend des bruits autour d’elle mais elle, personne ne l’entend. Elle est seule au monde . Elle patiente calmement espérant l’arrivée d’un employé du restaurant.
L’inconnu, sort des toilettes, rentre dans la salle de restaurant comme si ne rien n’était, embrassant sa femme et jetant un coup d’œil rapide à Thierry et aux enfants.
Thierry inspecte tous les recoins du village, interroge chacun des clients du restaurant, cherche le moindre indice. Il décèle des disfonctionnements : des histoires de voisinage, de disparitions étranges, de manipulations, de détournements de fond.
Thierry trouve cela étrange qu’un homme si élégant vienne manger midi et soir dans un simple restaurant de routiers. Aussi, les deux hommes se croisant souvent, lient connaissance, s’apprivoisent. Thierry comprend que quelque chose d’atypique s’est passé entre sa femme et lui. Ils sortent les poings, se frappent, saignent, souffrent. Puis réalisent qu’ils doivent s’allier pour la retrouver.
L’homme se confie et accompagne Thierry sur le lieu de l’adultère.
En parcourant ce couloir, les deux hommes se rapprochent, se reconnaissent, un élan de forte amitié naît. Thierry est subjugué par cet homme. Les deux hommes parlent fort, rient même, alors que Sophie agonise, incapable de sortir un son de sa bouche. Elle est juste derrière la porte….Très affaiblie, elle a chuté et a tapé la tête violemment sur la cuvette des toilettes juste au moment où quelqu’un venait de passer une clé dans la porte quelques minutes plus tôt leur arrivée.
Thierry se sent emporter par un amour irrésistible pour cet homme, ce sourire, ces yeux, ce corps. Il en perd la raison comme si le Diable était entré en lui…
C’est la femme de service qui retrouvera Sophie inanimée le lendemain.
Un tournant décisif…
Satisfait, Thierry referma le coffre de la voiture. Il était tôt et tout était déjà prêt.
Sophie finit d’installer ses deux garçons sur leur siège-auto et s’assit à la place du passager. Par le rétroviseur intérieur, son regard se porta d’abord sur ses chérubins qui cherchaient à se rendormir gentiment puis se tarda sur ses rides et ses cheveux blancs naissants qui affichaient les traces du temps. Pour penser à autre chose, elle s’énuméra, à haute voix, la liste des choses à ne surtout pas oublier afin de passer des vacances paisibles. Fébrilement, elle chercha de la monnaie pour le péage, ouvrit la boîte à gants pour sortir quelques CDs, réarrangea le sac à ses pieds, rempli de biscuits, de bonbons et de boissons.
Elle le savait, elle se devait d’anticiper le moindre imprévu afin que tout soit parfait : Thierry détestait les fausses notes. Pour l’instant, il avait l’air ravi et radieux si bien que ces vacances s’annonçaient sous les meilleures hospices au grand soulagement de Sophie dont les traits se relâchèrent sous cette belle journée de juillet. Le temps de réajuster sa robe et mettre ses lunettes de soleil, Thierry était déjà à son poste, très concentré.
La voiture passa les kilomètres sans encombre, un doux ronronnement de moteur et de climatisation comme bruit de fond.
Thierry connaissait bien cette autoroute A666 c’était, lorsqu’il était petit, « sa route des vacances » chère à tant de français. Sophie s’assoupit un peu; bercée par la monotonie du paysage.
Après quatre heures de route, les enfants commencèrent à s’impatienter et d’un calme olympien, l’habitacle fut le théâtre de cris, pleurs et tensions. Thierry et Sophie décidèrent alors de s’arrêter au plus vite pour déjeuner. Leur sortie d’autoroute habituelle étant fermée pour travaux, ils prirent la première sortie qui s’offrit à eux. Ils arrivèrent dans un petit village charmant mais fantomatique où il leur fut très difficile de trouver à se restaurer. Thierry commençait à pester, ils tournaient en rond depuis déjà une bonne demi- heure sans résultat, et Sophie, pendant ce temps, essayait de distraire les garçons. Enfin dans un coin un peu lugubre, en face d’un relais routier, Thierry gara la voiture. Il était livide et à fleur de peau, ni le retour au calme des enfants et ni le regard attendrissant et amoureux de sa femme eurent raison de son énervement. Il quitta la voiture sans un mot se dirigeant vers la route pour se dégourdir les jambes.
