Vieux mariés
Jean Claude Blanc
Vieux mariés
Il y a bien longtemps, qu'ils ne font plus la une
Au ban des belles promesses, jurant fidélité
Pour eux les thés dansants, leur ultime fortune
Passé temps de flirter, quand on est vieux mariés
Se tiennent la menotte, sans doute par habitude
Dimanche après-midi, balade en altitude
Qu'il y ait du soleil, ou que l'hiver soit rude
Rituels amortis, prélude aux lassitudes
Tous 2 emmitouflés, affrontent les sommets
Les cimes enneigées, pour ça ils sont taillés
Alerte leur santé, au moins par la pensée
Pour vaincre les rhumatismes, ce qu'il faut batailler…
Bavardent en chemin, souvenirs ravivés
Regrettant leurs gamins, qui se sont envolés
En fait, les vieux mariés, dans leur tête ils marchent
Quand devient impossible de manier leur carcasse
Famille au complet, à Noël et aux Pâques
Car rare est l'occasion, d'ensemble faire bombance
S'efforcent malgré tout, d'être toujours d'attaque
Pour rattraper le temps, qui passe en leur absence
Quand l'un va se coucher, l'autre déjà roupille
A chacun son programme, c'est selon les coutumes
Réflexe automatique, rodé, depuis des lustres
Profonde est l'amertume, quand le charme part en vrille
En compulsant l'album, de photos oubliées
On se reconnait plus, sourires mitigés
Ils ont pris quelques rides, mais se rassurent ainsi
« Le pacte, on le savoure, quand il est bien ranci »
Se nourrissent de rien, une soupe suffit
Une tasse de café, en fin d'après-midi
Papy fume sa pipe, somnole sur le journal
Mamy fait les yeux doux, à son mâle flétri
Car bien qu'il ait vieilli, c'est son homme idéal
Se rappellent l'époque, où ne savaient que faire
Juste pour s'amuser, parties de jambes en l'air
Luxure et volupté, végètent loin derrière
Leurs seules gourmandises, liqueurs et bonbonnière
Cinquante ans consommés, chance d'être encore ensemble
Qui va lever les broches, mais en premier, mystère
Déjà pour moindre rhume, c'est l'un ou l'autre qui tremble
Pas la faute à ce mal, qu'on nomme Elzeimer
Ne sortent plus l'auto, pour partir en vacances
Voyages organisés, sur les ailes d'Air France
Jouent les explorateurs avec le 3ème âge
Le soir à l'hôtel, autour du même potage
La mode est au plaisir, sans cesse rajeunir
Que ne feraient-ils pas, pour cure de jouvence
Se faire tirer les fesses, le ventre l'assouplir
Mais campent sur l'essentiel, tendresse, connivence
De plus en plus souvent, visitent le cimetière
Pour retrouver l'ancêtre, qui git, là, sous la terre
Finalement pour eux, une sorte d'appel d'air
En mystifiant la mort, on conjure l'enfer
Papy, mamy, gâteaux, gâteux en devenir
Accueillent progéniture, mais jamais trop longtemps
Au fond, ça les dérange, dans leurs petites manies
C'est quand ils sont partis, qu'ils reprennent du bon temps
L'anneau qu'ils portent au doigt, a perdu son brillant
L'alliance tend à s'user, tient le coup cependant
En guise d'héritage, lèguent quelques mémoires
Qu'ils bradent aux suivants, comme une banale histoire
Commencent à ruminer, ce que sera l'avenir
Après qu'ils aient rendu, leur tout dernier soupir
Mais conscients qu'après eux, la vie va se poursuivre
Tellement sont hantés, par la peur de mourir
Ainsi les vieux mariés, anticipent le futur
Alors que fiancés, partaient à l'aventure
L'aiguille de l'horloge, soudainement s'affole
Les saisons de la vie, s'inversent à tour de rôle
Après l'automne, l'hiver, période des grabataires
Les couples d'éclopés, casés, maison de retraite
Silencieuses leurs journées, et pourtant, ils espèrent
Reprendre encore un peu, la poudre d'escampette
Certains, sont mieux vernis, à l'Etat coûtent cher
Pas encore macchabés, deviennent centenaires
En soufflant tas de bougies, ils songent à l'an prochain
Pour battre le record, des 101, par certain
Là-bas sous les tilleuls, restaient sagement assis
Une paire de petits vieux, qu'avaient l'air songeurs
Mon imagination, de suite a réagi
M'ont inspiré ce texte, rempli de nostalgie
Je leur dois cette fable, moi-même, suis rêveur
Marié avec mes gênes, j'écoute battre mon cœur JC Blanc octobre 2019
C'est tristement beau !
· Il y a plus de 4 ans ·Louve