Venise
Marc Laurent
A une heure aussi matinale, La piazza Saint Marco est desserte. Une brume froide et humide la baigne. Des pas résonnent et viennent vers moi, sortant du brouillard épais, j'aperçois une silhouette sombre. L'homme vêtu de noir a revêtu un masque d'oiseau au long nez nacré. Il m'effraie. Je devine qu'il porte à la ceinture une épée qu'il dissimule sous sa cape de velours. Il me toise du regard. Malgré son apparence, je sens une certaine fascination pour ce personnage sorti de nulle part. Soudain, les cloches qu'une église sonnent au loin. Il me prend délicatement la main et l'approche de mon visage, le caressant. Puis, il me fait signe de le suivre. Je le regarde s'éloigner et me décide enfin à lui emboîter le pas, pour ne pas le perdre. Il marche vite, ma robe de soie à corbeille me gêne, je sens mes joues rougir. Il m'entraine dans un dédale de ruelles étroites. Je m'enfonce dans ce labyrinthe. Mon cœur cogne. L'excitation me gagne. Je le rattrape, essoufflée de peur de le perdre. Il me conduit à un petit embarcadère, là, une gondole nous attend. Il tourne vers moi sa tête et me tend la main afin que je m'assoie en face de lui. Doucement, le gondolier quitte le quai de quelques coups de rame. Nous naviguons, traversant la brume, passant sous les ponts, longeant les petites habitations dans le canal étroit. L'homme oiseau me contemple. Je lis dans son regard qu'il attend quelque chose de moi. Dans ce silence, avant que la ville ne soit livrée au carnaval, je songe aux désirs libertins que la ville cache entre ses murs. Il repousse sur le côté sa cape de velours. J'entrevois son épée. La lame est longue. D'une main gantée de noire, il caresse la garde de bronze. Je l'observe à travers mon masque. Il effleure du bout des doigts les deux personnages qui la composent. Deux êtres inversés embrassant langoureusement le sexe de l'autre. Je frissonne de plaisir et celui-ci trouble mon esprit. Malgré le froid qui saisit ma poitrine, je n'ose bouger. Soudain, mon regard est attiré par la poignée de cette arme blanche. Elle forme une verge haute dont le gland fortement proéminent est déshabillé de son prépuce. L'homme s'aperçoit que mes yeux fixent l'objet de son phantasme. Il en dégage la poignée et la prend en pleine main. Il la câline d'un mouvement lent. J'imagine ce pénis d'ivoire pénétré en moi. Sans attendre, il m'invite à venir le rejoindre. Il ôte mon masque et pose mes lèvres au contact de ce gland glacé. Lentement, je glisse la langue et le lèche par petit coup. Il braque ses yeux sur moi. Sa main ne porte plus de gant, il effleure mon visage tendrement, puis me montre d'un mouvement de ses doigts que je dois glisser la verge dans ma bouche. Il prend mes cheveux blonds entre ses mains, pour me rassurer. J'entrepris d'introduire le gland entre mes lèvres, doucement il s'enfonce en moi. Il me semble si vivant, si chaud. Il comble ma bouche. Je glisse ma langue sur l'objet phallique et découvre en moi un plaisir inavouable de cette fellation.
Durant cette promenade, le gondolier jetait un œil avide sur la scène qui se déroulait sous ses yeux. Je concevais l'idée que le pire était à présager. Aurait-il quitté le poste de rame pour se joindre à nous ? J'aurais terminé nu, transi comme une jeune vierge qu'on amène en offrande aux Dieux. Dans une barque, mon corps reposerait dans des draps de velours et de soie.
L'homme oiseau donne l'ordre d'accoster. D'un mouvement de rame, la gondole longe le quai. Mon invité pose ses souliers brodés sur la berge et me tire vers lui. Je me retourne, nous sommes seuls, l'embarcation disparait dans le brouillard. Il est encore tôt. Le lieu me parait magique, presque irréel. Je me souviens d'un film sur Venise, les prises de vue étaient si belles, que l'on aurait voulu y être à cet instant. C'était en hiver, la neige était tombée fraichement. Une brume hivernale se levait péniblement. On aurait pu imaginer que nous étions à une autre époque, celle d'un siècle de lumière, où les habits de brocart se frôlaient, où les carrosses déposaient secrètement les dames pour une aventure sans lendemain.
