Le Vuitton.(1)

Enfant, dans des culs de poules j'ai mis des pétards. Je me doutais bien que c'était cruel, mais ça nous faisait rire, Maxime et moi. Gamin, la douleur d'autrui ressort moins vive.

Maxime avait ses parents dans la volaille. D'après ses dires, ses « vieux » nourrissaient un quart de la planète, sans compter tous les petits Chinois de Jacques Dutronc !

- Mon père il a une usine de poules à coco ! Elles font que niquer pour les Leclerc ! Et le tien ?

- Le mien, il chasse des crocodiles pour une grande marque de sacs à main, mais ferme ta gueule c'est top secret !

Avec Maxime, on avait autant de morve sur le nez qu'un éléphant sur sa trompe : on glissait dessus.

Avec Maxime, on a aimé la même fille sur le bout des doigts, jusqu'à la ferraille dans les dents.

C'était son anniversaire et nous lui avions fait la surprise de la surprendre en escaladant la fenêtre de sa chambre après minuit (la Nintendo n'existait pas encore et le digital à peine. On s'occupait les soirs comme on pouvait).

Elle avait mis des paillettes dans ses yeux et s'était préparée une queue de cheval pour assortir à sa jupe Andalouse. Elle ne semblait pas étonnée de notre visite :

- Vous me trouvez comment, franchement ?

- Ben ouais, ça le fait !

Elle avait comme des papillons maquillés sur son ventre : on essayait de les lui attraper avant que la lumière ne nous les prennent.

Au cimetière, Maxime piquait les fleurs des nouveaux morts pour les lui offrir au plus vite et avant qu'elles ne se fanent à son empressement:

- Encore des fleurs ? Hier déjà, mon cœur !

- Ben et alors ? T'aimes pas ça ?

Maxime me confiait :

- Elle veut du Tang à l'orange... je lui apporte du Tang à l'orange ! Elle veut de l'Iglesias pour offrir à sa mère... je lui tire le vinyle au Monop' ! Elle veut des bisous... je lui fais des bisous ! Elle veut la paix devant le club Dorothée... je vais au foot ! Merde, elle veut quoi de plus ?

- Peut-être un Vuitton ?