Vacances pascales

petisaintleu

C'est joli la Côte d'Opale à Pâques, à condition que le soleil brille. Le souci, c'est le vent qui vient toujours vous glacer les os et le sable qui s'immisce dans les moindres recoins des rues, jusqu'au cœur des studios.

J'enviais les enfants de mon âge qui avaient des luges et qui dévalaient les dunes à fond les manettes. J'avais exceptionnellement le droit d'aller me promener sur la plage. Je me souviens de ce mois d'avril. L'affiche des bronzés défraîchie, les boutiques qui proposaient un tas de gadgets pour les bambins sages dont j'étais exclu, les vestiges de bunkers enterrés où j'imaginais des soldats de la Wehrmacht attendant l'ennemi.

Des employés de mon papa nous avaient gentiment prêté un appartement. Le dimanche, ils nous rejoignirent accompagnés de la belle-famille du monsieur. C'est amusant les rapprochements sémantiques que l'on peut faire à neuf ans. Ils se nommaient Alvin. Je les voyais donc tout naturellement s'occuper d'aquaculture.

La journée avançant, mon champ lexical se détourna des espèces marines et migra vers l'œnologie. Mon papa, lorsqu'il buvait, devenait susceptible. Mon gros défaut était ma candeur et ne pas savoir mesurer les conséquences de mes paroles. De plus, il adorait me pincer très fort dès que son état d'ébriété dépassait les limites du raisonnable.

Agacé, j'eus la phrase de trop, de celle, il faut bien le reconnaître, incongrue et déplacée de la bouche d'un gamin : « Je ne réponds pas aux alcooliques ». Oubliant la retenue qu'il se devait d'adopter hors du carcan familial, se déclencha alors un flot de représailles aussi nourri que le contre-feu d'une batterie côtière allemande.

Je me retrouvai rapidement à terre. Non pas que je fusse saisi par la force des volées qui s'abattaient sur moi, mais par la surprise que le deus ex machina se dévoila au grand jour. Au sol, je me recroquevillai et j'évitai qu'il ne m'assène par maladresse un coup dans le ventre ou les côtes. Il ne restait, au hasard des trempes avinées, que les fesses, le dos et le visage.

Je ne compris pas le regard des étrangers ni en quoi ils s'étaient statufiés, bouche bée. N'avais-je pas mérité cette correction, moi qui avais osé de mon mètre vingt-cinq tenir tête à l'autorité paternelle ? Pourquoi laissèrent-ils couler leurs larmes quand je finis par me relever, titubant ?

Par pudeur et par gêne du silence qui s'ensuivit, je m'éclipsai . Je rejoignis le rivage et ses défenses bétonnées. On y délogeait les fantassins teutons, meurtris par les impacts ennemis.

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