Une famille redécomposée

scribleruss

Roman triste. 6

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Fin du chapitre précédent.

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  Pourquoi faire simple quand on peu faire compliqué.

  Mais faire simple Apolline eût été de rester chez toi dans ton petit Liré, pas si détestable que ça, apaisant, régénérant.

   Les jérémiades d'Alexis au téléphone, ses abandons n'étaient que factices, les hommes ont besoin de s'entendre dire je t'aime par celle qu'ils n'aiment plus après qu'ils ont défloré le sexe, et découvert les opulences et les failles du corps de l'impétrante.

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. Chapitre 6  Le marigot

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     Jean-Gilbert n'oubliera jamais ce matin-là.

    Il devisait dans le séjour avec l'épouse, lorsqu' Apolline venue seule passer les fêtes de Noël débarqua dans la pièce, l'air revêche sous ses sourcils froncés noirs, et debout leur dit ; " Bon j'ai quelque chose à vous dire. " Le père et la mère se raidirent.

   -   Je suis enceinte.

   Ce fut lâché. 

   Le père et la mère se figèrent. Que dire. Ils accusèrent le coup.  Mais l'accuser elle, Apolline ! non stupide, ce n'était pas le propos. On n'allait pas la fustiger. Elle était majeure non ?

      Jean-Gilbert se souvint ce qu'il avait dit encore récemment à des amis lorsqu'ils échangeaient à propos de leurs enfants respectifs et évoquant Apolline.

  L'amie disant ;  " Apolline elle peut encore avoir des enfants .. " les amis sont persifleurs, ils savaient la maladie à laquelle Apolline avait été confrontée. Ce questionnement était vénéneux, méchant. Jean-Gilbert n'aima pas cette forme d'intrusion.

   Il rétorqua ; " Ne me dites pas ça, certes elle semble guérie de son cancer, mais cette maladie l'a fragilisée, et sa situation sentimentale ne m'apparaît pas à ce point stable qu'elle l'autorise à attendre un enfant.

  Je sais qu' elle ne supporte déjà plus ses neveux et nièces voyant en eux les enfants que sa soeur a su avoir et qu'elle, son aînée, n'aura pas, et puis non je ne la vois pas en capacité de mettre au monde puis de gérer un enfant dans son contexte ... certes c'est dur mais je ne lui souhaite pas un enfant, et pour nous je ne le souhaite pas non plus. "

  Ce ne fut pas une douche froide. Ce fut pour Jean-Gilbert qui avait appris à les absorber depuis longtemps un nouveau coup du sort, de ces déconvenues, de ces lourdes ironies que la vie plus souvent parfois que la normale vous met sur les épaules sans s'être assurée que vous avez les épaules adéquates pour en porter le poids.

  La vie n'est pas toujours pertinente.

  Quand même ! Seule ! portant les stigmates d'un cancer, - mais ma bonne dame elle est guérie ! ouais ... okey guérie ! - abandonnant sa belle petite maison, son compagnon, pour aller se fourrer chez un coureur de jupons, un dilettante, divorcé, harcelé par une hystérique qui n'acceptait pas le mauvais coup d'une séparation, deux adolescentes en devenir ... Seule, la cendre froide de son cancer, et ses quarante ans ! avec ce guignol ! 

   Jean-Gilbert se retint d'en être malade.

   Il avait rêvé pour ses enfants comme tous les parents du monde,  leur réussite, leur accomplissement professionnel et sécurisé s'agissant de ses filles comprenant bien qu'il n'y avait rien à espérer de l'homme qui trompe, qui lâche, qui fuit,  qui compte ses sous ... laissant la femme sans diplôme, sans formation, sans métier comme ... oui comme u ... mais est-il nécessaire de dire des mots infâmes pour dire la vérité crue et vraie ..

   Apolline avait un métier, elle aurait pu même obtenir une affectation dans la ville de ses parents, elle aurait pu trouver la bonne chaussure, la belle âme, être tout bonnement en bonne santé, avoir même une ribambelle d'enfants, un pied-à-terre au bord de l'océan, et pourquoi pas, hein ! et pourquoi pas ... ils étaient des centaines de milliers à bénéficier du bonheur normal pour lequel l'on naît au monde.

  Eh bien non ! l'homme fantasme et le destin dispose.

  La voici qui non contente d'être retournée au marigot elle s'y enfonçait . Un enfant !

    Elle avait dû le mûrir cet enfant, le penser,  le vouloir, l'imposer. Elle l'avait. C'était sa revanche sur la vie, sur les autres. Non elle ne l'avait pas, elle n'en portait que la petite noix qui sourdait dans le creux de ses intimités et qu'il faudrait maintenant assumer, accompagner, suivre, puis mettre au monde avec ce corps malmené, frêle, sec, pauvre, tout en attentes, en réticences, en défensives ...

   Jean-Gilbert évalua les neuf mois à venir, neuf mois durant lesquels son épouse et lui allaient s'inquiéter. Mais était-ce leur problème. Non mais c'était leur fille.

     Eux aussi avaient droit au bonheur ou du moins à finir en paix. Oui mais la vie n'aime pas trop lorsque du monde se bouscule au portillon du bonheur.

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. A Suivre

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