1001 séductrices

Hugues Verschoote

Note d’intention : Constatant comme il est difficile aux troupes et cours amateurs et scolaires de trouver des textes intéresssants à jouer dont la distribution s’adapte au nombre d’acteurs disponibles ! J’ai donc choisi de créer une suite de saynètes ou « tableaux » parmi lesquels la troupe fait un choix. De plus la distribution est adaptable dans chaque tableau. Ceci permet de faire jouer d’une troupe de 6 comédiens (dont au moins deux hommes) jusqu’à un groupe ou une classe de trente élèves !
L’écriture est en alexandrins libérés, ce qui de façon moderne permet de conserver le rythme cher à nos auteurs classiques, de donner quelques sonorités poétiques et parfois de créer des effets comiques. De plus, les thèmes choisis ressortent de la culture générale. Aux profs de les utiliser, si cela est leur bon plaisir !

Thème : LES SEDUCTRICES CELEBRES. Si les histoires d’amour finissent mal, ce n’est pas une raison pour ne pas en rire !
Genre : COMEDIE-BOUFFE. Non,  je n’ai pas créé ce genre. La paternité en revient, du moins officiellement, au Roi Soleil qui l’inventa pour réunir en spectacles Molière et Lulli.

Décors, costumes et accessoires : Laissez libre court à votre imagination ! Les décors sont très succints, réalisables par des ateliers ludiques d'arts plastiques. Idem pour les costumes, qui doivent être colorés. Voici quelques suggestions : panneaux peints (titres des tableaux), un « arbre » pouvant être facilement déplacé (voir vidéo), colonnes en carton pour « Samson », balcon de Roxane confectionné avec un escabeau  habillé d’un décor en carton peint, siège couvert d’un tissu de couleur adéquate, petite table pour « César », gros coussins pour Lorelei, 2 épées (Conan, Valéria, Salomon...) 1 poignard en plastique (Frollo, Juliette), un poupon (Roxelane, Papillon), un CD de bruitages (des bruitages gratuits sont disponibles sur internet ou auprès de l’auteur : soucoupe volante, mer, singes, oiseaux, tonnerre, rires...), une chêvre à roulettes pour Esméralda si on veut, etc...  Pour les costumes, voir idées en début de chaque tableau. Des "toges" sont facilement réalisables : c'est un rectangle de tissu noué sur l'épaule. Elles permettent des changements rapides, utiles lorsque certains acteurs jouent plusieurs rôles.
Mise en espace : Un visuel des acteurs, mimant s'il le faut, est indispensable à la présentation d'un spectacle drôle et captivant. Il s’agit de trouver la mise en scène la plus comique possible...  Le conteur est sur un côté en avant-scène. Il n'est pas indispensable que Donadieu apparaisse en réel, sa voix peut être diffusée en off par la sono : une grosse voix avec un peu de réverb.
Chaque titre de tableau peut être annoncé à la victorienne par un personnage qui traverse la scène avec un panneau. On peut aussi utiliser un écran en fond de scène pour projeter des décors.
Je conseille de créer une bande son contenant les bruitages et extraits musicaux dans le bon ordre. Une fiche technique permettra au technicien de s’y retrouver.
Danses : la plupart du temps facultatives. Il est plus agréable de prévoir des figurations et des musiques lorsque cela est possible. Elles peuvent être artistiques ou comiques. Pour les spectacles avec danseuses, prévoir des danses assez courtes. Afin de ne pas casser le rythme de la pièce, un bon enchaînement sera  nécessaire.

LES PERSONNAGES :
la distribution est très adaptable : SELECTIONNEZ VOS SCENES (on n'est pas obligé de jouer tous les tableaux proposés) et CHOISISSEZ VOS ROLES :

1 - EVE - la naïve : 5 acteurs dont 2H 1F : le conteur, Adam, Eve, le Serpent, Donadieu

2 - ELLE - la savante : 6 acteurs dont 3 H 2F : Onk, Arh, Yop, Elle, une femme, le conteur

3 - VALERIA - l'amoureuse : 4 acteurs dont 2 H 1F : le conteur, Conan, Valéria, le Serpent

4 - DALILA - la vénale : 4/5 dont 2H 1F : le conteur, Dalila, Samson, le Philistin, L’ange

5 - LA REINE DE SABA - l'intrigante : 6 acteurs dont 2H 3F : le conteur, la reine de Saba, Salomon, un Garde, Première et Deuxième femmes plaideuses.