Nous nous enfonçons dans la ville, marchant d'un pas hâtif. Au détour d'une ruelle, il tourne à droite, empreinte une petite venelle sombre, où la lumière devait à peine l'éclairer en été. Je le suis et je crains de me perdre. Il tape à une porte. Un laquais l'ouvre et la referme aussitôt. Mon cœur bat. Je ne sais ce qu'il attend. Je suis sa prisonnière, son esclave d'une nuit. Je n'ai qu'une envie de m'offrir à toutes ses volontés. Ôter ce masque qui le cache et poser mes lèvres sur les siennes. Je veux frôler sa peau de la mienne, embrasser son sexe avec ferveur, et enfin jouir. Pourvu que la journée soit interminable. L'entrée est faiblement éclairée par un lustre de cristal grandiose en corbeille. Les murs sont couverts de fresques italiennes, de scène de repas. Il me prend la main et m'entraine dans un long couloir. Une porte sculptée se dresse devant nous, il la repousse et nous avançons dans une salle immense d'un palais vénitien. Nos pas résonnent sur ce parquet de marbre. Je suis éblouie par la richesse de la salle aux murs habillés de toiles de maitres anciens, aux caissons de boiseries sculptées et dorées à l'or. J'ai le vertige en regardant tous ces trésors. L'homme oiseau s'éloigne de moi. Je le vois disparaitre au loin par une porte dérobée, m'abandonnant. Je comprends qu'il s'amuse de moi, que cela fait partie de son plan. Je l'appelle, le son de ma voix s'amplifie et se disperse. Je cours à mon tour pour le rattraper. De nombreuses portes sont closes, je finis par en ouvrir une. Sur le seuil de celle-ci, je contemple la même splendeur. Elle me semble moins vaste. Des sculptures de marbre de carrare sont alignées. Ces corps athlétiques me fascinent. Je m'approche et de la paume de ma main, je caresse les rondeurs musculeuses et froides. Les jeunes Dieux immobiles attendent un baiser pour sortir de cette léthargie. Je m'empresse de glisser mes mains et de parcourir leur anatomie. Mes doigts se posent sur leurs fesses que je cajole doucement. Je dépose un délicat baiser sur l'une d'elles et en ressens le désir de les saisir à pleine main. Puis, je me laisse tenter à des attouchements de leurs sexes qui ne demandent qu'à grandir entre mes doigts pour en éjaculer la vie. Je touche d'une langue humide et chaude la beauté cristalline de leurs pénis, happant par petit coup la froideur de cette peau translucide. Soudain, l'homme oiseau réapparait. J'entraperçois Les plumes de jais qui composent son masque. Il joue à cache-cache avec moi. Passant de gauche à droite se cachant derrière une sculpture, puis s'évanouissant de nouveau. Ce jeu me plait. Il m'amuse. Parfois, il me frôle, tirant sur les rubans de mon masque qui finit par tomber au sol. Parfois, je sens une caresse toucher mon dos. J'entends sa respiration derrière son bec d'oiseau nacré qui le protège. Puis, il me serre dans ses bras un instant. Après, je me rends contre qu'il a habilement dégrafé mon corsage, que mes seins sont prêts à montrer leurs rondeurs. Il est insaisissable, aussi rapide qu'un faucon qui du haut du ciel fond à pleine vitesse sur sa proie. Ne serais-je pas sa proie, sa chose, son objet qu'il convoite ? Bientôt, je serais nue, il ne tient qu'à lui d'ôter cette robe de soie blanche brodée de rose. Je cours à lui, afin qu'il me prenne sur ce marbre et qu'il inonde mon sexe de son sperme. Nous jouons, moi, à moitié nue, et mon hôte dans son habit noir. Le contraste parait étrange. Nous évoluons au beau milieu des statues de marbre, dans ce jeu qu'il a conçu pour me séduire. Il coupe de la lame de son épée les derniers remparts à ma nudité. La robe tombe à mes pieds. Je suis nue. Il me regarde, apprécie mon corps pâle. De l'extrémité de la lame, il effleure ma peau. Le désir d'être sa chose m'envahit. Malgré le froid, j'aime être là dans cette salle, seule avec lui. Les hommes de pierre nous observent. Il me pousse contre un corps glacé et je ressens le froid glacial qui parcourt mon dos, il me touche