Les enfants et Sophie commençaient déjà à commander les plats lorsque Thierry les rejoignit plus calme et apaisé. Le repas se fit convivial et plutôt gourmet à leur grande et bonne surprise. Rassasiés, toute la famille joua dans un parc attenant au restaurant et avant de repartir, Sophie imposa le passage aux toilettes.
Thierry rattacha les enfants à l’arrière, mit le contact de la voiture en route et commença à manœuvrer en attendant Sophie… sauf que Sophie ne revenait pas. Thierry se recoiffa de la main droite, tapa de son index et de son majeur sur le volant pour marquer son impatience mais sa femme ne réapparaissait toujours pas. Les enfants venaient de se rendormir, Thierry coupa alors le moteur et essaya de la joindre sur son portable désespérant sur le fait que les femmes étaient vraiment longues à se repoudrer !
Il entendit alors le sac, sous le siège passager, vibré. Contrarié, Thierry extrait le portable de sa femme du sac, et le jeta sur le siège passager avec lassitude.
Cette situation cocasse commençait à l’inquiéter quoiqu’il réussit à trouver mille et un prétextes pour l’expliquer. Sophie aurait pu rencontrer une connaissance à elle et prise dans la discussion, elle ne voyait pas le temps passé bien qu’il passait quand même et qu’ils s’étaient engagés à récupérer les clés de la location dans la soirée. En regardant sa montre, Thierry pensa que cette promesse commençait à être compromise.
Son attention se porta une nouvelle fois sur le portable de Sophie : elle avait reçu un nouveau message et deux appels en absence. C’était sa collègue Jeanne qui voulait les inviter un soir à leur retour de vacances. Son esprit vagabonda doucement sans se soucier des minutes qui s’égrenaient savourant le calme avant de redémarrer.
Les clients du restaurant qu’il avait croisé tout à l’heure sortaient les uns après les autres silencieux ou loquaces, graves ou souriants. Thierry détacha sa ceinture, descendit de la voiture silencieusement et s’approcha d’un groupe de personnes âgées. Aucun d’entre eux n’avait croisé Sophie et personne ne l’avait remarqué au relais routier.
Thierry commença alors à s’inquiéter, son cœur se mit à accélérer, sa bouche devint sèche.
En courant, il rejoint sa voiture et réveilla ses garçons qui se mirent immédiatement à hurler, les yeux gonflés de sommeil. Il n’avait pas le choix, il fallait retrouver Sophie et les petits dormiraient plus tard, dès que tout sera rentré dans l’ordre se convint-il intérieurement.
Il fonça vers le restaurant ses deux fils dans les bras. Le patron justement était en train de fermer la porte d’entrée. Thierry put s’introduire dans le local prétextant avoir oublié le sac à langer de son fils dans les toilettes. Essoufflé, Thierry inspecta les toilettes des hommes et des femmes sans succès. Il partit interrogé le personnel du restaurant mais personne n’avait vu ou remarqué la présence de Sophie même le serveur qui s’était occupé d’eux pendant l’heure du déjeuner, ne se souvenait pas avoir servi une femme accompagné de deux garçons et de son mari.
Thierry quitta le restaurant complètement sonné. Mais où pouvait être sa femme ?
Il retourna au parc puis à la voiture mais tout était vide, sans âme qui vive. Les rues étaient redevenues désertes, tous les volets et les portes étaient clos. Thierry en eut des frissons et des sueurs froides. Il eut alors un mauvais pressentiment comme si la vie de Sophie puisse être en danger. Des millions de questions se bousculaient dans sa tête : pourquoi ? Pourquoi Sophie ? Ils ne devaient pas s’arrêter ici, que s’était-il passé ?
Il n’avait aucun indice, aucune piste et cette disparition devenant préoccupante, il décida d’en informer le commissariat de police.
Il fallait rassurer les enfants qui, sentant leur père très tendu et stressé, restaient livides et pétrifiés blottis contre lui, le doudou d’une main et le pouce dans la bouche.