6 - CLEOPATRE - l'impériale : 5 à 7 acteurs dont 1 F : le conteur, César, Cléopâtre, Apollodore, Marcellus, le chambellan, Ptolémée.

7 - SALOME - la jalousée : 5 acteurs dont 3H 2F : Salomé, Narraboth, Hérode, Jokanaan, Hérodiade

8 - LORELEI - la sirène : 2 acteurs : 1H 1F : l'émir Obolan, Sheherazade, + la sirène

9 - ESMERALDA - la généreuse : 7 acteurs dont 3H 3F : Gringoire, Gitane 1, Gitane 2, Esmeralda, Phoebus, Frollo, Le tavernier

10 - JULIETTE - la lolita : 4 acteurs dont 2H 1F : le conteur, Mercutio, Roméo, Juliette

11 - ROXELANE - la rusée : 7 acteurs dont 1H au moins : le conteur, Selim II, Soliman, Roxelane, Anna-Sophia (sœur de Roxelane), Hafsa (mère de Roxelane), Eunuk, enfants et/ou figurant(e)s. Le rôle de Selim II peut être tenu par le conteur ou l’acteur qui joue Soliman avec changement de costume.

12 - MUMTAZ MAHAL - la philosophe : 3 acteurs dont 1H 1F : le conteur, Shah-Jahan, Arjumand

13 – ROXANE - la romantique : 4 acteurs dont 2H 1F : le conteur, Christian, Cyrano, Roxane

14 - SISSI - l'espiègle : 4 acteurs dont 2H 1F : Le conteur, Sissi, Papili, François-Joseph

15 - CARMEN – l’infidèle : 4/5 acteurs dont au moins 2H : Papy, Soria, Don José, Escarmillo, Carmen

16 - Madame PAPILLON - la fidèle : 7/8 acteurs dont au moins 3H : Ciocio-San (geisha, dite "Papillon"), Harley Davidson (lieutenant américain), Triumph (consul des USA), Suzuki (servante de Ciocio), Honda (bonze, oncle de Ciocio), Kawazaki (mère de Ciocio), Yamaha (tuteur et entremetteur, personnage facultatif), Kate (épouse américaine de Harley).

17 - ANN - l'artiste :  7 personnages : 6 acteurs dont au moins 2H : le conteur, Karl, Bruce, Kong, deux "spectateurs", et 1a danseuse (Ann).

1 – EVE, la naïve
Personnages : Le conteur, Ange ou magicienne, Adam, Eve, Le serpent, voix de Donadieu.
Décor et accessoires : aquarium factice, arbre (parasol revêtu de tissus vert et cachant singes, oiseaux, serpent,clavier d’ordinateur,  tête de cheval en carton peinte en zèbre au verso). Costumes : Adam toge et feuille de vigne géante, Eve robe mousseline et fleurs, ...