doucement. Son visage se colle au mien et la caresse des plumes est comme le vent qui souffle une brise légère sur ma peau. Cette volupté s'empare de mon être. Les lèvres de mon sexe sont humides et chaudes. Je pose d'une main ferme son sexe dur. Il retient son souffle. Il m'entoure de sa cape et me dépose sur le parquet de marbre. De là, je vois tous les visages blancs qui me regardent. Debout, il me câline avec la poignée de son épée. Tranquillement, la verge d'ivoire glisse sur ma peau, contourne mes seins fermes, suit la ligne de mon ventre, puis descend près de la partie charnue de mon pubis imberbe. Je le sens entre mes cuisses. À mon tour, je retiens ma respiration. J'écarte les jambes, monte le haut de mon ventre. Je suis prête. À la frontière de mes petites lèvres, ce pénis glisse, cajole mes pétales, puis quand à présent, elles sont prêtes, il enfonce délicatement cet objet d'ivoire. Une douleur me prend, tant ce phallus est énorme en moi, mais elle se dissipe rapidement. Dans un mouvement de va-et-vient, le plaisir me gagne. Mon corps se crispe sur cette fièvre sexuelle. Mon dos se bloque, la verge tape de plus en plus fort. Je crie de plaisir. En disant « Plus vite, encore ». L'extase me prend. Je jouis et m'effondre. L'homme oiseau me regarde. J'ai froid. Il me porte dans une chambre et me dépose sur un lit recouvert de velours rouge. Je parais si blême sur ce tissu.
Qu'attend-il de moi ? Enfin, il se déshabille, enlève son masque d'oiseau. Son visage reste caché derrière un loup de soie noire brodée. Sa peau est dorée par le soleil. Les sculptures de marbre n'ont rien à envier à ce corps d'athlète. Il me touche, pose les mains sur ma peau. Délicatement, il met un doigt sur mes lèvres, m'indiquant de me taire. Il prend un ruban noir qu'il dépose sur mes yeux, et le noue. Je consens. Des mains me caressent. Mes sens se réveillent. J'aime quand il frôle mes seins, qu'il s'attarde sur eux. Puis, il pianote sur mon pubis trainant les doigts. Les laissent jouer avec mes petites lèvres, ouvrant les coroles, saisissant entre deux doigts mon clitoris. Il s'amuse. Il embrasse chaque zone érogène. Me couvrant de baisers. S'empare de mon corps de ses mains puissantes. Je sens son sexe se dresser. Je le porte à ma bouche. Je le lèche avec gourmandise. À mon tour, je l'empoigne, glissant mes lèvres autour de sa verge. Quand je le sens prêt, je l'amène jusqu'à mon sexe. Il pénètre ardemment en moi. Avec vigueur, j'agrippe ses fesses et pousse son buste contre le mien. Son gland frappe de ces élans mon vagin, enflamme mon clitoris. Dans l'étreinte, nos corps se fondent de désirs. Je jouis dès que son sperme m'inonde. Il me baise à nouveau sans m'accorder une minute. Je ne sais combien de fois, nous prîmes plaisir de notre libertinage. Nous donnant l'un à l'autre, épuisant nos phantasmes les plus secrets dans la démesure. Pour un jour, je deviens l'esclave de son phallus, offrant ma bouche et mon sexe.
Je me réveille dans ma chambre d'hôtel. Couchée dans le lit, les murs me semblent bien tristes. Une lumière pénètre au travers des persiennes de bois peintes. Je regarde l'heure. Il est déjà dix heures. Je me lève nue et ouvre la fenêtre, puis me penche et attrape les volets que j'ouvre en grand. Dans les ruelles, les touristes défilent en habit de carnaval pour un autre jour de fête. Le ciel est clair. Le soleil est là. Une journée radieuse qui s'annonce. J'ai hâte de me retrouver en bas. S'en attendre, je me prépare. Ma robe est suspendue à un cintre, je cherche mon masque. Il est sur ce fauteuil de soie bleu. Par hasard, sur la taie d'oreiller, une plume longue de jais repose. Je la prends. Soudain, les souvenirs me reviennent. L'homme oiseau. Je n'ai donc pas rêvé. Je me précipite au-dehors, portant entre mes seins cette plume pour qu'il me reconnaisse. La foule est dense. Des hommes et des femmes dans leurs plus beaux atours se pâment. Je me faufile à la recherche de mon prince.