Vagabondage

Maryse Vannier

                                          Le départ

Patrice bougonne, la tête dans le coffre de la voiture :

- Je t’avais proposé de charger les bagages hier soir pour gagner du temps mais tu n’avais pas terminé tes préparatifs, comme d’habitude ! On avait prévu le départ à sept heures, on a déjà une demi-heure de retard. Et cette grosse valise qui refuse de se caler au fond !

Valérie tente de détendre l’atmosphère. Elle se penche pour glisser la main derrière la valise :

- C’est l’étui du triangle de sécurité qui la bloque.

Elle le récupère et le place sous les sièges.

- Tous ces ustensiles inutiles : les gilets jaunes, les ampoules de rechange, bientôt les éthylotests et le triangle de sécurité qui s’envolerait au premier passage de camion sur l’autoroute … On voyagera bientôt dans une dépanneuse !

- Ne t’énerve pas Patrice. On aurait pu charger la voiture hier et se faire dévaliser pendant la nuit. Tu imagines ! Il y a déjà eu des vols dans ce parking.

- J’espère au moins que ta mère ne nous fera pas attendre. Tu lui as donné rendez-vous à quelle heure ?

- Elle nous attend à partir de sept heures trente devant son immeuble, elle patientera.

- Avec un bagage minuscule, j’espère. Mes palmes au-dessus de la valise, mon ordinateur, le sac de Romain et celui de Marion. Le coffre est rempli.

Avant que son père ne saisisse son sac, Romain l’ouvre et sort sa DS. Marion enserre le sien entre ses bras, un sac de toile rose boursouflé auquel sont accrochés un petit ours de peluche, un chat et une tortue :

- Moi, je le garde avec moi. Dedans, il y a mon doudou.

- Parfait, ça fera une place pour le sac de Mamie.

Patrice n’est pas un mauvais bougre mais il adore rouspéter. Valérie le connaît, elle temporise, elle ignore ses provocations qu’elle attribue au stress permanent de son travail. On dirait qu’il a avalé une pendule. C’est un toqué de la tocarde, dit-elle à ses amies.

Valérie s’est assise devant, à côté de Patrice, Romain et Marion à l’arrière, collés chacun à une vitre pour voir le paysage. Mamie sera assise entre les deux enfants. Pour éviter qu’ils ne se disputent pendant le voyage, a dit Valérie.

- Qu’est-ce que tu as mis dans ce grand sac de plastique ? Je pourrais le caser dans le coffre.

- Mais non, Patrice. J’ai pris des bouteilles d’eau, des gâteaux, des compotes en sachet. Il fera chaud, les enfants auront besoin de boire et de manger. Maman aussi. Tu sais que  les personnes âgées se déshydratent rapidement.

- La voiture est climatisée, elle ne craint rien. Je me demande si tu as bien fait de l’inviter à passer ces vacances avec nous. Son rythme n’est pas le nôtre, ni celui des enfants. Elle va se fatiguer et nous ralentir. Et puis, il faut faire le détour par Boulogne pour la récupérer alors que notre rue Gazan est juste à l’entrée de l’autoroute. On va perdre un temps fou sur le périphérique.      

- Patrice, nous partons en vacances. Nous avons toute la journée pour rejoindre Marseillan. Sois zen et commence à profiter des congés. Ne te fais pas de souci pour maman. Elle s’occupera aussi des enfants ce qui nous libèrera de temps en temps ; on pourra aller au cinéma, sortir le soir, aller en discothèque peut-être ? Et puis, elle a besoin de se changer les idées. Sa vie en solitaire est triste depuis la mort de papa. Cela fera trois ans le mois prochain. Comme le temps passe vite…

Patrice suit patiemment la file de voitures sur le périphérique :

- La circulation est dense mais ça roule, dit-il.

Les enfants n’ont pas prononcé une parole. Ils ont l’habitude d’entendre ronchonner leur père, ils ne l’écoutent même plus. Romain pianote sur son clavier et Marion suçote le foulard qu’elle a sorti de son sac qu’elle utilise maintenant comme oreiller. Ses paupières clignotent, proches de s’abaisser dans un sommeil trop tôt interrompu.  

Quand la voiture aborde la rue Edouard Vaillant, Romain lève les yeux :

- On arrive chez Mamie ! Regarde maman, elle nous attend devant sa porte. Tu la vois ? Ouah ! Elle a acheté un jeans. Elle fait la « djeune », ça lui va bien avec son tee-shirt de marin ! 

Valérie ouvre la portière et embrasse sa mère :

- Tu es très bien avec cette tenue, ça te rajeunit. Donne ton sac, je vais le ranger dans le coffre.