Bruitage  : une soucoupe volante se pose, le sas est activé.Un être en descend...
Le conteur :
Au début, lorsque Hervé Donadieu posa
L’astronef sur la planète, il n’y avait rien.
Rien du tout : pas un troquet, pas un chat, un rat,
Même pas une mobylette, rien de rien!
Alors, Donadieu mit des poissons dans la mer, (bruitage vagues)
Pour faire un joli aquarium. Sur la terre, (l’Ange apporte l’arbre)
Il créa les arbres et les fourmis pour aérer          
Leurs racines. Il créa des singes pour manger
Les fourmis quand il y en aurait beaucoup trop. (bruitage singes)
Des oiseaux pour orner les branches. Des serpents(bruitage oiseaux)
Pour manger les oiseaux quand il y en aurait trop...
L’Ange (implorante) :                
Non !
Donadieu :
           Si, des serpents ! Qu'ils mangent les singes aussi,
Vu la vitesse à laquelle ils se multiplient !
(cris singes : L’ange fait sortir le serpent de l’arbre puis prend la tête de cheval)
L’Ange :
Ta liste d’animaux...
Donadieu :
      Quoi, a-t-elle un défaut ?
L’Ange :
Vois, les zèbres ressemblent bien trop aux chevaux...
Donadieu :
Tu as raison, tu n’as qu’à les rayer, Coco.
(l’Ange retourne la tête côté zèbre, bruitage hennissement. L’ange sort)
Le conteur :
C’était beau, mais il n’y avait personne pour l’en
Féliciter. Alors, pour qu’il y ait quelqu’un
Capable d’admirer sa création, c’est fin,
Il créa l’homme, mais ne le fit pas trop malin.
(Entrée d’Adam, en toge avec une grosse feuille de vigne)
Donadieu :
Toi, nu comme un ver : tu t’appelleras Adam.
Admire, mais comme tu n’es pas intelligent,
J’interdis de toucher à la machine qui pense
Et de consulter l’arbre de la connaissance.
Le conteur :
L’arbre de la connaissance, c’était l’internet
Des Donadieu : nous, nous comparons le réseau
A une toile d’araignée, eux, c’est pas bête,
Ils le comparaient à l’arbre, avec ses rameaux...  
S’ennuyant, Adam demanda à Donadieu :
Adam :
Donne-moi au moins une console de jeux !
Donadieu :
Je vais faire mieux : je vais créer la femme, mon cœur.
Le conteur :
Il créa Eve, mais lui interdit aussi
De toucher à son très précieux ordinateur.
(Entrée de Eve sur musique 10 sec : intro de « you can leave your hat on »)
Donadieu :
Je t’ai faite belle et sensuelle, mais si
Tu as été créée pour  apporter le rêve,
Adam prononce mal les R, qu’il t’appelle Eve.
(Adam poursuit Eve autour de la scène)
Faites tout ce que vous voulez, mais ne touchez
Jamais à mon ordi, cela me déplairait.
Adam :
Ah... Nous avons bien joué. Je suis fatigué,
Je vais dormir au pied de l'arbre...
(Il se couche. Musique. Eve danse)
Le conteur :
                ...Alors, Eve
Commença à s’ennuyer à son tour. « Evvv, Evvv »
Appela le serpent d’un sifflement macabre.
Le serpent :  
Eve, aide-moi à descendre de cet arbre.
Je n’ai pas de doigt pour taper sur le clavier,
Suis-moi. Veux-tu taper pour moi et consulter
L’ordi, pendant que Donadieu s’est absenté ?
Eve :
Je veux bien, mais, bon, je ne suis pas très douée
En informatique... Vois, j’aime mieux danser...
Le serpent :
Mais si tu danses en tapant sur le clavier,
Tu planteras le programme, bien entendu !
Eve :
Aïe Aïe Aïe ! Toi, tu ne peux t’empêcher en plus
De croquer la souris...  
Le conteur :    
    Quand Donadieu revint
Et qu’il vit l’ordinateur planté, il devint
Furieux ; il chassa Eve et Adam du jardin
d’Eden et tonna l’avertissement divin : (bruitage tonnerre 1)
Donadieu :
Si vous n’êtes pas capables de m’obéir,
Alors les histoires d’amour de vos descendants
Ne finiront pas bien et ils vont vous honnir !
Leurs rencontres seront intenses et passionnées
Mais destructrices... Allez ! Maintenant, fuyez ! (bruitage tonnerre 2)


2 – ELLE, la savante

Personnages : Le conteur, Onk, Arh, Yop, Elle, homme, femme. Costumes « préhistoire », accessoires : « bassine à feu », feux factices.