Le commissaire prit l’avis de recherche au sérieux expliquant à Thierry que le phénomène était étrangement courant dans le village. Le policier parla de fugue, de dispute conjugale, de dépression, de problèmes financiers, d’adultères…interrogeant Thierry d’un œil et scrutant ses réponses et ses réactions de l’autre en tapant frénétiquement sur le clavier de son PC. Thierry était étranger à la scène qui se déroulait devant lui : pourquoi est-il ici ? Pourquoi n’était-il pas déjà en train d’installer les affaires dans leur location ? Le commissaire s’adressait-il bien à lui ? Comment une situation aussi étrange et inexplicable lui était tombée dessus à lui? Lui qui détestait l’imprévu, lui qui voulait que tout soit toujours parfait, que s’est-il passé ? Son esprit se brouillait, plus rien n’était clair et limpide comme avant, il était déboussolé…
Un petit clic, un foulard qui se défait, se gonfle, s’envole et tombe avec légèreté sur le sol.
Au détour d’un couloir, deux regards qui se croisent, se comprennent, se connaissent, se reconnaissent. Des doigts qui se frôlent, des mains qui se touchent, des tissus qui se froissent et tout le corps qui s’unit d’un même accord sans partition et sans répétition. Tout est si naturel et sensuel, doux, léger, enveloppant comme dans un rêve. Un jeu de séduction, de questions, réponses puis le bonheur et l’extase. Ces corps qui s’entrelacent, ces bouches qui fusionnent et ce sentiment de ne faire plus qu’un.
Faire l’amour avec un inconnu, laisser parler le langage du corps sans se soucier « du qu’en dira-t-on », Sophie venait de le faire.
C’était la première fois et à son grand étonnement, elle n’éprouvait d’abord que du contentement et un sentiment de plénitude. Son corps qu’elle avait oublié depuis si longtemps, vivait encore. Il suffisait juste de le réveiller doucement, de lui chuchoter des mots tendres, de le protéger et là il bouillait, brûlait et jouissait sans retenue…
Son esprit vagabondait au travers les portes des toilettes. Que ces vacances la pesaient, chaque année les mêmes habitudes, les mêmes rituels, les mêmes rires et les mêmes prises de tête. Pourtant Jeanne leur avait proposé de partir avec eux, en Corse pour changer un peu et partager des moments sympas en dehors du boulot. Non, Thierry avait refusé fermement : la Corse, il ne connaissait pas et les nouveautés engendrent chez lui trop de stress et d’angoisse. En pensant à cette anecdote, Sophie eut un sourire béat : elle n’en revenait toujours pas de ce qu’il venait de se passer et en même temps, elle avait besoin d’actions, de nouveautés et de rebondissements dans sa vie si fade et prévisible. Elle se raconta intérieurement qu’après s’être rhabillée, elle sortirait du restaurant, rejoindrait sa famille dans la voiture. Ils rouleraient puis déballeraient les bagages, récupèreraient le poste télévision cher à Thierry et aux enfants. Puis, ils dîneraient frugalement et choisiraient leur ballade du lendemain. Mais, le portable sonnerait et leurs amis les inviteraient à se joindre à eux dès le lendemain matin. Thierry, rassuré de n’être plus tout seul comme maître à bord de sa famille, accepterait, soulagé.
Et c’est ainsi, que depuis cinq ans Thierry et Sophie ne s’étaient pas retrouver en intimité. Entre le boulot, les courses, les enfants, la maison à entretenir, leur couple s’épuisait…
Elle eut un frisson de culpabilité et repensa à ce qu’en penserait sa mère… cette dernière aurait au moins toutes les raisons de défendre son beau fils préféré !
Sa mère, une femme prude et religieuse, ayant élevé Sophie avec droiture regrettait les mauvaises fréquentations de celle-ci. Aussi, lorsque Sophie lui présenta Thierry, sa mère le prit sous son aile ; un beau fils aussi respectable, il fallait le chouchouter !
Sophie se remémorait leur premier baiser, la présentation à la famille, leur premier appartement et la naissance de leurs deux enfants.
Tout lui semblait si loin dans ses souvenirs… elle était devenue une autre femme aujourd’hui.
Elle avait confiance en elle et cette force germant dans son ventre la fit sourire.
Ils l’avaient fait sans se protéger, à quoi bon se protéger… on a qu’une vie et faire l’amour à un inconnu avec un préservatif allait tout gâcher ! Est-ce que James Bond fait l’amour avec ses James Bond girl avec une capote ? Jamais ! C’est comme jouer à la roulette russe et la vie prend un autre goût, c’est excitant, frôler, jouer avec l’interdit.
Et si elle tombait enceinte, ce sera un bébé de l’amour, un coup de tête, une envie, un caprice, une folie !
