"X"

pierre-ysilda

"X"

Je n'ai jamais glissé. J'ai coulé comme un fleuve, traversé tout un continent qui part du jour, en direction de la nuit par le train de l'existence. J'ai ris avec des démons, couché avec des anges. De si grands démons, de si beaux anges. Parfois l'inverse. Je me suis enfoncé dans la vie, comme un s'enfonce dans un tunnel dont la sortie est floue et simple hypothèse. Des nuits entières a marcher, et chercher pour trouver quelque chose qui n'existe pas. Mais qui a besoin de trouver? 

Enfant, j’étais déjà a part. Je restais assis des heures sans bouger, les semelles pleines de mauvais pressentiments, sombres et intenses. Le mal ronge comme il fascine un enfant de 10 ans. La douleur est grisante... Le poids de la vie tout entier a ma mesure, je restais la a attendre un réconfort qui de toutes façons serai bien insuffisant. Je n'acceptais pas. Je n'accepte toujours pas. Je n’accepterai jamais, sinon la seule idée de faire avec, ou sans. C'est a voir.

Un sentiment aigu d’être si différent, sans pouvoir l'expliquer. L'intuition d'un grand destin ou d'une vie de misère. Je ne savais pas encore qu'il n'y a pas de choix a faire et que parfois la vie seule choisit pour vous.
J'ai vécu si fort. Aimé avec tant d'espoir que je me demande encore parfois, comment je fais pour en garder autant. L'espoir est peut être le seul mouvement perpétuel au monde, celui qui se nourrit de lui même sans faillir. J'ai pourtant perdu tant d'amis, d'amour et de temps. Tant de parts de moi même aussi dans cette aventure. Je perd tant encore tous les jours. La drogue comme réconfort, l'ivresse comme compagne et l'amour comme horizon. Je n'ai fait que marcher, marcher encore. Éternel marcheur, immobile ou mouvant, dans le noir et le blanc, le jour et la nuit, la peur et le désir. Tout ces choses qui brûlent et marquent la peau comme une lame , marquent l’âme comme un fer rouge. Je vous ai tous croisé, je me suis accroché a tant de vos regards, de vos chaussures et de vos parfums sans jamais être vraiment vu. Je ne vous en veux pas. Je crois parfois être le seul a voir. Non , en fait je ne crois pas : Je sais. Sinon ? Je n'aurai pas marché seul. Je ne marcherai plus.

Tant de morts, tant de peine, tant d'amours tombés comme tombent les hommes quand il sont tout au bout, tout au bout du dernier battement du coeur. Mais je suis encore la, je regarde toujours les étoiles la nuit, et j'ai l'air toujours aussi fou. Je le suis un peu, un peu plus, un peu trop. Vous pensez a une posture, et cela me réjouis. La folie est une forteresse, la lâcheté en est le pont-levis. Et c'est tellement plus simple pour tous de me regarder pleurer en me voyant faire mon cinéma, Tranquillement assis sur la rambarde de ce pont...
Je sais que la poésie sauvera le monde, je sais qu'elle est partout et plus que tout, elle est sublime car le monde n'a pas besoin d’être sauvé, et moi non plus. Je sais comme elle est délicate a se montrer, et quand elle danse au fond du précipice alors que je la regarde du haut de ma falaise, c'est avec délectation que je la contemple. Je suis chanceux car bien souvent aussi du fond de mon trou , c'est elle qui me tend la main. 

Oui, j'ai coulé comme un fleuve. Porté par un courant de musique et de fraternité. Je fais partie de cette génération que l'on nomme "X", la bien nommé. Celle en perte d'idéaux et combats, sans guerres et sans danger...Mais si obscène. Le chômage, le sida, l'argent roi. Travailler a tout prix pour être heureux, mais ne jamais vraiment travailler a l’être. Moi et les miens sommes passés a coté de temps de choses, et en avons pris de faces tant d'autres. De bien maigres épaules pour de si grands blocs de pierres. Alors nous avons bu, nous avons dansé, nous nous sommes défoncés. Que pouvions nous faire d'autres? 
Moi je n'ai jamais arrêté. Que pouvais je faire d'autre... Tant a été promis , mais rien n'a été donné, sinon la culpabilité de vouloir vivre vraiment. De faire l'amour sans capotes, d'aller a l’école pour avoir un bon métier, un bon métier pour avoir une famille. Attendre les jours promis, les meilleurs.Ceux qui ne viennent jamais ailleurs que dans les rêves.
On nous as tant menti et nous avons tellement cru. je suis comme tout le monde. Je n'ai juste pas pardonné. Je ne pardonne pas, pas même a moi-même. 
Je viens de la.

Il ne me reste qu'une chose a faire.
Je vais sortir regarder les étoiles, et suivre le lit du fleuve.

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