Le conteur :
Les descendants d’Adam et Eve commencèrent
A errer sur une terre hostile et se divisèrent
En clans. Pour se réchauffer quand il faisait frais,
Pour faire cuire leur nourriture, ils conservaient
Précieusement le feu. Mais un jour, pendant
Que ceux de la tribu de Onk dormaient en ronflant,
Ils furent attaqués par une tribu voisine
Qui leur vola le feu gardé dans une bassine.
Onk :
Alors, Onk partir à la recherche d’un nouveau
Feu, avec Arh et Yop, ses potes les plus costauds.
Le conteur :
Après maintes péripéties ils arrivèrent
Près du campement d’une tribu où brûlaient
Plusieurs grands feux. Alors ils se cachèrent
En attendant que les gens s’endorment, pour voler
La flamme pendant leur sommeil. Mais Onk vit Elle.
Il n’avait pas de femme.
Onk :    
            Celle-ci est plus belle
Que toutes les femelles de notre tribu,
Que toutes les femelles que Onk ait jamais vues.
Arh :
Arh s’étonner : le feu rester sans surveillance.
Lui s’approcher prudemment de l’incandescence
Pour recueillir un brandon...
Yop :
                Yop avoir trouvé
Des restes de nourriture cuite ! Yop ramasser,
Yop être affamé...
Le conteur :
            Onk pénétra sous l’abri
De Elle, mais celle-ci se réveilla. (Elle crie) Ses cris
Alertèrent les guerriers de sa tribu. Onk et
Ses deux complices furent vite encerclés.
Mais, les voyant si penauds et si effrayés,
Ceux de la tribu de Elle ont bien rigolé.
Elle prit leur défense, trouvant Onk fort à son goût :
Elle :  
Chasseur, tu me parais très fort et assez fou
Pour m’assurer une descendance robuste.
Une femme de la tribu de Elle (moqueuse) :
Oh, j’ai compris que Onk, Ahr et Yop voulaient juste
Voler le feu ! Ah !Ah !Ah ! Mais quelle ignorance !
Elle :
Dans la tribu de Elle, nous n’avons pas besoin de garder le feu :
On le fabrique !
Le conteur :
         C’était la femme encore une fois
Qui transmettait le savoir et la connaissance.
Elle apprit aux trois chasseurs le secret du feu,
Obtenu en frottant des silex. Et pendant
Que Arh et Yop s’entraînaient et apprenaient d’autres
Choses avec les chasseurs qui devinrent leurs hôtes,
Elle s’éloigna en compagnie de Onk. Dans l’ombre
Elle entreprit de le séduire et lui apprendre
D’autres secrets plus chauds que celui du feu :
Les plus brûlants secrets des plaisirs amoureux...    
DANSE


3 – VALERIA, l'amoureuse
Le conteur, Doom, Conan. Accessoires (arc et flêche). Costumes.

Le conteur :
Bien du temps avait passé, les êtres humains
Avaient appris à maîtriser le feu, forger
Les métaux, le cuivre, puis le fer et l’acier.
C’est pour ce secret qu’un serpent inhumain
Massacra un forgeron et une jeune maman,
Il enleva l’enfant qui s’appelait Conan.
Comme l’épée en train d’être forgée, battue
Sur l’enclume, chauffée dans la fournaise, rebattue
Et trempée dans la neige, comme le fer maltraité
Donne l’épée d’acier invincible, l’enfant
affronta les dangers sans jamais abdiquer.
Conan (traversant la scène de cour à jardin) :
« Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort !»
Le conteur :
                     ...Ce Conan !
Il devint Homme : une intelligence acérée
Dans un corps parfait, mais mû par une volonté
De vengeance inflexible. Alors il rechercha
L’assassin de sa mère, Tulsa Doom le serpent.
Pendant cette quête il rencontra Valéria,
Regardez ce qui se passa à ce moment...
Musique (extraite du film, contacter l’auteur si nécessaire) : percussions . entrée de Conan à jardin : « Kata épée ». Violons – entrée de Valéria à cour, qui l’imite. Observation. Combat, chocs des épées. Conan gagne et relève Valéria. Respect, connivence, alliance.
Le conteur :
Grâce à l’aide de Valéria, il retrouva
Doom, le serpent, qui avait de nombreux adeptes
A qui il promettait vie facile dans sa secte.
Doom était bien protégé et lorsqu’il lança
Une flèche empoisonnée sur Conan, Valéria
Protégea son amour avec son propre bras.
Elle avait sacrifié sans hésiter sa vie
A la vengeance de Conan. Et quand celui-ci
(Conan revient sur scène à cour et Doom entre à jardin.)
Arriva à s’approcher de Doom, le malin
L’arrêta d’un geste :
Doom :
             Pourquoi veux-tu me tuer ?
Conan :
Toi, tu as tué pour le secret de l’acier.
Doom :
Ce n’est plus très important ; l’acier n’est pas fort,
La chair est plus forte ! Moi, j’ai forgé ton corps.
Qu’est l’acier, comparé à la main qui le tient ?
Conan :
Alors c’est ma main qui plongera mon épée
Dans le corps du serpent...
... Ainsi, je suis vengé.
(Conan sort en emportant le corps de Doom.)
Le conteur :
Plus tard, Valéria parut en songe au Barbare
Qui devint sage et roi, mais c’est une autre histoire...

