Treehouse in SF : l'alc-ôve ni-chée
laurent17
Un léger tintement métallique alerta la petite créature et intensifia encore ses huit sens pourtant déjà largement mis à contribution. Il observa son acolyte refermer ses trois doigts sur l'objet humain qu'il venait de faire chuter.
Zztro émit quelques signaux bleuâtres à l'aide de son appendice nasal, lui intimant de faire plus attention.
Il est vrai que ce logement humain était relativement exigu pour leur peuple mais Zxotl associait ce handicap anatomique à une propension à la maladresse quasi infinie. Zztro se rappela la fois où, ce dernier, tentant de s'adresser à un "chat", s'était fait lacéré le visage, manquant de très peu de le rendre stérile.
Ce souvenir déclencha chez lui un rire incontrôlé, matérialisé par une faible lueur orangée et saccadée.
Cela faisait une heure que les deux aliens avaient pénétré dans ce logement humain et ils en avaient déjà appris beaucoup. L'humain semblait traiter ses invités d'une manière toute particulière, qu'on ne pouvait qualifier que d'arboricole. Les deux individus qu'ils avaient observés (Doug et Linda) recevaient périodiquement des congénères dans un domicile situé dans un grand arbre.
Etait-ce une forme de respect pour des hôtes de marque ? Ou au contraire une sorte de mise au banc ? Zztro n'aurait su l'affirmer, mais à l'heure actuelle, c'est un autre problème qui occupait son ganglion cérébral - celui de son pied unique, précisément. Il observait depuis quelques minutes un être végétal (une "fleur") que les humains avaient mis en terre dans un petit pot de couleur marron.
Quelle idée saugrenue ! Zztro se demanda s'il en était de même avec d'autres êtres vivants. Il se promit qu'à son retour sur Zenexia il tenterait de planter un chat. Cela égaillerait peut-être son bureau - et effraierait Zxotl par la même occasion.
Il progressa encore un peu et s'arrêta sur l'objet que l'humain utilisait pour s'éteindre. Encore une étrangeté que son peuple avait du mal à saisir. Il semblait que de nombreux êtres sur cette planète s'arrêtaient tout bonnement de fonctionner pendant plusieurs heures par jour.
La plupart du temps, une sorte de cérémonial précédait ce sommeil, mais ils l'avaient observé à des instants beaucoup plus mystérieux. Il survenait parfois au volant de leur véhicule, ce qui gênait passablement la conduite. Assez régulièrement, aussi, il se produisait devant les émissions d'un certain "M. Drucker".
Ensuite, plus les êtres vieillissaient, plus ils s'arrêtaient longtemps. À partir d'un certain temps d'arrêt, les autres humains les mettaient alors dans une grosse boîte qu'ils enterraient plusieurs pieds sous terre. Peut-être espéraient-il que ces êtres allaient repousser, comme des fleurs.
Des linges représentant des fleurs recouvraient le lit. Encore des fleurs. L'être humain vouait-il une sorte de culte à ce végétal ? Il faudrait qu'il...
Un bruit sourd venait de faire vibrer toutes ses membranes auditives, lui chatouillant l'entrejambe d'une manière peu agréable. Revenant sur ses pas, il aperçut Zxotl, tombé un étage plus bas, alors que son corps mou reprenait sa forme. Les Zenexiens avaient perdu depuis bien longtemps la sensation de douleur mais la surprise de Zxotl illuminait son appendice nasal de toutes les couleurs du spectre du visible. Excédé, Zztro menaça de lui trancher son organe multicolore et d'en faire cadeau à la nation humaine "LGBT" dont c'était semble t-il le drapeau.
Zztro connaissait les raisons biologiques de l'absence de douleur chez les Zenexiens, mais il se demanda si chez Zxotl elle n'était pas due à une absence pure et simple d'innervation, y compris de ses ganglions cérébraux.
Il décida de mettre un terme à l'expédition scientifique devenue trop périlleuse et envoya un signal à la navette pour qu'elle les téléporte.
Il lui restait quelques minutes et choisit d'examiner un objet curieux : une planche en bois était reliée par deux cordes rouges à une des branches de l'arbre, provoquant un mouvement de balancier à quiconque s'y asseyait. Il avait observé quelques jours plus tôt des petits humains s'en servir sans en comprendre exactement l'intérêt.
Soudain, il saisit. Ce jeu se rapprochait d'une distraction zenexienne qui consistait à utiliser un élastique afin de se propulser le plus haut possible dans le ciel et de s'écraser au sol. Ensuite, les jeunes zenexiens reprenaient forme et recommençaient cette activité avec ravissement.
Cet objet humain était simplement dysfonctionnel : l'effet de balancier n'était pas suffisant pour que les petits humains atteignent la hauteur suffisante afin de s'écraser au sol, pour se reformer ensuite. Qu'à cela ne tienne, il avait beaucoup d'affection pour cette espèce et décida d'utiliser sa technologie pour conférer à l'objet une accélération bien supérieure.
Il se félicita de sa bonne action anonyme et, alors qu'il se dématérialisait pour rejoindre son vaisseau, il pensa à la joie que ressentiraient ces petits humains, éjectés à plusieurs mètres du sol.