- Non, je préfère le garder avec moi, il n’est pas embarrassant, je le placerai sous mes jambes.

- Comme tu veux. Tu as pensé à prendre tes médicaments ?

- Pas grand-chose. Mes pilules pour le mauvais cholestérol, c’est tout.

- Et tes somnifères ?

- Il y a un moment que je n’en prends plus. J’ai retrouvé le sommeil. Quelquefois, un tilleul ou une verveine le soir, ça me suffit.

Romain sort de la voiture et saute au cou de sa grand-mère:

- T’es complètement « chébran », dit-il.

- Romain, parle convenablement, rappelle Valérie.

- Oui, m’man. T’es branchée, Mamie.

Mamie monte dans la voiture avec précaution. Marion l’enlace aussitôt et la couvre de caresses et de baisers.

- Laisse-moi m’installer, ma chérie. Nous aurons le temps de nous câliner pendant le trajet. Romain, aide-moi à boucler ma ceinture de sécurité.

Patrice tourne la tête :

- Bonjour, belle-maman. Etes-vous confortable ? Vous êtes sûre que votre sac ne vous gêne pas ? Il tiendrait dans le coffre.

- Merci, Patrice. Tout est parfait. En avant et conduisez-nous à bon port.             Clignotant, traversée du Pont de Sèvres, longue côte avant de prendre la Francilienne puis l’autoroute A6. Valérie jette un regard vers l’arrière :

- Tout va bien ? Les enfants, ne vous chamaillez pas. Vous savez que papa exige le calme quand il est au volant. Si vous avez faim ou soif, j’ai apporté des provisions. Je compte sur votre bon comportement jusqu’au prochain arrêt.

Patrice intervient :

- Je ne veux pas entendre un bruit. La circulation est fluide, profitons-en pour rattraper notre retard. Si tout va bien, nous déjeunerons juste avant Lyon.

Romain reprend son pianotage et Marion se coule contre sa grand-mère et lui chuchote :

- Dis, Mamie, tu veux bien continuer l’histoire de la princesse Raduku ? Dimanche dernier, je me suis endormie avant de connaître la fin.

- Bien sûr. Viens tout près, je parlerai à voix basse pour ne pas gêner ton papa.

La princesse Raduku n’est pas plus haute qu’une tulipe. Un pétale de lotus drapé pour sa jupe, une corolle de gardénia pour son corsage, une feuille vernissée de nénuphar pour son manteau. Elle saute sur le dos de sa monture qui n’est autre qu’un cygne blanc duveteux. Il écarte ses ailes, décolle lourdement du sol avant de voler plus haut, toujours plus haut. Raduku le tient par le cou. Elle voit défiler les forêts et les prairies. Marion, recroquevillée contre sa mamie, regarde les talus de l’autoroute, les arbres, les champs. Elle est Raduku. Peu à peu, son regard, saoulé par la vitesse, se brouille, s’alourdit et elle s’endort. Mamie sourit : elle aura le loisir d’inventer la fin de l’histoire pour la prochaine fois.

On roule depuis deux heures. Romain a posé sa DS, il trouve le temps long :

- Mamie, on joue à deviner les numéros des départements ?

- Je ne les connais pas tous, dit-elle. Sur les nouvelles plaques d’immatriculation, c’est écrit trop petit pour mes yeux.

- Moi, je les lis et tu me dis le département. On commence. 75.

- C’est Paris, tu le sais aussi.

- 92

- C’est le numéro de Boulogne : les Hauts de Seine.

- 93

- Au lieu de dire 93, tu peux dire : 9, 3. C’est la Seine Saint Denis. 9,3, j’ai appris ça à la télé.

- 89. Encore un 89. J’en ai déjà vu plusieurs. Tu crois qu’ils partent tous ensemble en vacances ?

- Mais non ! On traverse l’Yonne, ce n’est pas étonnant de trouver des voitures du 89.

- Comment tu connais ce numéro ?

- Mon petit Romain, je suis née dans ce département, tout près de Joigny. C’est normal de connaître le numéro.

- Quand tu étais petite, tu habitais à la campagne ? Raconte-moi ce que tu faisais. Tu avais un cheval à toi ?

L’enfance de Mamie se déroule au long de l’autoroute : la ferme de ses parents, les vaches : la Rousse, la Blanche et Blondine, la chèvre, la chienne Colette, le cheval Sultan de son père. Inépuisables souvenirs, aiguillonnés par les questions de Romain :

- Papa, tu veux bien qu’on s’arrête un moment ? On pourrait aller voir la ferme de Mamie, c’est tout près.