4 – DALILA, la vénale

Personnages : Le conteur (Hugues), Dalila(Valérie), Samson(François), Le Philistin(Jean-Claude), L’ange (voix off ?).
Costumes : toges.Décors : cartons peints « colonnes », siège «habillé» pour Dalila.

Le conteur :
Plus tard et plus au sud, un ange, un compagnon
De Donadieu, apparut au père de Samson,
Qui était membre de la tribu des Danites,
Sur qui les anges faisaient des expériences génétiques.
L’ange dit :
L’ange :
        Samson ne devra jamais boire de vin,
Ni jamais couper ses cheveux.
Le conteur :
                 Samson devint
Un jeune homme d’une force prodigieuse,
Forçant l’admiration dans cette tribu pieuse.
Pendant ce temps les Philistins, peuple venu
Des îles de la Méditerranée, s’étaient appropriés
Toute la côte et repoussaient la tribu
Des Danites vers les hautes collines de Shéfalai.
Samson :
Devant moi les ennemis fuient comme des veules.
J’ai tué un énorme lion de ses mains seules
Et, avec une mâchoire d’âne, tué un millier
De Philistins qui sont nos ennemis jurés.      
Dalila :
Les femmes t’admirent, Samson, te font les doux yeux, et...
Samson :
Moi je n’ai d’yeux que pour toi, Dalila, tu es
La plus belle de la vallée de Soreq. Et moi,
A défaut d’argent, te promets bien des émois.
Dalila :
Je t’aime bien, Samson, maintenant tu dois partir...
(Il sort. Le philistin entre)
     J’aime mieux l’argent. Philistins, qu’avez-vous à dire ?
Le philistin :
Séduis-le, apprend en quoi réside sa force,
Par quel moyen nous pourrions vaincre ce féroce
Gaillard. Pour cela nous te donnerons l’argent :
Onze cent pièces chacun, sera-ce suffisant ?
(Le philistin sort, Samson revient.)
Dalila :
Quand on s’aime, on ne doit pas avoir de secret
L’un pour l’autre. Ta force, dis-moi ce qui la fait.
Samson :
Si on me liait avec sept cordes d’arc fraîches,
Je deviendrai comme un autre homme : aussi faible !
(Samson sort, le Philistin revient avec des cordes.)
Le philistin :
La solidité de ces cordes est sans pareille,
Alors sers-t-en pour le lier pendant son sommeil.
(Le philistin sort, Samson revient. Dalila lui lie les mains)
Le conteur :
Samson les rompit comme aurait rompu un trait (Samson rompt le lien)
D’étoupe quand il sent le feu, ainsi le secret
De sa force stupéfiante resta inconnu.
Par trois fois, il mentit à Dalila qui crut
Savoir de quelle manière il pourrait être dompté,
Trois fois il tua les gredins qui l’assaillaient.
Dalila :
Comment peux-tu dire « je t’aime », alors que ton cœur
N’est pas avec moi ?
Samson :
            Tu me presse chaque jour,
Cela m’exède. Voilà, je t’ouvre mon cœur.
Mais avant je voudrais...
Dalila :
Dépêche-toi, fais plus court !
Samson :
Le rasoir n’est jamais passé sur ma tête.
Si on me rase, la force quittera mon être.
Le conteur :
Etait-il aussi bête ? L’histoire ne le dit point,
Je crois plutôt qu’elle lui avait fait boire du vin.
Et ainsi, elle endormit Samson dans ses bras...

DANSE : Avec le sabre, Dalila rase Samson.
Pendant ce temps, on amène les colonnes en fond de scène.
(Variante sans danse : « Puis elle fit venir les princes des Philistins,
Qui le rasèrent, et la force se retira De lui. Alors, »)

Le conteur :
(Après cela), les Philistins saisirent Samson,
Ils lui crevèrent les yeux, l’emmenèrent à Gaza
Et le mirent à tourner la meule dans la prison.
Le philistin :
Samson, l’amour t’a rendu aveugle pour de bon !
Samson :  
Toi, ce qui te perdra sera ta trahison !
Le conteur :  
Peu à peu ses cheveux repoussaient. Puis un jour...
Le philistin :     
Nous organisons une grande fête en l’honneur
De notre dieu Dagon. Allez, viens, Samson,
Pour nous divertir. Il y a dans la maison
Tous les princes des Philistins et tous leurs gens,
Qui viennent pour regarder les jeux du géant...
Le conteur :
Il se trouva placé entre les colonnes
Sur lesquelles reposait tout l’édifice.
Il posa une main sur chacune des colonnes,
S’arc-bouta et les poussa sans artifice.
(Samson fait écrouler les colonnes, puis lui-même « s’écroule » lentement...)
Enfin, la maison s’écroula sur tous les gens
Qui se trouvaient là. Ceux qu’il tua en mourant
Furent plus nombreux que ceux qu’il tua vivant.
Son corps fut enterré en terre de Canaan.

