Vacances en famille -10-

aile68

Mercredi, 15h35: faire preuve de courage, ouvrir la cabine téléphonique, mettre deux francs et composer le numéro de Germain en espérant qu'il soit chez lui. Je m'exécute en vitesse avant que je me mette à trop réfléchir sur les conséquences de mon appel. Ma dissertation a bien marché, il est donc normal que je l'appelle.

Attente pénible, tonalité, quelqu'un décroche: "Allo?" Une voix masculine, mais je doute que ce soit lui.

- Bonjour, pourrai-je parler à Germain, s'il vous plaît?

- Oui, je vous le passe.

Je ne sens plus mon coeur, je m'agrippe au combiné comme s'il y allait de ma vie.

- Allo?

- Bonjour je dis en bégayant, c'est Margaux...

- Ah... Bonjour, ça va? (Lui aussi n'est pas très sûr de lui).

- ça va...

- ça fait longtemps.

- Oui... (Allez courage!)

- Je voulais entendre ta voix.

- Ouais...

- ça marche les cours?

- Ouais, ça fait qu'un mois qu'on est rentré. (Je le trouve un peu sec, là!).

- Ouais à peu près. Alors, tu construis toujours des cabanes?

- Ouais, tu t'en souviens? ( Je sens que ça le fait sourire)

- Bien sûr! J'aurais aimé avoir une photo, d'ailleurs...

- Ah ouais, j'en ai fais une tu sais. Elle n'attend que toi...

- Ah?... Euh... C'est gentil.

- Merci. Si tu veux je te l'envoie par la poste?

- Ah? Oui... Mais s'il te plaît, ne mets pas ton prénom au dos de l'enveloppe.

- D'accord.

Je lui donne mon adresse sans être très convaincue. Peur de faire une bêtise, qu'il m'envoie trop de lettres, que tout le monde sache pour nous.

Nous...

- A part ça, qu'est-ce que tu deviens? me demande -t-il, l'air plus sûr qu'au début.

- Oh! ça va.

- C'est vrai? ça va?

- Oui, ça va.

- Bon, je suis content pour toi alors.

- Merci. Et sinon, je ne sais même pas ce que tu fais comme études. Ah attends je t'appelle d'une cabine, je vais mettre d'autres pièces... Voilà ça y est!

- Je suis une formation pour être charpentier.

- C'est génial! Et la boucherie?

- C'était pour les vacances!

- Tu vas retourner à Narbonne?

- Peut-être je ne sais pas. J'aimerais faire des chantiers avec des jeunes, l'été c'est la période idéale.

- Ah ouais, c'est normal.

- Et toi?

- Je suis en seconde. Mais c'est beaucoup moins intéressant que toi. C'est que de l'enseignement général, c'est un peu barbant.

On discute comme ça pendant près d'une demi-heure. Et puis vient le moment de se dire au revoir.

- Bon, je vais peut-être te laisser... je dis comme à regret.

- Ouais, à bientôt!

- Ouais...

Clic... Voilà on a raccroché. J'ai envie de pleurer, mais en même temps je suis contente. On a bien parlé. Je m'aperçois que je ne lui ai pas donné mon numéro de téléphone. Tant pis! Il a mon adresse et il va m'envoyer une photo de sa cabane. Il l'avait prise à mon intention, c'est super!

Dehors le beau temps semble me sourire, j'ai envie de m'acheter une glace et de me promener dans le parc. L'air est si léger! J'ai envie de raconter à la terre entière que je me suis réconciliée avec Germain. Pour la première fois, j'aime la ville où je vis, j'ai envie de courir, de sauter en riant, en chantant. Mais je vais sagement acheter une carte postale de Valence avec entre autre le kiosque Peynet sans lui dire ce que c'est et  la lui envoie avant le courrier du soir.

Arrivée chez moi, ma soeur me demande où j'étais passée,  elle me menace de dire à ma mère que je l'ai laissée toute seul avec mon frère, je lui réponds qu'à son âge elle pouvait bien rester toute seule, elle ne répond rien, et moi je vais dans ma chambre sentir la vie comme elle est belle. Après le chagrin et les tourments de cet été je suis contente que tout aille mieux.

(à suivre)

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