We are...
briseis
Chapitre 5 :
Aurélien est un garçon que l'on croit discret, au premier abord. Il ne parle jamais pour ne rien dire et dévoile son intelligence chaque fois qu'il ouvre la bouche. Il est joli garçon mais n'est pas prétentieux, il fait partie de ce groupe d'adolescents qui ne s'intéresse pas aux filles, ou seulement aux filles qui ne s'intéressent pas non plus aux garçons. Ils sont matures pourtant, et justement, ils savent pourquoi ils ne recherchent pas de relation amoureuse au lycée, et consacrent le plus clair de leur temps à leurs études ou à d'autres passions comme l'informatique ou la musique pour certains, les plantes vertes, pour d'autres. Il s'habille simplement, n'a pas de style vestimentaire particulier - même si le plus souvent, il cache ses épis blonds sous un bonnet en laine - et trouve que la mode, c'est idiot. Il a quelques défauts, aussi, tout de même. Il est distrait, porte peu ou pas d'intérêt aux gens qu'il juge insipides, c'est à dire les quatre cinquièmes de la population, et d'ailleurs, il préfère souvent la compagnie des adultes à celle des "débiles de son âge". Il aime parler, débattre, il a une opinion sur beaucoup de choses et a horreur d'être mis à l'écart des discussions dites "pour les grands". A quinze ans, il est déjà dans un monde un peu au dessus des autres, de là il regarde le commun des mortels en rêvant à un monde où il pourrait changer les choses. Il est un peu paradoxale, ancré dans la réalité, mais la tête dans les nuages. C'est une des rares personnes qui acceptent d'avoir tort, l'une des rares personnes qui affirment que la vie ne les a ni bousculés, ni frappés, ni quoi que ce soit. Il n'a pas eu la malchance d'être malade, ou pauvre, ou bête. Il n'a pas eu une enfance difficile, pas de parents indignes, pas de complexes, pas de troubles de l'alimentation, du comportement, pas d'addiction non plus, ni à l'alcool ni aux drogues, il n'est pas autiste, pas dépressif, en bref, il vit plutôt bien le vingt-et-unième siècle, comparé à d'autres jeunes de son âge.
Il est curieux et aime observer son monde sous tous les angles. Il se retourne pour regarder où finit la course folle d'un étudiant en retard, ou d'une femme d'affaire au contraire en avance. Il regarde tout et veut tout voir, d'ailleurs, il voit tout. Peu de détails lui échappent, du moins, il retient tous ceux qu'il juge intéressants. Les chaussettes dépareillées du portier de l'hôtel de ville, le strabisme léger du professeur d'Arts Plastiques, le tatouage sur la hanche droite de sa voisine de table en cours de physique-chimie. Il se souvient aussi de la montre cassée du cycliste qu'il a croisé la semaine dernière, et le fait que tous les lundis, le petit vieux de la rue Hermès prend un bus différent pour aller chez son kinésithérapeute. Sa famille le trouve étrange. Il trouve sa famille étrange. Bref, il s'intéresse au monde. Il ferait surement un bon journaliste.
Éden, elle, est moins discrète. Elle attire l'attention rien qu'en entrant dans ne pièce. Elle dégage une sorte d'aura de bonne humeur qui envahit tout le monde qui l'entoure. Et puis, elle est toujours très gracieuse et très délicate. Lorsqu'elle marche, on dirait qu'elle danse, quand elle parle, on dirait qu'elle chante. Parfois, c'est même le cas. Elle a une voix chaude suave, et de longues mèches noires qui lui tombent devant les yeux, une sorte de frange mal coupée qu'elle se plait à laisser pousser en escalier déséquilibré. Ses yeux pétillent lorsqu'elle parle d'histoire ou de mathématiques, elle aussi elle est du genre à être les chouchous du prof, et en fait, ça ne dérange personne. Elle est jolie et elle le sait, elle en joue un peu de temps en temps, parce qu'après tout, c'est amusant. Elle crée ses propres tenues et souvent, elle s'habille comme elle veut, elle est toujours ou élégante ou désinvolte, jamais vulgaire. Les jupes trop courtes ou les jeans moulants ne sont pas pour elle. D'ailleurs, elle est un peu trop ronde pour mettre des vêtements trop collés au corps, mais elle s'en moque. Elle n'a pas de complexe, aime son corps et il le lui rend bien. Elle est du genre à avoir de la répartie et à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Cependant, elle est raisonnable et ne répond aux provocations que lorsque l'adversaire le mérite. C'est une élève appliquée, qui hésite rarement à aller vers les autres, même si des fois, sa timidité la rattrape. Elle reste une fille fragile, même si elle dit le contraire. Elle fait partie de ceux qui règlent les problèmes des autres avant les leurs, parce qu'ils n'ont ni la force ni le courage d'affronter leur réalité. Elle n'a pas une vie facile, quoi qu'on n'en dise, et elle le cache derrière de grands sourires et des éclats de rire. Elle préfère ne rien dire plutôt que se plaindre d'une nuit d'angoisse passée à l'hôpital pour attendre un membre de sa famille un peu trop abîmé par la vie. Elle est forte d'une certaine manière, d'encaisser sans rien dire, de porter à bout de bras sa famille qui n'en peut plus, parfois, des allers-retours aux urgence. Elle reste souriante, malgré tout, et continue de s'intéresser à ce qui l'entoure. Elle aussi, elle aime bien savoir ce qu'il se passe autour d'elle, tout analyser et tout comprendre.
Bref, c'est une fille qui aime la vie. Elle ferait surement un bon médecin.
Ensemble, ils ne sont pas grand chose encore, juste un duo un peu bizarre qui se balade en ville quand il fait beau, et d'ailleurs même quand il pleut. Ils sont là, apprennent à se connaitre et à connaitre les autres. Ils parlent, à cœurs ouverts, sans détours. Ou plutôt si, ils se cachent mutuellement ce qu'ils ressentent pour l'autre, depuis un moment déjà. Ils se sont vus rarement, se sont parlé encore moins, mais dans leurs coins, chacun de leurs côtés, ils s'observaient. Ils se connaissent de loin, en quelque sorte. Aurélien a inventé des dizaines de vies à Éden, et réciproquement. Lorsqu'il a compris que la jeune fille mourait de l'intérieur, il n'a pas pu rester là, sans rien faire à la regarder. Alors ...
Alors ils sont allés au cinéma.
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· Il y a plus de 10 ans ·Lisa Azorin