Aujourd’hui il faut réfléchir pour tout, tout le temps. Un enfant c’est synonyme pour le commun des mortels : d’une pièce supplémentaire, d’une autre voiture, d’une location plus grande pour les vacances, de dépenses …mais sont peu nombreux ceux qui parlent de vie et d’amour en plus ? Notre société actuelle prône l’enfant roi, unique, égoïste et individualiste.
Thierry ne veut plus d’enfants, c’est trop de travail, trop de responsabilités, des chômeurs pour demain.
Qu’attend Thierry de la vie ?
Comme cette sortie d’autoroute qui les a fait pénétrer dans ce village fantôme, leur relation amoureuse s’est enkystée dans une routine stérile et insoutenable. Ils le savent tous les deux mais par habitude, ils restent ensembles consumant sciemment la jeunesse de l’un et de l’autre d’un accord mutuel consentant.
L’homme était sorti laissant Sophie dans un état comateux. Il s’était rhabillé rapidement, voulant chasser au plus vite de son esprit, cet égarement bestial. Il était repu mais honteux, sa compagne patientant à table…c’était la première fois pour lui-aussi.
Sophie gardait encore sur sa peau l’odeur de son parfum, pouvait encore sentir ses muscles saillants sur sa poitrine.
Maintenant, il fallait qu’elle aussi sorte, s’expose en pleine lumière et assume ce qu’elle venait de faire en cinq minutes et qui venait de donner à sa vie un tournant radicalement différent. Il fallait reprendre le cours de sa vie de bonne épouse et mère de famille rangée, dynamique, faire passer cet acte amoureux comme un souvenir passé en espérant que le corps ne nous trahisse pas.
Sophie ne connaissait pas le prénom de cet homme, ni son âge, ni son métier. Que savait-elle de lui ? Rien ou plutôt le meilleur, elle avait reçu une dose indescriptible d’amour et de tendresse.
Finalement, connaissait-elle réellement Thierry ? Qui peut prétendre connaître l’autre ?
Se connaît-on soi-même ?
Au commissariat de police, Thierry essayait de rester concentré afin de répondre le plus justement aux questions de l’agent.
Lorsqu’on lui parla de problèmes relationnels avec Sophie, Thierry décrit une vie de famille harmonieuse, douce et parfaite. Pour justifier sa bonne foi, il sortit de son sac, le contrat de location et fit les louanges des vacances merveilleuses qui les attendaient. Il compléta ses propos en expliquant que Sophie ne raterait ce séjour pour rien au monde ! Elle aimait tellement la région, leurs amis et elle n’aurait jamais abandonné ses enfants !
Les garçons restaient muets et tétanisées. Ils avaient froid, ils avaient faim, ils étaient fatigués. Thierry n’avait pas l’habitude de s’occuper d’eux et ses gestes étaient plutôt maladroits.
Thierry ressortit de l’entretien lessivé. Il se mit à errer dans les rues sans but, les yeux hagards, les enfants blottis contre lui. Où avait-il garé la voiture ? Il ne savait plus, le trou noir dans sa mémoire. Il donna des compotes à boire comme dîner à ses enfants, Sophie lui fera certainement la réflexion !
Ils s’assirent sur un muret afin de retrouver leurs esprits. Thierry se ressaisit et se rappela avoir garé la voiture en double file, bouchant la sortie d’autres véhicules mais dans l’urgence, il n’avait pas cherché à trouver mieux. Maintenant, il regrettait son attitude peu citoyenne et s’inquiétait des soucis qui allaient venir à nouveau se greffer.
Pour désencombrer la rue, une remorqueuse avait dû intervenir et il fallait désormais trouver un taxi et la fourrière !
Ils retournèrent donc au commissariat afin de recueillir tous les éléments nécessaires. Là, la relève s’informait des derniers évènements et de leur travail nocturne. Thierry attendait patiemment dans la salle attenante au bureau du commissaire. Qu’attendait-il ? Une main rassurante qui lui arrangerait tous ses problèmes d’une baguette magique ? Peut-être.
Des larmes silencieuses roulaient à toute vitesse sur ses joues. Il repensait à la veille lorsqu’il s’était mis en colère contre Sophie qui n’avait toujours pas terminé de faire les bagages. Il culpabilisait de s’énerver lorsqu’ à vingt heures, le dîner n’était toujours pas servi ou de réprimander Sophie lorsqu’il ne trouvait pas tout de suite sa chemise préférée repassée. Et les plats pas suffisamment salés qui mettaient un froid glacial pour la suite du repas ! Mais pour lui, ces incidents restent naturels et normaux dans une famille et ne nécessitent pas une introspection.
