vernis sage

hectorvugo

Maintenant, le taxi a quitté Paris et rejoint le hangar. C’est le lieu des hostilités, une sorte de factory à la Wharol en lisière de la capitale.

Il y a un monde fou, impossible de se garer à proximité. Un agent de sécurité nous indique où aller, on se croirait chez Eurodisney. Je descends du taxi, Je présente ma carte de presse à un immense black, il hoche de la tête et me demande de suivre le troupeau. Nous sommes une trentaine à monter dans une charrette tirée par des chevaux, c’est surréaliste. J’ai pour compagnons des gens importants, des gens de la haute. Nous sommes dans l’obscurité, des ombres que je ne  reconnais pas. J’entends leurs voix assurées et heureuses je sens leur parfums. A deux mètres de là j’entrevois une autre charrette. Elles convergent vers une route de pavées qui mène au hangar.

Enfin la lumière, on se salue entre nous avec la satisfaction de faire parti du who’s who. Car je suis entouré de gens exclusivement connus. En faire l’inventaire manquerait singulièrement d’humilité, alors silence radio. La salle est grande, les murs sont vides, aucune toile à l’horizon.

Un buffet copieusement garni trône au centre, les premiers assoiffés et affamés n’ont pas attendus le top départ. La rumeur dit déjà que le roi de la soirée, il maestro, sera en retard. C’est son pêcher mignon. Angelo Aldente est fâché avec sa montre, pas son pinceau.  Ces derniers temps il avait délaissé la peinture pour d’autres performances artistiques. Qui ne se souvient pas de ses sculptures à base de nouilles exposées à Zurich, ou encore ses cannellonis fourrés de haschich présentés dans un fumoir de Kingston.

Je fends la foule, je suis le mouvement. Maître nageur en mondanité, je salue Anaïs Minérale la bien nommée. L’écrivaine confond l’encre et le whisky, savez vous que c’est la première romancière ayant commis un livre en odorama ? Une sombre histoire de mœurs dans l’écosse du 19éme siècle. A côté d’elle son époux, le comédien Sly Dubois. On prétend qu’il prépare une adaptation cinématographique de la nausée de Sartre. Le pauvre me fusille du regard comme si j’étais capable de le tromper avec sa femme. Tout bien considéré oui. Dans ce microcosme, tout le monde drague tout le monde dans l’espoir que l’on dise du bien de vous. Peine perdue, ici c’est le royaume de la confection, pas de l’amour. Chacun taille un costard sur son voisin.

-          Deux mains se posent sur mes yeux, une voix me souffle à l’oreille : devine qui est là ?

-          Qu’est ce que tu fous ici papa ?

-          Je suis là en mission. Mezzo voce : pour un inspecteur des impôts c’est le paradis ici

-          Ce n’est pas vrai, tu t’occupes d’un cas en particulier ?

-          Toujours la voix aussi basse : oui ton Angelo Machin. Et je te prie de croire qu’il va cracher au bassinet

-          Une voix féminine éclate : mon chéri quelle joie de te voir là ? La cantatrice Petra Berg enlace avec effusion mon père.

-          - Thierry je te présente…

-          -  Ne te fatigue Papa, on se connaît. Toujours aussi radieuse Petra

-          - C’est ton père Thierry, ça alors, je n’en reviens pas

-          - Oui il y a quand même un air de famille

-          - C’est vrai. Comment vous vous êtes rencontrés ?

-          - Papa l’œil amusé : un contrôle fiscal. J’ai fouillé l’intimité financière de Pétra

-          -Que tu es drôle mon choux. Viens boire une coupe

-          - Avec plaisir. S’adressant à moi : je te laisse mon grand

Ils partent bras dessus bras dessous. Si maman voyait cela, elle n’en reviendrait pas. Petra Berg la has been du lyrique avec le contrôleur fiscal que j’aime le plus au monde. Il est des associations improbables, celle-ci plus que d’autres.

-           Français Auberge le critique de cinéma m’apostrophe : regarde moi ça Thierry. Tu le connais le nouveau avec Petra ?

-          - Simulant l’ignorance : non. Les prétendants de la sans voix sont le cadet de mes soucis.

-          - Ce qui t’intéresse ici c’est cette expo.

-          - Oui si on veut

-          - Toi qui es pote avec Angelo. tu en connais le thème ?

-          -Non je n’en ai aucune idée. Et puis tu sais l’italien et moi on se parle peu

-          - Ce n’est pas ce que l’on dit dans les rédac’

-          - Ah bon

-          - Tu peux parler tu sais. Je suis discret ça ne sortira pas d’ici

-          - Parce que tu crois que c’est l’endroit pour faire des révélations. Avec le nombre d’oreilles qui trainent ici

-          - un mollusque chemise blanche et foulard pourpre nous interrompt : n’ayez crainte je suis muet comme une tombe

-          - excédé : Ecoutez non vieux pas vous, c’est l’hôpital qui se fout de la charité

Jean-Maurice du Sous entendu, le fouine de la jet set vient de faire irruption. Il vous costumise un ragot en information, ce type c’est un danger public. Il se vante d’être à l’origine d’une trentaine de divorces sur la place de Paris. D’ailleurs il porte sur son blazer bleu 33 petites étoiles, autant de décorations dont il n’est pas nécessaire de vous en expliquer l’origine. Un conseil : ne lui parlez jamais de vous. Un jour il sortira vos dires si l’actualité l’exige.

Pris dans un tourbillon, nous sommes emportés malgré nous vers le buffet. Le sens du courant inexorable nous pousse à croiser ceux qui en viennent. Les premiers entre aperçus ont un aspect livide qui ne me rassure pas. C’est un dégradé de visages blancs. Jean Maurice s’en amuse avec des commentaires discutables  du type : « tiens untel à fait un mélange champagne cacahouètes,  untel s’est risqué au téquila saucisse. Un autre là-bas s’est shooté aux crudités punch.

Et l’italien qui n’arrive toujours pas. Atour de moi on imagine des scénarios : Et s’il arrivait du toit porté par le treuil d’un hélico. Vous imaginez ! Une toile sous le bras, la seule, l’unique qu’il présenterait comme un teasing d’une expo future. On se gargarise, on trouve l’idée géniale. Le buffet est deux rangs de nous.

Les premières rumeurs de malaises nous parviennent des toilettes. Jean Maurice par prudence préconise : « pas de mélange avec de l’alcool, pour moi ce sera crudités badoit »

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