Aussitôt, Valérie désamorce l’exaspération probable de Patrice :

- Tu as une bonne idée, Romain. On organisera un week-end dans l’Yonne. N’est-ce pas maman ? Tu serais heureuse de revoir ton village. Aujourd’hui, nous partons à la mer et la route est longue.

Valérie comprend que Romain s’impatiente. Une petite pause serait la bienvenue :

- Patrice, nous pourrions nous arrêter un moment, qu’en penses-tu ?

- Bonne idée ! Moi aussi, j’ai besoin de me dégourdir. Pause pour tout le monde sur la prochaine aire de repos.

C’est l’aire du Morvan. Le vent est frais et vif ici. Valérie distribue gâteaux, compotes et bouteilles d’eau. Patrice et Romain courent sur le petit circuit aménagé, sautent les obstacles, grimpent sur la poutre. Ils passent tous aux toilettes puis rejoignent la voiture.

- Prochain arrêt pour déjeuner, annonce Patrice. Un peu avant Lyon. Pour l’instant, pas de bouchon de circulation, profitons-en. Ce sera plus dense dans la vallée du Rhône, cet après-midi.

Romain a repris ses jeux vidéo et Marion réclame la fin du conte.

- Belle-maman, vous êtes toujours propriétaire de la ferme de vos parents ?

- Oui. La location des terres et des bâtiments améliore ma retraite. Un bonus pour mes loisirs. Le montant du loyer est calculé sur le prix du blé et cette année, avec la hausse annoncée, ce sera d’un bon rapport.

- C’est beaucoup de soucis pour vous et vous ne pouvez plus aller sur place pour vérifier l’état des lieux. Vous devriez la mettre en vente avant les grosses réparations. Ce serait raisonnable.

- De toute façon, les locataires seront prioritaires en cas de vente et ils m’ont toujours assuré qu’ils souhaitent acheter. Vous réglerez cela facilement après ma mort. Ce sera simple.

- Valérie est votre seule héritière et il serait peut-être temps d’anticiper la transmission de vos biens. Je ne vous cache pas que le montant de cette vente serait le bienvenu. Vous connaissez   notre appartement ; Romain et Marion partagent la même chambre. Nous pourrions revendre cet appartement et en acheter un plus grand où les enfants auraient chacun leur chambre. Pour leurs études, ce serait nécessaire, Vous ne croyez pas ?

Valérie se trémousse sur son siège, mal à l’aise. Ils en ont parlé ensemble, c’est vrai mais jamais elle n’aurait osé aborder le sujet avec sa mère. Un peu comme s’ils attendaient impatiemment sa mort…

- Ce n’est pas pressé maman mais on pourrait y réfléchir ensemble. Romain entrera en 6e l’an prochain et il aura besoin de sa chambre avec son bureau et sa bibliothèque. D’ailleurs, si on va passer un week-end dans l’Yonne en septembre, tu pourrais venir avec nous. L’occasion d’en discuter avec tes locataires. Mais ce n’est pas une obligation. C’est toi qui es propriétaire, c’est toi qui décides. C’est un projet qui vise à améliorer surtout la vie des enfants. Si tu ne souhaites pas vendre, nous serons obligés de faire un emprunt avec des intérêts qui alourdiront le budget.

Mamie n’a pas répondu. Elle s’est calée au fond de son siège et a fermé les yeux. Marion ne connaîtra pas la fin de l’histoire de la princesse. Dépitée, elle sort sa poupée Barbie qu’elle coiffe avec rage avant de la déshabiller et de lui choisir une autre tenue. Romain reprend ses jeux vidéo. 

Dans la voiture, un silence pesant règne. Patrice se concentre sur la conduite et Valérie n’ose plus poursuivre la conversation. Secrètement, elle en veut à Patrice d’avoir abordé ce problème d’héritage sans précautions. C’est bien lui ! Incapable de la moindre délicatesse, brut de forme… Au cours d’un voyage en Bourgogne, ils auraient trouvé l’occasion d’envisager la vente avec les fermiers, de fixer un délai raisonnable, d’habituer Mamie à cette idée, en douceur…