Epilogue (facultatif)
(Noir sur la scène, projecteur sur le conteur pendant que Samson sort et qu’on retire les colonnes brisées)
Donadieu : Dalila a bien tiré son épingle du jeu !
Le conteur : Nul ne sait ce qu’elle devint ensuite, mais, euh,
Ce dont on est certain, c’est qu’elle ne fit long feu...
Donadieu : Et qu’elle n’emporta pas son argent dans les cieux !

5 - LA REINE DE SABA, l'intrigante
Personnages : Le conteur, un Garde, Salomon, Première et Deuxième femmes, la reine de Saba.
Accessoires : épée, poupon, siège.

Le conteur :
Lorsque le bon roi David mourut, il laissa
Un empire uni et puissant, dont les richesses
Etaient convoitées par les Egyptiens de Râ
Au sud, et par les avides Syriens au nord-est.
Mais son deuxième fils, Salomon, fit tuer
Son frère aîné le bel Adonias, grand guerrier,
Et il resta donc ainsi le seul héritier.
Il conclut des alliances pour garantir la paix,
En épousant une princesse égyptienne, et puis
Plusieurs autres princesses... Des reines, des Ranis...
(DANSE...)
Le Garde :
Mon roi, ces deux femmes quémandent un jugement...
(se tournant vers les femmes, en les faisant entrer)
Exposez votre cas respectueusement...
La première femme :
Majesté, nous vivons dans la même maison.
Vois mon enfant plein de vie et dit qu’il est mien :
Cette femme veut me le prendre, contre toute raison.
La seconde femme :
Majesté, cette femme ment ! Ce n’est pas le sien !
Son propre enfant est mort, elle les a échangés
Pendant mon sommeil. Qu’elle me rende mon bébé !
Salomon (dégainant son épée) :
Je vais couper cet enfant en deux et donner
La moitié à chacune. Ce jugement vous plaît ?
La première :
Cela est juste, j’accepte !
La seconde (se jetant aux pieds de Salomon) :
Non ! Non, Pitié,
Je préfère encore que tu donnes mon bébé
Vivant à cette femme, mais qu’il reste vivant !
Salomon :
Oh ! Alors c’est à toi que je donne l’enfant,
Toi qui voulais qu’il vive, car tu es la vraie mère.
Gardes, chassez de mon palais l’autre mégère !
La seconde :
Louange à toi, Majesté, que ta grande sagesse
Soit universellement connue, ta sagesse
Surpasse celle de tous les fils de l’Orient !
Bénis sois-tu, toi le monarque intelligent !
Le conteur :
Ainsi, la sagesse de Salomon devint
Légendaire. Son renom, la diplomatie
Ainsi que le commerce amenèrent à lui maints
Visiteurs étrangers. Une visiteuse amie
Fut la reine de Saba, jouant de séduction
Envers Salomon pour le compte de Pharaon.
Elle séduit Salomon mais, femme de mauvaise foi,
Elle-même fut séduite par le grand roi.
Salomon s’asseoit à cour, les deux mains majestueusement posées sur le pommeau de l’épée.
DANSE
Entrée de la reine de Saba.
Saba (en aparté) :
En tant qu’espionne, j’ai bien raté ma cible !
(à Salomon) : Notre grand amour est un amour impossible,
Car le peuple de Saba réclame sa reine.
Je repars dans mon pays lointain avec peine.
Salomon (essayant de la retenir) :
La raison du cœur ne connaît pas la raison...
Le garde :
Après cette séparation, le roi Salomon
Devint peu à peu cupide et tyrannique
Et fit travailler les esclaves à coups de trique.
Le conteur :
Le Peuple de Salomon se demanda si
Hervé Donadieu l’avait abandonné, si
Le vieux barbu voulait encore le punir.
Toujours est-il qu’il fut dispersé dans l’empire...
 