Est-il un bon mari ? Il ne s’était jamais posé la question !
Son père ne s’était jamais remis en question et trente ans de mariage au compteur. Son père est un homme rustre, patriarcal qui ne s’encombre pas des problèmes et prend des mesures radicales pour obtenir la paix. Tant pis, si ça fait de la casse. Les sentiments, le ressentit des autres, il n’a pas le temps de composer avec et personne ne s’en offense.
Aujourd’hui, être père c’est compliqué. Il faut être doux et autoritaire. Savoir seconder sa femme en conservant sa virilité. Thierry avait dû mal à en comprendre toutes les subtilités. Parfois, comme en un éclair, il avait l’impression de lire de la détresse et de la déception dans les yeux de Sophie. Jusqu’à ce jour, il ne le s’était jamais avoué…ses réflexions furent interrompues par l’arrivée d’un agent de police très charmante. Rapidement, elle rassura Thierry et lui indiqua la fourrière la plus proche et lui appela un taxi équipé de deux sièges auto. Elle lui conseilla une auberge dans laquelle ils pourront se restaurer et dormir.
Dans le sac à langer, Thierry n’avait plus assez de lait ni de couches pour les petits, retrouver la voiture au plus vite devenait vital.
Avant de se rendre à la fourrière, Thierry demanda au chauffeur de se rendre au relais routier où ils avaient déjeuné quelques heures plus tôt. Il descendit rapidement de la voiture demandant à laisser le moteur en route et rentra à nouveau dans le restaurant espérant retrouver Sophie.
Dans une ambiance solennelle, quelques routiers dînaient, leurs épaules étaient si voûtées qu’il semblât que leur tête allait bientôt rejoindre le contenu de leur assiette. Personne ne parlait, trop usé par sa journée. D’un œil habitué, Thierry scruta le personnel, les clients puis chaque pièce du restaurant. Il inspecta minutieusement les toilettes, la salle des cuisines mais ne trouva rien. Il retourna au parc, fit rapidement le tour de la rue espérant trouver un mot, un message, une trace, un objet appartenant à Sophie mais il retourna au taxi bredouille.
Il avait déclaré à la police qu’elle portait une robe estivale et des petites sandales mais portait-elle des bijoux aujourd’hui ? Il ne s’en souvenait plus. Il n’avait pas observé sa tenue.
La voix de Sophie si rassurante lui manquait, son absence devenait lourde et pesante. Il avait essayé de garder son calme, de rester méthodique mais maintenant la situation le dépassait.
Arrivé à la fourrière, Thierry s’exécuta et remplit sans broncher les papiers administratifs et régla l’amende qui fut bien salée. Le patron le conduisit alors à sa voiture et disparaît aussitôt avant même que Thierry puisse lui rendre le tissu qui recouvrait le pare brise.
Il plaça ses enfants et ôta le tissu qui lui obstruait la vue lorsque son cœur se serra dans sa poitrine. Ce foulard, il le reconnaissait : c’était le foulard que Sophie portait souvent. Son sang se glaça.
De quelle machination machiavélique Sophie et Thierry étaient-ils victimes ?
Thierry observa méticuleusement ce foulard qu’il lui avait offert lors de leur voyage de noces à Barcelone. Quelques tâches s’y trouvaient et à la lumière de la veilleuse, il lui fut impossible d’identifier si ces tâches étaient des gouttes de sang. Le foulard portait l’odeur de Sophie. La pression fut trop forte et Thierry s’effondra sur son siège, inerte.
Rhabillée, Sophie ouvrit la porte des toilettes prête à affronter la réalité.
Elle entendait au loin le bruit des cuisines du restaurant, les voix du personnel et des clients. Rassurée, elle posa sa main sur la poignée de la porte. Mais celle-ci restait fermée malgré les efforts démesurés qu’elle avait mis en œuvre pour l’ouvrir. Elle tambourina sur la porte de plus en plus fort, se mit à appeler mais personne ne semblait l’entendre. Elle chercha son portable mais elle l’avait laissé dans la voiture.
Elle regarda autour d’elle : elle était seule au monde.