Derrière ses paupières closes, Mamie rumine. Elle a toujours su que son entêtement à conserver cette ferme n’était guère rationnel. Son mari aussi lui conseillait la vente. Il craignait les grosses réparations : une toiture à refaire, les dégâts d’une tempête… Jamais, il n’avait accepté de l’emmener sur les lieux. En vrai Parisien, il détestait la campagne : la terre qui colle aux semelles, l’odeur du bétail, les mouches en été. Alors, chaque année, elle envoyait une carte de vœux à ses locataires qui lui répondaient par le chèque de location annuelle au dos duquel ils écrivaient toujours la même formule « Bonne année », suivie du prix du quintal de blé qui servait de base au loyer des terres. Ils économisaient les mots, taiseux en paroles et muets sur le papier. Ils étaient jeunes quand ils avaient signé le bail de location. Ils cultivent les terres depuis vingt cinq ans, depuis la mort de ses parents. Maintenant, ils ont trois enfants, leur fils aîné s’est marié et s’est installé avec eux. Il a fait des études au lycée agricole. Lui n’est pas paysan mais agriculteur. Ils attendent de devenir propriétaires, ils ont économisé pour cela, elle le sait. La vente se ferait sans difficultés au prix évalué par la Chambre d’Agriculture.

Tout cela, elle l’a toujours su mais, sous ses paupières, émergent ses souvenirs d’enfant, ses pieds dans les galoches de bois, le chemin herbu qui mène à l’école communale, la langue chaude de la chienne Colette sur ses genoux égratignés quand elle revient dans le soir finissant, le grand chêne bruissant dans la lumière de l’été sous lequel son père allait ramasser les coulemelles en octobre, les grandes flammes folles dans la cheminée qui préparent les braises craquantes parsemées de dessins fugaces.

Mamie se laisse porter d’un souvenir à l’autre, envahie par les vagues de son enfance. Elle peste contre son gendre et la brutalité avec laquelle il voudrait effacer tout cela. Il ne le pourra pas ! Sa mémoire est intacte, elle porte en elle les odeurs, les lumières, les bruits de la ferme. Elle peut vendre les murs et les terres, ses souvenirs n’en seront pas affectés. Elle les conserve, serrés en elle. La vente n’y changera rien. Bien sûr, elle va accepter la proposition, elle vendra au bénéfice de Valérie. Pour Marion et Romain surtout, pour leurs chambres individuelles. Elle les aime ces deux-là et ils le lui rendent bien. Oui, elle vendra mais elle n’en dira rien. Patrice serait trop content !

L’autoroute se faufile entre les vignes bourguignonnes. Mamie entrouvre ses paupières, émerveillée par les rangées de ceps qui défilent jusqu’au fond des vallons. Elle aime ces paysages, ce sont ceux de son enfance. Elle participait aux vendanges avec ses parents. A cette époque, les vacances scolaires se prolongeaient jusqu’en octobre et les enfants passaient l’été dans les champs. Le temps des moissons, c’était juillet et août. Les terres, dorées par les épis, ondoyaient comme des vagues. La faucheuse, tirée par Sultan, coupait les tiges, laissant sur la terre les rangées de céréales affalées en andains. Le râteau de sa mère roulait les andains pour préparer les bottes et, derrière, les enfants glanaient les tiges oubliées. Quand le champ était fauché, son père attachait le cheval à l’ombre d’un arbre. La veille, il avait préparé les liens de paille d’avoine. La paille de blé, trop cassante, ne servait pas à lier. Il humidifiait la paille, la tassait en un cordon qu’il torsadait. Le cordon s’enroulait sur lui-même, formant une boucle dans laquelle il passait un second cordon de paille qu’il tordait à son tour. Le lien était prêt ; il ressemblait aux nattes que sa mère lui tressait. Elle revoit son père étendre le lien, enserrer les andains à pleins bras, tasser les tiges sous son genou, attraper les deux extrémités du lien, les serrer, les tordre ensemble avant de les glisser sous le lien. La botte était prête, compacte, solide. La fourche la soulèverait pour la lancer dans le tombereau. Pas une tige ne s’en échapperait. Vers la fin du mois d’août, la batteuse passait dans les fermes, c’était une grosse journée pour tous, c’était aussi une fête. Les grains étaient en sac et la paille bottelée, prête à servir de litière pour le bétail. Septembre annonçait les vendanges. Les jours étaient plus courts et il fallait faire vite avant les pluies et leurs désastres. Une averse et les moisissures s’installaient dans les grappes. On se levait avec le soleil et on se couchait bien plus tard que lui, le dos rompu et la main raide d’avoir manié le sécateur.

Marion dort profondément et Romain s’est assoupi, les pouces crispés sur sa DS. Mamie se penche précautionneusement pour ouvrir la fermeture éclair de son sac placé sous ses jambes. Elle en sort son téléphone portable. D’un clic, elle le consulte. Pour le glisser dans la poche de son jeans, elle se contorsionne. Un coup de coude malencontreux réveille Romain.

