Une demeure pleine d'hospitalité

Scythe Crow

- C'est donc elle, la fameuse maison ?

- Et oui. Vous avez l'air déçu monsieur.

- Oh non. Elle a l'air accueillante. On peut entrer et visiter un instant ?

- Vous pouvez si vous voulez, mais sans moi. On ne s'approche plus de l'endroit en temps normal. Ce coin est mauvais.


- C'est précisément pour ça que je suis venu. Comprendre la réputation du lieu. J'avoue pour l'instant ne pas être impressionné.

- En entrant, vous trouverez matière à changer votre impression, soyez en sûre.

Sur ces mots, il repartit,  laissant seul un jeune homme frêle aux traits impertinents. Il se nommait Ian, prénom qu'il avait jugé bon de ne pas donner. Il aimait qu'on ne puisse l'interpeller.

Désormais seul, il ne perdit pas un instant et observa la demeure. La mentionner provoquait un malaise palpable aux personnes informées de son existence. Elles préféraient l'ignorer. A présent, l'endroit existait dans son propre univers, délavé et à l'abandon. Pourtant rien de prime abord ne semblait distinguer cette morne demeure d'une autre. Le bois trop travaillé, la peinture écaillée, les tuiles éparpillées. Une vision triste, sans malfaisance.

L'ennui commença à s'incruster, mauvaise graine sans gêne qui s'amusait à titiller le curieux insatisfait. Sa frustration s'évapora au détour d'un hasardeux coup d'oeil à la porte d'entrée. On ne la remarquait guère, petite et ratatinée. Sa forme était pourtant singulière. Sans poignet visible, sa couleur évoquait la chair. Cette impression était renforcée par les parties charnues attachées au haut et bas de l'issue. Ian se mit à sourire. C'était sans conteste une bouche. Du moins, une représentation fidèle. Ravi par ce détail inhabituel, il posa ses mains sur le mur. Il dégageait une forte chaleur et sa texture, comparable à la peau. Ses doigts ne se lassaient pas de toucher cette drôle de membrane. Il lui vint l'idée de la chatouiller, ce qu'il fit sans tarder.

Il sentit l'épiderme se tendre nettement. Il espérait que cela produirait un résultat à la hauteur de ses attentes. La conséquence, bien qu'étonnante ne fut sans doute pas de son goût.

Concentré et appliqué à faire réagir le mur, il ne fit pas attention à l'ouverture progressive de l'improbable bouche.
Affairé, il ne jugea pas pressant de vérifier ce qui pouvait frôler ses pieds. Il fut bientôt recouvert d'une masse lourde et musclée qui l'enserra par la taille, se rétracta en l'emportant au travers de l'entrée. Il n'eut pas le temps, ni de crier, ni même de se débattre. L'on entendit un craquement sourd puis un bruit de mastication. Les lèvres se refermèrent sur l'ingurgité.
Elles formaient un sourire. Courtoisie de l'hôte envers l'invité convié à dîner.

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