6 - CLEOPATRE, l'impériale
Personnages : le conteur, César, Cléopâtre, le chambellan, Apollodore, Ptolémée.
Costumes : César toge rouge, Chambellan toge bleue, Ptolémée veste or. Accessoires : table avec une coupe de fruits et un parchemin, glaive. Le siège de Ptolémée peut être un gros ballon.
Le rôle de Ptolémée, très jeune, peut être tenu par une femme.

Le conteur :
L'Egypte était devenue vassale de Rome et
Le grand César décida d’aller visiter
La très puissante reine du Nil, Cléopâtre,
Fabuleuse souveraine au teint d’albâtre,
Qui gouvernait avec son frère Ptolémée.
Lorsque les galères romaines sont arrivées
A Alexandrie, alors que César s’attendait
A être reçu en grandes pompes, c’était
Jour de marché. Le jeune pharaon Ptolémée
Regardait tout cela de devant son Palais.
(Noir sur le conteur, Le chambellan et Ptolémée entrent à jardin, les romains à cour)
Danse (le marché).

Le chambellan (à Ptolémée) :
J’ai fait installer ce marché non par hasard,
Mais pour avoir le privilège de voir César
Se battre glaive au poing pour se frayer un passage.
Marcellus :
Soldats, sortez vos glaives de vos paquetages !
César :
Non, non, Marcellus, puisque c’est jour de marché,
Marchons en faisant nos emplettes jusqu’au palais.
Rengainez vos glaives et montrez bien votre argent.
Ptolémée :
Tu as dit que les romains mettraient la foule en colère !
Le chambellan :
Les romains sont des dégénérés, mais puissants,
Ils sont imprévisibles : les marchands les vénèrent...
César  (à Ptolémée) :
Au nom du sénat romain, je salue le roi
Ptolémée et sa sœur Cléopâtre... Mais quoi ?
Où est Cléopâtre ? Pourquoi n’est-elle ici ?
Ptolémée :
La guerre civile a déchiré notre pays.
Cléopâtre a tenté de me tuer, je l’ai
Chassée dans le désert. Là, elle est décédée.
Le chambellan :
En vérité, on ne sait pas si elle est morte...
Tu devras nous aider, c’est une femme...
César :
                        ... Forte !
Qu’on loge et nourrisse convenablement mes hommes.
Pour moi-même, je demande un appartement
Dans le palais. Et à manger, car j’ai la dent !
Ils sortent à jardin. En coulisses, César fait le tour.
Le conteur ou voix off :
Le soir venu, une petite embarcation
Glissait lentement sur le canal, sans bruit,
Longeant le palais avec grande discrétion.
Un peu plus tard, un serviteur de César lui
Annonça qu’un visiteur était arrivé
Par un passage secret et lui amenait
Un présent de la part de Cléopâtre, sa reine.
Le conteur sort pendant que César rentre à cour.
César :
Eh bien, qu’attendez-vous ? Allez, qu’on me l’amène !
César prend un glaive. Entrée d’Apollodore, portant le tapis à plat sur ses bras,
Ou le trainant (trouver un effet comique)...
Apollodore :
Je dois remettre ce présent au grand César,
A lui seul ! Je dois être sûr que c’est toi, car...
César :
Oui... Un tapis ! Pourquoi le portes-tu ainsi,
Au lieu de le jeter sur l’épaule, ce tapis ?
Apollodore :
C’était moins confortable.
César :                 Pour toi ou le tapis ?
Pose le... (il approche le glaive pour couper l’attache)
Un tapis ! Jamais je n’aurai cru...
Apollodore :
N’approche pas ton glaive, César, car ce tissu
Est fragile. Je vais le dérouler pour toi.
César :
Tourne-le d’abord.