- Mamie, t’as un chouette téléphone ! C’est un e.phone !

Elle place son index devant ses lèvres :

- Chut ! Rendors-toi sinon ton père va râler !

Romain se pelotonne contre sa grand-mère qui sourit, heureuse de sentir contre son corps la tiédeur des deux petits endormis.  

Valérie caresse la nuque de Patrice :

- Pas trop fatigué ? Pas envie de dormir ? Je crois que j’ai fait un petit somme. Désolée, j’aurais dû te parler pour te tenir éveillé.

- Pas de souci. Tu sais que j’adore conduire dans le silence. Le ronronnement du moteur me suffit. Je ne sens pas la fatigue. D’ailleurs, nous pourrons nous arrêter au prochain restoroute. J’ai vu la pancarte qui annonce le Relais de Bourgogne dans 35 km.

- Les enfants dorment. Reconnais qu’ils ont été sages.

Maman, tu as sommeillé, toi aussi ?

- Pas vraiment mais j’ai rêvé, à moitié éveillée.

Patrice, vous avez dit le Relais de Bourgogne, c’est bien ça ?

- Oui, c’est le prochain restaurant. Nous y déjeunerons. Mes prévisions étaient bonnes : un peu avant Lyon. La circulation était plus chargée samedi dernier. Il vaut mieux éviter le premier week-end de juillet, je vous l’avais bien dit. J’ai bien fait de choisir la deuxième semaine.

Les enfants sortent de leur léthargie :

- Maman, j’ai faim. Je voudrais un biscuit.

- Non, Romain. C’est bientôt l’heure du repas. Si tu veux, je te donne à boire.

- Non, merci. J’attendrai. Tu achèteras du Coca, c’est meilleur que l’eau ?

- Pour une fois, tu auras du Coca.

La petite Marion chasse ses derniers rêves. Elle se frotte les yeux et ramasse sa poupée qui a glissé sous le siège :

- Moi, je préfère du jus d’orange, dis, tu m’en achèteras ?

- D’accord. Vous aurez chacun votre boisson à table. Pour nous, ce sera de l’eau. Patrice est au volant, alors pas d’alcool, n’est-ce pas ?

Il n’a pas l’air du même avis :

- Belle-maman, vous partagerez bien une demi bouteille de Bourgogne avec moi ? C’est le vin du pays…

- Volontiers ! J’en prendrai un verre comme j’en ai l’habitude, Patrice.

- Maman, tu bois du vin ? Ce n’est pas conseillé à ton âge.

- Un verre à chaque repas, et du bon. C’est excellent pour ma santé et pour mon âge, Valérie.

La vitesse commence à diminuer. La circulation est plus dense. Il faut freiner, repartir doucement. On sent les chauffeurs fatigués, plus nerveux aux commandes. Patrice aussi commence à bougonner contre les uns ou les autres. Il est temps de faire cette pause attendue par tous. Voilà le panneau du relais de Bourgogne. Le clignotant est mis et la voiture se glisse jusqu’au parking du restoroute.

- Il y aura une file d’attente pour déjeuner, dit Patrice. Je prendrai la queue avec Romain pendant que vous irez aux toilettes des dames.

- Bonne idée, dit Valérie. Ensuite, nous viendrons te remplacer et avec Romain, vous pourrez aussi aller vous rafraîchir. Romain, tu n’oublieras pas de te laver les mains.

Toute la famille descend de la voiture.

- Belle-maman, laissez votre sac dans la voiture, elle est fermée à clé. Vous ne risquez pas de vous faire voler !

- Mais non, Patrice. Excusez-moi mais j’ai besoin de mon sac avec moi.

Romain porte le sac de Mamie qui tient la main de Marion. Devant, Patrice marche avec Valérie en la tenant par la taille :

- Tu crois que ta mère a des fuites urinaires ? Peut-être qu’elle est obligée de changer ses protections ?

- Je ne sais pas ; elle ne m’en a jamais parlé mais c’est quelquefois le cas pour les personnes âgées. Ou bien, c’est une lubie ?

Patrice et Romain ont pris la suite de la longue file. Les dames sont dans la queue des toilettes. Il faudra s’armer de patience.

  • Excellent, j'aimerais bien savoir ce que va faire Mamie avec sa ferme, et son mal élevé de gendre avec sa petite famille. Merci pour ces minutes de lecture agréable. Il me semble que Mamie a un secret ? ah ... mais je vois un synop pas loin, je cours lire A+

    · Il y a environ 12 ans ·
    Astrolabe 54

    mahaut-dorsay

Signaler ce texte