Vie de famille

lise-rose

Aujourd'hui, c'est visite chez l'orthopédiste. J'ai pris 3 rendez-vous à la suite et je regrette déjà. Ca saute, ça crie, ça se dispute. Et on est encore à la maison. Dans 10 minutes, on doit y être. Ca va être chaud. On arrive au pas de course. Le cabinet se trouve dans une maison 4 façades. Chouette, on fait un petit tour de la maison en courant parce qu'on n'est pas du tout en retard. « Eh, il y a une Porsche. Tu es sûre que c'est ici ? ».

Je sonne et la porte s'ouvre sur la salle d'attente. « Ahhh, ça pue la fleur moisie ici ? » « mais c'est quoi cet endroit ! », « mais maman on est dans une sorte de musée ou quoi ? ». « Et dire qu'on doit rester 3 fois 15 minutes, ce qui fait 45 minutes ! Comme si on n'avait pas des choses plus intéressantes à faire ! ». Je fais les gros yeux pour qu'ils se taisent. Impossible. La statue argentée d'un homme qui ressemble à un cerf est trop tentante à toucher. Et ces longues tiges à côté de la porte du docteur, ça ressemble à des ongles de sorcières. Dégoutant. Une porte avec un panneau privé, c'est certain que là derrière, il doit y avoir des trucs intéressants. Je les oblige à s'asseoir, priant pour ne pas devoir attendre trop longtemps au risque de voir le bel homme-cerf par terre.

Ouf, c'est à notre tour. Ils s'engouffrent dans le cabinet comme s'ils allaient à la cour de récréation. Nous ne sommes pas au cirque malheureusement. Ils espéraient peut-être voir un éléphant rose. Il n'y a qu'un beau bureau en acajou et une table d'auscultation. Il y règne une atmosphère feng shui ou plutôt, il y régnait une atmosphère feng shui il y a 30 secondes.

Le médecin commence par la plus jeune. Il lui demande sa date de naissance. « Je suis née en 2010 ». Mais peut-elle préciser le jour ? Du haut de ses 8 ans, elle le regarde comme si elle avait affaire un à parfait ignare et lui répond. «Ben, un mercredi, un jeudi,… je ne sais pas moi docteur ! Chaque année ce jour change ! Vous le savez non ?». J'ai l'impression de recevoir un seau d'eau froide sur la tête. Le médecin ne bouge pas. Je fais semblant de ne pas avoir compris et je réponds : le 29 mars. « Mais maman, le 29 mars est une date pas un jour ».

Bon, là, je pense que le pire est passé. Je me détends un peu. La petite saute sur la table d'auscultation et se couche sur le dos, comme demandé. Elle soulève son t-shirt et dit d'une manière tout à fait théâtrale : « voilà, je suis prête pour recevoir le bébé ». J'avale de travers. La honte totale s'abat sur moi. Les deux autres éclatent de rire. Le médecin, toujours silencieux, regarde ses pieds puis lui demande de se mettre debout sur un cube transparent. « Eh, regardez, je vole ». Je me fâche pour qu'elle arrête d'agiter ses bras comme un gros oiseau qui apprendrait trop tard à voler. Les deux autres sont toujours morts de rire, pensant au bébé qu'elle pourrait recevoir d'un orthopédiste aux chaussures qui reluisent et à la chemise bien ajustée. Quand est-ce que mon calvaire va finir ? La petite, c'est terminé.

Au tour du deuxième. Son prénom ? Il s'appelle Soprano et est né en 2017 évidemment. Je vois le médecin s'impatienter. « Serait-il possible d'être un peu sérieux? » Je fais mes grands yeux encore plus grands. Voilà qu'il veut aussi voler. Oui, il fait du basket. Non, il n'a pas mal aux pieds parce qu'il a des chaussures spéciales qui sautent. Je respire. C'est presque fini.

La troisième devrait être plus sage. Elle n'arrête pas de rigoler, agitée par un fou rire qui ne veut pas s'arrêter. Elle n'arrive pas à rester droite tellement son corps rigole. Le médecin parle de plus en plus sèchement. Je tape sur sa jambe pour qu'elle arrête de rigoler.

Ouf, soulagement, c'est terminé. Le médecin rédige le papier pour le remboursement. Ils remettent leurs chaussures. La petite commence à me parler, comme si le médecin était parti à 2 kilomètres. « Maman, ce docteur est très intelligent ! Il sait plein de trucs. Ca doit être comme un super héro. Tu sais, j'aime beaucoup ce docteur. C'est quand qu'on peut revenir ? ». Je vois le visage soulagé du médecin me dire que tout va bien, qu'ils ne doivent absolument, mais absolument pas revenir.

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