Une femme à la mer
damephoenix
Dans le blanc de l'écume, je reviens à ma source. Sur le flanc, dans la brume, amarrée à la plage, je sens avec délice l'eau couler sur ma peau. Baptisée par la grâce d'une immensité, purifiée par les vagues qui s'agitent et déferlent, mon corps comme péninsule entre terre et mer, entre l'ancré et le mouvant, les embruns qui s'affolent et tourbillonnent sans jamais briser le calme du moment.
Qu'ils sont beaux ces moments, seule, égoïste, alanguie, où le temps n'a plus prise, où le silence est d'or, où l'homme est si petit. Ça fait peur et rassure de se savoir rien face au spectacle épique d'une mer crépusculaire, inondée de lumière, où les remous sont de diamants et la clameur, apaisée.
Et au loin la frontière entre ciel et mer, dans laquelle se noie le soleil du jour, et comme une flamèche que l'on éteint dans l'eau, le ciel se darde de volutes étranges qui semblent flotter au vent, derniers soubresauts d'un Phœbus englouti dans le blanc d'une écume assombrie. Curieuse, je me lève, et quitte le rivage, avançant dans la mer comme un navire de papier, ma robe dansant dans le flot bleu des vagues.
Dans le bleu de ses flots, je me laisse porter, exquise sensation de ne plus rien peser. Ni mon corps, ni mon âme, n'ont de poids dans ce monde ; étrange apaisement de ne plus compter, et de doucement se mouvoir au gré du bon vouloir d'une mer amusée. Le clapotis des vagues pour unique musique, délicieux tango tanguant sur les flots fabuleux d'une nuit qui renaît, d'une lune, timide, qui ne se révèle aux hommes qu'une fois la lumière éteinte.
Sensations du commencement, avant le Big-Bang de la naissance et les pleurs de deuil de la perte du monde originel, où l'on s'immerge sans être submergé par les affres d'un monde qui se perd à force de se chercher. Je m'endormirai presque sur ce doux matelas où s'éteignent mes flammes... Ma robe se fait lourde et s'imbibe un peu plus, juste assez pour que mon corps se perde peu à peu dans le noir abyssal.
Dans le noir de l'abîme, plus rien n'a d'importance, on ne distingue plus les turpitudes de la surface. Mes poumons manquent d'air, c'est un détail. L'air a la sale habitude de nous sauver la vie à chaque respiration.
Je lève les yeux et vois peu à peu l'éclat de l'astre qui se voile à mesure que je tombe, doucement, sans violence, dans les profondeurs insondables. S'éloigner de la surface lisse et inondée de lumière, pour se rapprocher du fond, du sombre, du vrai. Mourir juste assez pour se sentir en vie. Je me laisse guider. Il n'y a qu'une fois au fond que l'on peut se sauver. Je n'ai pas été bien loin et mes pieds foulent la vase, et quelques rochers plats. J'attends. Mon cœur s'apaise. Il ralentit. Il retentit. Plus de bruit, aucun, dans le fond de son lit. Pause.
Et comme un disque qui tout à coup repart, mes pieds, furieusement, tapent alors sur la pierre, remontée fulgurante vers le trône lunaire. Je quitte le noir, retraverse le bleu, et éclate dans le blanc des écumes que je crée. Renaissance soudaine, inspiration profonde. J'ai mal d'avoir tant d'air, j'ai comme un vague à l'âme. L'air froid fouette mon visage, et je bats sur les flots une curieuse brasse en direction des terres. Réchauffement de mon corps en mouvement. J'ai compris. Qu'à vouloir trop s'ancrer on y risque la vie. On s'alourdit d'un rien, d'une peur, d'un soucis.
Par temps calme ou tempête, j'écumerai ma vie comme un corsaire en mer brise l'écume des vagues.
Je vois en ce texte une grande force de vie! Tu nous entraîne bien avec toi on ressent bien cette progression dans l'eau, jusqu'à ce que tu ressurgisses dans l'air. Ce texte me fait penser à un texte que j'ai écrit il y a très, très longtemps.... Je pense le publier quand j'aurais mis la main dessus.
· Il y a plus de 7 ans ·aile68
Et je serai ravie de le lire... Merci à chaque fois pour vos douces lectures et toute la bienveillance qui transpire de vos mots
· Il y a plus de 7 ans ·damephoenix
Tout cela donne envie de nager avec les dauphins et le baleines :o)
· Il y a plus de 7 ans ·daniel-m
Ravie d'éveiller tant d'envies ! :-)
· Il y a plus de 7 ans ·damephoenix