Vision saisissante

jadecumay

          Il y a quelques temps, sur le chemin quotidien et banal du retour du travail je fis une rencontre saisissante. Il faisait froid pour un jour de juin, la pluie me précédait de quelques heures. Au bord d'une allée bordée d'arbres et baignée du soleil émanant d'une éclaircie passagère, je vis un vieux pigeon sur le sol, non soucieux du passage rapproché des hommes. Hors de la détresse, jamais sans doute il n'eut choisi cet endroit. Le vieillard gonflait son ramage pour tenter de se tenir chaud sur la dalle, profitant de ce rayon de soleil fortuit. La fraîcheur du vent semblait le pénétrer au plus profond de ses chairs meurtries. Ce vieil oiseau des villes sentait la fin très proche : ses yeux étaient clos, peut-être tentait-il de retrouver un souvenir sensoriel – celui du réconfort sécurisant de sa mère couvant ses œufs dans la chaleur de son plumage duveteux – ou bien peut-être dormait-il, tout simplement.

          Ce malheureux volatile méprisé des hommes et oubliés de tous fit surgir en moi la pitié terrassante. Face à la mort approchant, il était terriblement humain.

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