Une fille de la génération Y

_wendy_

On nous a surnommés la génération Y. ça fait « style », mais on ne sait pas trop ce que ça veut dire au final. Je vais avoir trente balais et je me sens vieille. J'ai été ado dans les années 90-début 2000 et ça me fout une claque dans la gueule quand j'y songe. J'ai connu l'avant Internet et l'après-Internet. Et même l'avant ordinateur et l'après ordinateur. Windows 95, 98, 2000, XP, 7… J'ai commencé à jouer aux jeux vidéo sur la toute première Game Boy en noir et blanc et je me suis arrêtée à la Gamecube. Après, je n'ai plus joué aux jeux vidéo, ou alors occasionnellement sur PC ou Nintendo DS.

Je fais partie de cette génération qui plaisante cyniquement à propos de sa retraite (« quand j'aurai 80 ans peut-être. »), qui s'inquiète (ou pas) de l'état actuel de la planète et de son état à venir. De celle qui galère pour trouver un travail.  Après huit ans de CDD (dont certains décrochés en parallèle de mes études) je viens de devenir stagiaire de la Fonction Publique. Si tout va bien j'atteindrai le Saint Graal dans un an : la titularisation. Je n'ai pas obtenu le boulot de mes rêves, mais j'en ai un, c'est tout ce qui compte.

Je ne fais pas partie des minorités visibles, je suis blanche, née de parents français, eux-mêmes nés de parents français…mon arrière grand père paternel était Italien, autant dire qu'il faut remonter loin pour me trouver des origines étrangères. Je ne souffre donc pas de discrimination sur ce point-là. Par contre, en tant que personne de sexe féminin, je me sens concernée par la discrimination du (soi-disant) sexe faible. Je parle de la culture du viol, de la violence physique et/ou verbale faite aux femmes, de la restriction de leurs droits et libertés dans certains Etats, voire de leur meurtre dès le berceau… Je n'ai moi-même pas subi, et c'est heureux, ces violences, à part ce qui s'apparente à du harcèlement de rue « soft » (ce que je déplore néanmoins) mais je me sens solidaire de toutes celles qui les vivent ou les ont vécues.

Je ne ressemble pas aux autres jeunes. Je n'ai jamais touché à une clope. J'ai considéré depuis le début que le tabac était une merde, un poison inutile auquel je n'avais pas besoin de goûter pour m'en faire une idée. Le oinj, le bedo, le chichon ou peu importe comment nous l'appelons, je n'ai jamais testé non plus. Et les drogues dures, n'en parlons pas: fascinée par le phénomène de l'addiction, j'ai lu des tas d'autobiographies de junkies qui m'ont dissuadé de toucher à l'H ou à la C., aux acides et j'en passe. Par contre, je prends des drogues "légales": benzos, antidépresseurs, antipsychotiques. Je n'ai pas le choix, il a fallu plus d'une décennie pour stabiliser mon état mental, pour passer d'une interminable phase dépressive et suicidaire profonde assortie de troubles anxieux et de phobie sociale à un équilibre psychique précieux. Je bois très occasionnellement, et jamais plus de deux verres. La seule fois où j'ai un peu abusé de l'alcool c'était il y a dix ans, en Chine. Je n'ai pas bu à en vomir et je n'ai pas eu de trou noir, simplement j'ai pioncé toute une après-midi. Comme la fois où j'ai avalé presque une plaquette de Xanax et qu'on m'a laissé dormir à l'hôpital avant de me laisser repartir comme si de rien n'était.

Je suis de la génération qui a passé sa scolarité sans portable jusqu'au lycée. Et mon premier portable, il faut voir ce que c'était: cela ressemblait plus à un talkie-walkie. J'ai vécu mon adolescence sans les réseaux sociaux, et c'était plutôt une bonne chose; harcelée pendant quatre ans au collège, j'imagine que le harcèlement m'aurait suivi jusqu'à la maison, sur mon ordinateur. Le film Cyberbully, qui vaut ce qu'il vaut, montre très bien les ravages de la méchanceté pré-pubère et adolescente sur Internet.  

J'appartiens à cette génération qui a connu la naissance et la prolifération des blogs pro-ana sur la toile. L'apologie des troubles du comportement alimentaire sous forme de conseils et d'injonctions souvent bourrés de faute d'orthographe sur ces sites malsains m'a toujours fait grincer des dents. A côté de ça, j'ai suivi les blogs de jeunes filles atteintes de ces troubles racontant leur calvaire et à quel point elles voulaient s'en sortir. On n'a, du reste, jamais autant parlé des TCA dans les médias ces dix dernières années, et nombre de reportages (colportant souvent, hélas, des informations erronées et des préjugés) sur ce sujet ont été diffusés.

Je suis de cette génération qui a été nourrie au Club Dorothée, et de fait, très vite accoutumée aux dessins animés japonais. Pourtant, je n'ai jamais lu un seul manga comme la plupart des gens qui ont grandi en même temps que moi. Je n'aime pas la bande dessinée en noir et blanc, et le fait de devoir lire les vignettes dans le sens inverse de celles des bd occidentales me perturbe. Le goût pour la mode japonaise : gothic lolita,  style punk d'Harajuku, mode « kawaii » m'est venu un peu tard, vers dix-neuf ans. J'ai passé des heures à glaner des photos de jeunes nippones portant moult accessoires girly et régressifs (barrettes mignonnes de petite fille, bijoux en forme de petits cœurs, étoiles, sucreries…) ou profusion de froufrous, de dentelle et de nœuds. J'ai adopté ces styles vestimentaires à la fac, je dois avouer que je ne passais pas inaperçue, d'autant plus que mon comportement était tout aussi étrange.

Comme je l'ai déjà dit, je suis une fille de la génération Y atypique, je ne suis pas très représentative de cette catégorie. Je suis plutôt du genre adulescente, vivant toujours chez ses parents à presque trente ans, célibataire et à l'orientation sexuelle encore indéterminée, souhaitant rester sans enfant (on a beau me dire « Tu changeras d'avis ! », franchement je ne le crois pas). Je n'ai pas de projet d'avenir si ce n'est celui d'acquérir un appartement pour me sentir plus mûre, plus autonome, même si au fond mes troubles anxieux m'incitent plutôt à rester chez papa-maman jusqu'à la fin de ma vie (ou jusqu'à ce que je trouve ma moitié ?).

  • La génération Y est le plus souvent dit de 1981 (aujourd'hui 33 ans) à 1993 (aujourd'hui 21 ans), personnellement je suis de la dernière année mais je ne me sens pas de la même génération que ceux de la première, en dehors du fait d'avoir connu l'avant-PC/Internet (et surtout wikipédia-google-facebook) et l'après-PC/Internet.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Charlieecrit pp

    charlie_ecrit

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