Vacances en famille -20-

aile68

Dans le palais que je me suis inventée, il y a des sapins, des bouleaux, des pins parasols, des chalets avec des gentils qui s'aiment bien, un chat sur la margelle du puits et la vieille guimbarde de grand-père transformée en poulailler. Y a aussi des musiques douces et des airs de bossa nova que m'a fait découvrir tante Gisèle, la soeur de mon père. C'est la deuxième personne à qui j'ai parlé de Germain. Elle a eu un gros chagrin d'amour à seize ans dont elle a eu du mal à se remettre ( deux ans pour être précise!). Le sport l'a aidée à s'en sortir, beaucoup de montagne, de rébellion aussi,  et de sorties entre amies où les garçons étaient vus comme des loups dans la bergerie. Il s'appelait Laurent, un fils à papa aux yeux bleus avec qui elle est sortie un an. Il l'a quittée pour une autre fille de son milieu, tante Gisèle a beaucoup pleuré, c'était son premier amour, comme moi avec Germain, sauf qu'ils vivaient dans le même coin... Avec elle j'ai aussi parlé à bâtons rompus, de tout et de rien, de mon orientation improbable, elle m'a dit que j'ai bien fait de tout mettre à plat chez l'homéopathe. J'ai plusieurs tubes de granules différents, sensés me remettre sur les rails, je vis avec depuis une semaine, je dois y retourner dans dix jours. Avec décembre, beaucoup de contrôles à préparer, c'était le moment de me soigner. Germain ne comprend pas mon attitude envers lui, quinze jours que je ne l'appelle plus. Comment lui expliquer que je l'aime trop, qu'il me manque trop, qu'il habite trop loin? Trop, trop, trop. Je n'ai plus envie de l'aimer. Et lui, de son côté que pense-t-il, comment vit-il les choses? Ma mère continue à me demander de ses nouvelles, qu'est-ce qu'elle peut être niaise alors! Mes granules ne me font pas encore d'effet, mais elles me rassurent, je ne veux pas louper mon premier trimestre pour une histoire d'amour vouée à l'échec. Je m'accroche à tout en ce moment, à Marie-Laure, à nos moments de complicité, je prends même exemple sur la pugnacité de ma soeur, je ne veux plus être dépendante à l'amour. Les vacances de Noël me semblent encore très loin, que ferons-nous? Je ne sais pas. Je veux une nouvelle vie, reposante et sereine comme les mamies assises sur leur banc dans les parcs par un beau soleil de printemps. Je n'ai que quinze ans, depuis cet été je suis passée de la souffrance au bonheur, et puis resouffrance, je veux retrouver mon insouciance, la folie de mes dix ans quand je courais sous une pluie d'orage avec son cortège d'éclairs et de roulements de tonnerre.

(à suivre)

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