Voyage en Angleterre
fionavanessa
Voyage en Angleterre
Tout ici me ramène à toi.
Parce que c'est mon premier voyage sans toi. Aujourd'hui, seul mon regard voit les scènes colorées, je prends beaucoup de photos, peut-être pour compenser.
Probablement qu'au même moment, tu regardes vers d'autres femmes. Cela me donne envie de courir jusqu'à la maison, t'y retrouver, te dire à travers quel dépotoir tu m'as laissée ces deux dernières années. Mais je me raisonne, et d'ailleurs, tout ce qui semble t'importer venant de moi, c'est mon pardon.
Il a fallu que je m'en aille pour que tu entendes résonner en toi mes paroles.
J'ai été colère. J'ai été stupide. Je me suis trop laissée faire . Je comprends aujourd'hui ; mon cœur, ma force, ma jeunesse sont les tributs que j'ai payés, définitivement. Je suis ainsi faite, née le jour de la Ste Fidèle, ça ne s'invente pas. Trop loyale envers ceux que j'aime. Toi, tu m'as reproché mon exigence . Tu m'as suggéré de prendre un chien. Une façon bien dure de me tourner le dos. Je ne voulais que toi, c'est sans doute ça mon exigence. Toi qui es toujours par monts et par vaux, tu as fini par ne plus voir en moi ta princesse, comme tu aimais m'appeler, mais ta prison.
Ce ne sont pas tant tes absences géographiques que tes dérobades pour ne pas me voir qui m'ont tuée. Car je suis morte dans tes bras, dans notre maison, moi qui ai donné deux fois la vie par amour pour toi. Moi que tu avais rendue vivante.
Stupidement, j'en ai oublié de respirer.
Malgré tout, je ne pouvais me résoudre à tirer un trait sur nous.
Je me suis d'abord laissée tomber avant que tu ne le fasses, j'ai laissé mon corps développer le thème de la maladie avant de comprendre. Que je ne pouvais pas vivre sainement près de toi.
Trop de gaspillage. Trop d'amour peut-être. Trop peu d'oxygène. Trop de belle-mère aussi qui voulait tenir le haut de pavé. Ne pas laisser son fils s'enraciner ailleurs que chez elle.
Sabotage. Moi trop naïve, moi amoureuse je n'ai rien vu venir et elle a su adroitement prendre mon amitié pour elle en otage. Liant les mains qui auraient dû se défendre.
Tu n'as pas eu le cœur de la limiter, de la remettre à sa place, et me mettre à la mienne, alors, pour cela et pour une conjonction de choses, je suis partie.
Je serais restée si tu me l'avais demandé, si tu m'avais retenue, il ne m'aurait fallu que le temps d'un battement de cils pour tomber dans tes bras. Mais tu m'as laissée poursuivre ma route, la mort dans l'âme.
J'ai peint des murs, fait des trous, rempli des caisses de gravats, je me suis cachée sous la poussière de plâtre pour bricoler rageusement un nouveau foyer, pour faire taire derrière les coups de masse et de perceuse la douleur du foyer perdu.
J'ai écrit, écrit, écrit pour tuer, tuer cette emprise que tu as eue sur moi, écrit pour survivre et continuer à respirer après le raz-de-marée.
Alors nous voilà devenus deux étrangers l'un pour l'autre. Pas exactement, j'imagine que comme à moi, à toi aussi ta meilleure amie manque. J'apprends à accepter que c'est à vie que tu me manqueras. Je sais aussi que tu n'es plus pour moi. Je pleure parfois encore, mais c'est pour être honnête avec moi-même, ne pas noyer le poisson. Je ne veux pas tout oublier parce que ça fait trop mal. Je ne veux pas me noyer dans le vin, pas plus que dans le travail. Je veux toujours vivre et cueillir le jour, même si nous ne sommes plus assis sur le même coin de terre ensemble. Il me reste beaucoup de fleurs, de secrets à cueillir sans toi. Toute une vie à lire sans toi.
Mon corps n'a plus eu une seule crise en cinq ans, depuis le jour où je suis partie. Plus une seule contracture de l'âme.
Aujourd'hui, je n'ai aucun fruit de mes années de travail. Tout est à recommencer. J'ai quand même les quatre plus beaux fruits qui soient et c'est tout ce qui importe réellement à mes yeux, mes enfants, dont deux sont les nôtres. Je n'ai que peu de repos, je tente de tout rattraper de mes seuls bras. Fatigue. Course en avant. Tu es venu m'offrir ton aide dans ma bataille pour garder mon appartement, tu as fait ce que tu sais faire, m'aider à réaliser et conduire ces travaux qui ont tout solutionné et qui sans ton savoir-faire et ta bienveillance seraient restés à l'état de chimères. Rien que pour ça, je sais que l'on se reconnaît encore, et que tu changes, tout comme je change.
Comme par un fait exprès, pour te dire que je tourne la page, je suis arrivée à la fin du cahier.
Ouvert il y a dix ans.
Maintenant, je vais écrire non plus pour tuer le souvenir tant aimé, mais pour apprendre à aimer ma nouvelle vie, en recousant ensemble chacun des morceaux de moi qu'il me reste entre les mains, et certains de ces morceaux, c'est toi qui les as dessinés.
Accepter pour toujours que tu étais mon amour dans la vie, et que je t'ai perdu.
Ce faisant, me suis perdue tout autant.
Une arme commune, le stylo ; Toi les dessins, moi les mots.
Une arme commune, l'amour. Qui s'en fut et qui sera de nouveau, sous d'autres cieux.
Je redeviens princesse mais de ma vie.
Je redeviens petite planète, ronde, entière et vraie, mais sous un autre soleil.
Petite planète dont tu n'es plus la ligne d'horizon.
Carpe diem, face truth.
Je me suis accrochée à ces mots pour me rappeler.
Depuis que tu n'es plus là.
Je cueille le jour et ses petites bontés. L'instant présent, mon rempart contre l'adversité.
Je veux pouvoir me défaire de mes illusions, ne pas les nourrir du moins, les affamer et passer tout à l'essorage du vrai. De ce qui vit en moi. De ce que je sais sans en douter. De ce que je vérifie. De ce que j'aime pour de bon.
Etre vraie avec les autres, dans la mesure de mes moyens. Et ne cultiver les relations que vraies, qu'avec ceux qui ne me tournent pas le dos.
Avec le temps, avec le temps ... , on réussit à se reconstruire et parfois de bien meilleure façon, mais à ce moment là, on ne le sait pas...
· Il y a plus de 9 ans ·marielesmots