Une journée impromptue

peterpanpan

Vers six heures du mat' j'ai entendu "C'est les pompiers" dans le couloir et qu'on frappait à toutes les portes du rez de chaussée. Ils sont arrivés à la mienne et j'ai ouvert en slip. Un des pompiers s'est permis de dire que c'était dégueulasse ici, et l'autre a regardé sur mon ordinateur. Ensuite ils m'ont embarqué sur un brancard, le brancard dans l'ambulance, puis l'ambulance dans le parking de l'hôpital. Je me souviens plus si ils m'ont amené dans ma chambre avec un fauteuil roulant ou le brancard ? En tout cas j'y ai pas été à pieds. Dans la chambre on m'a fait une prise de sang, pris la tension, et j'ai du attendre un psy. Moi, je voyais pas ce que je foutais là, je voulais sortir. Deux heures plus tard ils ont amené un mec sur un lit, un grand roux avec des grands cheveux rabattus dans une petite tresse en arrière de la tête. Il avait une poche de pisse accroché au bas de son lit d'hosto, au niveau de son mollet droit. Il pionçait sévère le type. Il ronflait bien. Ils l'ont branché à un machine qui regarde le rythme cardiaque, il avait des électrodes sur le torse. Au début j'ai un peu gueulé pour sortir mais l'aide soignante m'a dit que plus je gueulais et plus j'allais rester, alors j'ai fini par fermer ma gueule. Au bout d'un moment, j'avais peur de plus pouvoir ressortir. Finalement le mec aux électrodes s'est réveillé, on a pas parlé tout de suite. D'abord j'avais vraiment trop les nerfs, parce que je voyais bien que ce mec risquait bien de crever alors que moi à côté je passais pour une adolescente en mal d'attention. Je crois que j'ai du faire une remarque intelligente, du genre, qu'on devenait fou en venant dans ce genre d'endroit, qu'avant d'y entrer on était pas encore sûr, mais qu'une fois qu'on y était passé y'avait plus de doutes, parce qu'il a dit " c'est vrai, c'est bien vrai" d'une façon bien appuyé, avec des grands yeux en me regardant. C'était un pharmacien à son compte de ce que j'ai compris. Il supportait plus ses horaires de travail et ses problèmes d'argent. Alors un soir il a pris vingt cachetons d'un médicament inconnu de moi, et c'est sa copine qui a appelé vers le matin, parce qu'il arrivait plus à pisser et qu'il tombait dans le coma. Avant ça il était alcoolique. Un gars sympa. Ça rapproche les gens une chambre d'hosto, et puis porter une petite chemisette bleu au dessus de son slip aussi. Dans l'après-midi j'attendais toujours mon psy, et on nous a mis la télé. Je commençais à accepter mon sort, j'étais parti pour rester jusqu'au soir, et le pharmacien en savait quelque chose. Lui était là pour 24 heures. Une ou deux fois l'aide-soignante est venu pour vider sa poche de pisse dans les toilettes. Moi je disais plus rien. Sauf de temps en temps, je sortais dans le couloir pour essayer de trouver le psy. Tiens oui, maintenant, je me rappelle, en avant, vers la gauche de l'espèce de cabinet administratif, y'avait une chambre avec la porte ouverte, et deux flics qui stationnaient devant. Un mec dangereux y parait. Un des flics avait l'air de s'entendre avec le personnel de l'hôpital. Vers quatre heures, le mec avec la poche a demandé si on pouvait pas avoir un goûter. L'aide soignante nous a ramené à bouffer, y'avait trois tranches de pain de mie, une petite barquette de beurre, de confiture, et un chocolat chaud. Partager ce petit repas avec lui m'a mis du baume au cœur. On avait mis dans cette chambre une sorte de bonne humeur qui semblait presque déplacée pour notre cas. J'en oubliais ce que j'étais venu foutre ici. Enfin bref. J'éviterais de parler du moment avec le psy, un jeune mec, dans le milieu de la trentaine, blond, pas très grand comme moi, et avec de belles chaussures bleus à semelles en crêpe en dessous de sa veste blanche d'interne. Il avait un air triste, putain, c'en était presque un orgueil. Très sympa. Pour un psy. Il m'a proposé un suivi. En fait il m'a proposé deux suivi : un en extérieur, et un autre en interne, sur plusieurs jours. Vu que j'étais déjà plus certain de ressortir, j'ai demandé si j'étais obligé, il m'a dit que non, j'ai refusé les deux suivis.

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