Une école bien spéciale

"Bienvenue ! lança une grande dame blonde, visiblement âgée, souriant de toutes ses dents. Bienvenue chers enfants répéta-t-elle, entraînant quelques rires dans la salle. Si vous êtes ici, c'est pour une raison particulière. Vous êtes différents. Vous n'êtes pas normaux.

Un murmure parcourut la salle jusqu'à ce qu'un bruit sourd résonne, accompagné de la voix autoritaire de la directrice. Tout le monde se tut d'un coup. Elle continua alors son discours.

- Ici, on vous apprendra à contrôler votre pouvoir. Chaque élève en a normalement un bien à lui, même s'il arrive que plusieurs élèves aient le même. Pour l'instant, je suis sûre que vous ne connaissez rien à votre talent caché, mais vous allez bien vite le découvrir. Je vous distribue vos emplois du temps, qui seront valables pour toute l'année. Il n'y aura pas de changements de cours possibles, même si votre professeur n'est pas là, vous aurez toujours cours."

Sur ces paroles, de petites feuilles grisâtres virevoltèrent dans la salle jusqu'à atterrir sur nos tables respectives. Les élèves regardèrent la femme avec de grands yeux ébahis. Son pouvoir à elle, ils l'avait tous deviné. Il était très rare, et extrêmement dur à maîtriser, mais surtout il était d'une grande puissance. C'était le don de déplacer les objets, les personnes. Ambre aussi, était impressionnée par cette demonstration. Elle reçut le morceau de papier directement dans les mains, et remercia la directrice d'un signe de tête. Elle le scruta, l'étudia longtemps, avant de pousser un soupir de soulagement. Elle n'avait pas beaucoup de professeurs qu'elle n'aimait pas, et ses journées n'étaient pas si longues, par rapport à celles des dernières années. C'est alors qu'elle se rappela quelle importance avait le premier jour dans cette école. C'était le jour où il y avait la grande cérémonie d'ouverture. Elle commençait dans la soirée et se terminait très tard mais les professeurs avaient fait en sorte que l'emploi du temps ne soit pas trop chargé le lendemain, afin que personne ne s'endorme en classe. Les instituteurs devaient y présenter leur matière, et le but et les objectifs à atteindre à la fin du trimestre.

Soudain, la salle entière se leva, dans un brouhaha infernal. Ambre poussa sa chaise un peu plus loin et se mit debout. Elle quitta la pièce d'un pas rapide, et déboucha sur un grand couloir, où étaient accrochés des dizaines de portraits. Elle les regarda rapidement puis monta les trente marches de l'escalier en colimaçon qui menait à sa chambre. Elle s'arrêta enfin devant une petite porte bordeaux. Une plaque dorée y était accrochée, signalant que cette chambre était celle d'Ambre ROSEMART et Joe SIRAFI. Elle frappa, trois longs coups. Personne ne se manifesta. Elle s'apprêtait donc à entrer lorsqu'un grand jeune homme surgit. C'était sûrement le fameux Joe avec qui elle était censée habiter. 

"Hey, tu serais pas Ambre ? 

- Si, effectivement répondit-elle, je suis Ambre ROSEMART. Et toi tu es Joe ? 

- Ouais, ravi de faire ta connaissance lança-t-il, avec un sourire forcé. Entre, reste pas dehors !"

La jeune fille pénétra à l'intérieur de la chambre, jettant ses affaires sur son lit. Elle s'y allongea ensuite, sortant son livre préféré. Elle regarda le jeune homme, qui était affalé sur une chaise, pianotant à toute vitesse sur son engin. Il était assez grand, et très mince. Il avait la peau blanche, avec de multiples grains de beauté, dispersés un peu partout sur celle-ci. Ses cheveux étaient en bataille, et bourrés de gel. Leur couleur était très jolie, une sorte de mélange entre du brun et du châtain. Et ses yeux ... ! Ils étaient d'un bleu océan, divins. Elle se surprit en train de l'admirer. D'ailleurs, il l'avait sûrement vue. En effet, elle n'était pas très discrète, fixant intensément ce dernier avec des yeux pleins d'étoiles. Elle bâilla. Elle était très fatiguée, pourtant ce soir, c'était l'ouverture et elle ne devait rater ça pour rien au monde. Elle jeta un oeuil sur sa montre noire : il était dix-neuf heures ! Et la cérémonie commençait à dix-neuf heures quinze.

Elle lâcha étrangement vite son bouquin, le propulsant à quelques mètres, n'ayant même pas le temps d'aller le chercher. Elle était en retard ! La jeune femme fila dans la salle de bain, sa robe noire à la main, et sa trousse à maquillage posée en équilibre entre son épaule et son cou. Elle ferma rapidement le verrou de la petite pièce, et se déshabilla, laissant ses habits par terre. Enfin, elle enfila sa petite robe noire, en dentelle, et attrapa sa trousse. Elle regarda à nouveau sa montre : dix-neuf heures dix. Elle recouvrit ses lèvres pulpeuses d'un coup de rouge à lèvres, et entoura ses yeux d'un épais trait de crayon noir qu'elle rangea alors dans sa pochette. Elle poussa la porte en précipitation, et enfila sa paire d'escarpins. Soudain, un bruit derrière elle la fit sursauter. C'était Joe, qui sifflait. Elle sourit puis suspendant son sac à son bras, rejoignit le jeune homme, qui ferma la porte derrière eux. Ils dévalèrent les escaliers à toute vitesse, faisant tout de même attention à ne pas tomber, puis arrivèrent devant l'immense porte rouge et dorée. Plusieurs étudiants étaient en train de rentrer. Ambre chercha son "pass" dans son sac à main. Et là, elle fut parcouru par un frisson : il n'y était pas. Elle le fouilla, renversant plusieurs de ces affaires au passage, mais ne le trouva pas. Découragée, elle fixa Joe, comme si par miracle, il pouvait l'avoir. 

"Viens par là ! lui cria alors le jeune homme, qui était déjà rentré dans l'imposante pièce."

Ambre, confiante, fit alors quelques pas en sa direction. Les gardes ne dirent rien, ne la remarquèrent même pas. Elle se faufila alors discrètement entre les invités, et se plaça à côté de son colocataire qui l'attendait, les bras croisés. Elle le remercia et une magnifique jeune fille surgit alors, prenant son bras, et réclamant un baiser de sa part. Le couple s'embrassa. La jeune fille faillit déglutir, et s'écarta lentement des deux tourtereaux. Etait-elle réellement amoureuse de lui ? Si elle ne pouvait supporter de les voir ensemble, c'était sûrement une réponse positive. Déconcertée, Ambre s'assit sur un des nombreux bancs qui bordaient la pièce. Elle soupira. Elle voyait encore Joe et l'autre s'embrasser amoureusement. Sa tête se mit à tourner. La musique devint de plus en plus lointaine. Les voix se mélangèrent. La pièce devint floue. Puis plus rien. Rien du tout. Le noir. Le néant. 

Lorsqu'elle se réveilla, le soleil était déjà haut dans le ciel. Elle entendait vaguement les oiseaux chanter. Elle distingua des formes, puis des couleurs. Le visage de Joe apparut subitement. Des voix résonnèrent dans sa tête, des visages affolés. Elle ouvrit difficilement les yeux, éblouie par la lumière qui s'infiltrait dans la pièce par la fenêtre transparente. Elle ne se rappelait de rien. Absolument rien.