XO, baisers amers et étreintes fantômes
francois-r
Chronique musicale pour le concours VSD / Album mythique
Elliott Smith / XO / 1998
En écoute : Waltz #2 (XO) (piste 3)
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Qui croit encore au coup de foudre ? Aujourd'hui, on ne fait plus de romantisme sans sex friend, toy boy ou autre concept angliciste prêt à l'emploi.
En 1998, Elliott Smith sortait son album XO, titré d'après le symbole même de l'amour, celui que les anglo-saxons apposent à la fin de leurs lettres passionnées.
Tout juste auréolé d'une nomination aux Oscars pour la chanson du film Will Hunting, Smith a signé chez DreamWorks Records. Certains flairaient la compromission commerciale après trois albums indépendants ayant reçu un beau succès critique, XO leur apparaît comme un démenti cinglant.
Les arrangements sont certes plus soignés mais l'âme de Smith est intacte. Paradoxalement d'ailleurs, car celle-ci est abîmée et ce sont ses fêlures qui nourrissent ses textes et mélodies. Smith canalise comme il peut son tempérament dépressif et en fait des chansons.
Pour commencer, Sweet Adeline, une chanson de rupture, pose le ton de l'album : acoustique et mélancolique. Un peu plus loin, Waltz #2, morceau inspiré de son beau-père abusif, est une valse à la guitare qui ne ressemble à rien de connu. De nombreuses références à la religion dans Pitseleh, témoignent de son enfance texane. Puis Bled White, critique pop de la gentrification et Waltz #1, mémoire d'un amour passé devenu amer…
Qui croit encore au coup de foudre ? Tout le monde devrait en fait.
En 2015, j'en ai eu un en écoutant XO, piste 6, à 2 minutes 20. Je suis tombé amoureux d'un artiste à la douceur d'une force bouleversante, qui écrit et chante l'amour romantique comme il est : aigre-doux.
Amoureux d'un chanteur parti trop tôt (en 2003, rattrapé par ses démons), au visage marqué par des cicatrices qui n'ont rien du produit commercial.
Elliott Smith n'est pas un concept angliciste prêt à l'emploi.
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