Une place à prendre, J.K. Rowling

blanzat

Attention ! Première critique ! Et spoiler immédiat : j'ai aimé.

L'objet :

Une place à prendre (Casual Vacancy) est sorti à la rentrée 2012 et je viens tout juste de le terminer. C'est vrai que c'est un pavé, mais j'ai une bonne excuse : j'ai attendu qu'il sorte en poche. J'aurais aimé avoir dans les mains les 682 pages de l'édition Grasset, je me suis contenté de la version compressée.
A ce titre je souhaite faire remarquer que la qualité de la couverture est très médiocre, elle ne résiste pas à trois gouttes de pluie et on se retrouve avec des lambeaux de papier sur les doigts. D'où la mauvaise qualité, je le redis : qu'est-ce que c'est que cette couverture avec du papier glacé collé sur du papier cartonné ? J'arrête là ce paragraphe récriminateur.

La lecture :

J'avais une autre bonne raison de différer ma lecture. J.K. Rowling, ce n'est pas Amélie Nothomb ni Marc Levy, elle ne nous inonde pas de livres creux à chaque rentrée littéraire, on les attend pendant des années ses bouquins ! Alors, comme pour Harry Potter, comme dans un embouteillage, j'ai laissé passer un moment avant de suivre le mouvement.
Quand je lis un livre que je n'apprécie pas particulièrement, ou parce que c'est une saga avec trente tomes à suivre, je me donne un rythme de lecture (20 à 30 pages par jour minimum), pour en finir vite, ne pas me sentir embourbé dans un truc qui me tombe des mains. Mais parfois, j'ai le plaisir de tomber sur un livre que je ne veux pas finir, pas tout de suite, un univers devenu si familier qu'on ne veut pas le quitter. J'ai connu ça avec Les piliers de la terre et Un monde sans fin, en beaucoup plus intense. Là on peut dire que j'ai accroché.

Le livre :

C'est la force de J.K. Rowling, créer des univers. Une place à prendre, ce sont les vies croisées de personnages réalistes dans une ville fictive, Pagford. C'est un livre qui parle de l'Angleterre carte-postale confrontée à la société d'aujourd'hui : le fossé entre nantis et précaires, les pathologies psy lourdes (pédophilie, toxicomanie, auto-mutilation, dépression…), la jeunesse paumée etc. Les scènes de violence familiale sont très justes (connaisseur).
Tout ça dans une géographie inventée, avec son histoire propre. La petite ville de Pagford est le personnage principal.
Voilà qui donne envie de relire Harry Potter, pour Hogwarts, Hogsmeade et autres Diagon Alley. En parlant du sorcier, je suis bien obligé, comme tout le monde, de faire des comparaisons. Les gens autour de moi qui ont lu le roman moldu de Pagford ont été déçus, ils attendaient plus de mystère, et peut-être une lumière quelque part dans la noirceur. Finalement, beaucoup ne voient que ce qu'il y a de différent entre la saga et ce one-shot.
Sans chercher à me démarquer, j'ai plutôt été sensible à ce qui fait écho à Harry Potter dans Une place à prendre. Il y a la ville fictive, pour commencer, mais aussi le point de vue sombre des ados (Fats Wall, l'ado en guerre contre la morale et tout ce qui est inauthentique, le mal-être de Sukvindher, les fantasmes d'Andrew Price…). Il y a aussi la galerie de portrait démesurée, brossant toutes les catégories de la population, et ces visages familiers : Howard et Shirley Mollison rappellent forcément Vernon et Pétunia Dursley, la journaliste Alison Jenkins a quelque chose de Rita Skeeter.
Il y a aussi Krystal Weedon, création inédite de J.K. Rowling, le personnage le plus attachant. Barry Fairbrother, celui qui laisse une place vacante à sa mort au début du livre, avait vu en elle ce que personne d'autre ne voyait : une jeune fille pleine de vie, capable de s'extraire du milieu sordide dans lequel elle vit.  On s'accroche à elle, on voudrait qu'elle s'en sorte.

L'écriture :

Dès L'Ecole des sorciers, j'ai crié haut et fort que J.K. Rowling a une bloody maîtrise du style, pour être capable de faire évoluer son écriture à chaque tome et en faire une somme. Ici encore, elle montre ce qu'elle sait faire. L'écriture est crue, mais sans voyeurisme. Il y a des personnages principaux, d'autres secondaires, et même des figurants, qui donnent l'illusion d'une vie hors champs (comme les enfants du défunt, qui ont quelque chose de la fratrie Weasley). Parfois, surtout au début, l'effet est peut-être trop cinématographique : on voit les travellings, les scènes, l'acting. De même pour ces parenthèses à rallonges (certaines font plus d'une page) qui font néanmoins des flash-backs très réussis.

La musique :

Rihanna a le dernier mot.  Très actuel mais dommage. Je serais allé chercher à Liverpool un certain Paul McCartney, que les gens du XXe siècle ont bien connu :

All the lonely people

Where do they all come from ?

De Pagford bien sûr !

Une place à prendre est très réussi. Je m'attendais à être déçu, mais voilà que j'entends l'appel du coucou…

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