Une belle saison

ysiscriten

L’hiver est arrivé. Calfeutrée dans mon lourd gilet de laine, je regarde les passants derrière la fenêtre embuée. Leurs allures, leurs démarches m’amusent. La plupart, les épaules remontées, avancent à pas pressés voire furieux, donnant l’impression de vouloir engloutir leur cou dans l’ensemble de leur corps. Le froid semble durcir les traits des visages. Pas de sourire. Au mieux des grimaces. Au pire des rictus. J’effleure la vitre, elle est glacée. Mais il me faut sortir. Je vais le voir.

Depuis longtemps j’attends ce moment. Il est arrivé. En hiver, certes, mais il est enfin là. J’ai mis un temps fou à me préparer. Ma penderie ressemble à une boutique dévastée après une journée de braderie. Pantalon ou robe ? Robe ou jupe ? Et la couleur ? Mais la sensation de froidure que reflétaient les figures des passants refroidit aussitôt mes ardeurs de coquetterie. J’opte pour quelque chose de confortable et de chaud.

A mon tour d’être fouettée par le vent qui lacère mon visage et me fait couler les yeux.

Malgré mes gants, ma peau craquelle. Je mets de la crème. Je dois avoir la peau douce. Il aime quand la peau est douce, soyeuse. Alors, il glisse sa joue dessus. Et moi, comme j’aurai hâte de le caresser, de le serrer contre moi et de l’embrasser.

Dans le wagon, je sors ma trousse de toilette. Je ne suis plus qu’à deux stations. Je remets quelques gouttes de parfum et réajuste mon maquillage. On me regarde. Mon excitation doit être évidente. J’ai tant attendu pour l’avoir auprès de moi. Cette séparation commençait à me ronger le cœur. Le train s’arrête enfin. J’ai envie de courir pour être le plus rapidement possible auprès de lui, mais j’ai subitement les jambes lestées de poids invisibles. Je me traîne et gravis lourdement les marches de la bouche de métro. J’avance et j’entends mon cœur battre fortement.

Une sorte de comité m’accueille et l’encadre lui tant et si bien que j’ai du mal à l’apercevoir. Mais son odeur m’arrive et mon excitation est décuplée. Enfin je le vois et surtout il me voit. Un incroyable sourire apparaît sur son visage, je le vois courir vers moi et je fais de même. Mais il est plus rapide, et me saute dans les bras. Je l’embrasse et le serre fort contre moi. Mon fils adoptif est enfin là.

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