Apollodore :
            Mais, César, il est à l’endroit.
César :
Dis-moi, dois-je le retourner avec mon glaive ?
Apollodore :
Non, non...
César s’empare du tapis et le déroule. Cléopâtre roule au sol.
Apollodore :
     ... Salut ô Cléopâtre, issue des rêves,
Divine par Horus, Râ et Osiris, fille
D’Isis, sublime reine de haute et basse Egypte.
César ( à Apollodore, lui tendant le parchemin) :
Tiens, tu vas faire préparer un appartement
Pour ta reine...
Cléopâtre (à Apollodore) :
Reste où tu es.
(à César) :         Ne donne pas d’ordres à mon ilote.
C’est ici mon palais, tous les appartements
Sont à moi. Disons plutôt que tu es mon hôte.
César (ironique) :
Bien aimable !
Cléopâtre :
            Mes caméristes ont dû déjà
Sortir de leurs cachettes et m’attendre là-bas.
César :
Cela m’étonnerait : il y a des gardes
A toutes les grilles, armés de hallebardes.
Cléopâtre :
Il y a grilles et grilles.
César :
                         Oui, bien sûr. Tu me
Feras visiter... Et pas en visite posthume !
Cléopâtre :
Grand merci, Apollodore, tu peux disposer.
(Apollodore sort)
César :
Heureux que tu ais su que je t’ai convoqué.
Cléopâtre :
Je n’ai rien reçu de tel. Et je suis surprise
Que tu crois que j’y aurais répondu. La crise
Que subit le pays ne m’a pas rabaissée...
César :
Le voyage ne t’a peut-être pas fatiguée,
Dans ton tapis magique. Moi j’ai eu une journée
Epuisante. Je...
(il s’approche de la table et va prendre un fruit)
Cléopâtre :
        César, tu t’es mis dans une...
Terrible situation... Laisse cette prune !
A ta place, je ne mordrais pas dans ce fruit :
Il est sûrement empoisonné et suri.
Crois-moi, c’est en moi que tu dois avoir confiance...
Si pour moi tu affectes de l’indulgence,
César, est-ce parce que tu es plus âgé ?
César :
J’ai l’âge de l’expérience, jeune effrontée !
Cléôpâtre :
Sur le trône d’Egypte, tu dois me faire remonter :
Je veux le pouvoir pour moi seule... Et tes armées.
César :
Je souhaite juste mettre fin aux fatigantes
Disputes entre ton frère et toi. Et pour l’instant,
C’est lui qui gouverne, au moins dans ce palais.
Cléopâtre :
Serais-tu stupide ? Il tient les murs, moi j’ai...
Le peuple ! Fais-moi reine et Rome bénéficiera
Des richesses de l’Egypte dans la paix de Râ.
César :
Tu es présomptueuse, toi qui n’as qu’un esclave
Et un joli tapis roulé pour tout bagage !
Cléopâtre :
Maintenant je t’ai, toi, César. Et mes armées...
César :
Ah oui, tes armées : tu ne peux pas les payer !
Bien... Dans un jour ou deux, nous pourrons reparler,
Maintenant il est l’heure d’aller se coucher.
Cléopâtre :
César, ne te moques pas du pouvoir d’Isis.
Je te dis que les gens sont avec moi ; pour eux
Je suis réellement la vraie déesse Isis
Et je vais te le prouver : ouvre bien tes yeux !
(Elle frappe dans les mains, musique, entrée des danseuses).
Non, ceux qui entrent ne sont pas de tes gardes,
Désires-tu te divertir ? Alors, regarde !
DANSE
Epilogue
Le conteur :
La beauté dévastatrice de Cléopâtre
Fit trembler le seigneur romain qui, comme du plâtre,
Vit sa volonté s’effriter dans une relation
Sulfureuse, faite de pouvoirs et de trahison.
La reine en mourut, César en fut la poire,
Et cette rencontre changea le cours de l’histoire.

7 - SALOME, l'enviée
Personnages : Narraboth, Salomé, Jokanaan, Hérode-Antipas, Hérodiade.
Costumes : même costume pour la Salomé-actrice et la Salomé-danseuse.
Accessoires : une épée de théâtre (Narraboth), une bourse, tête en plastique, perruque de Jokanaan qu’il mettra sur la tête de plastique, grand carton figurant la citerne.  
Nota : Salomé est la fille d'Hérodiade, mais pas d'Hérode avec qui Hérodiade est remariée. Jokanaan le prophète reproche ce remariage à Hérodiade.

(Jokanaan est enfermé dans une citerne. Narraboth, chef des gardes, le surveille)
La voix de Jokanaan :     
Le messie est proche d'ici, le messie est né
    Moi Jokanaan, dans le fleuve je l'ai baptisé...
Narraboth :
Tais-toi, il est inutile de crier si fort
Plus personne ici n'entend ta voix de stentor.
Crois-moi, tu resteras longtemps dans cette citerne :
Le roi Hérode a lui-même ordonné ta peine...
Silence, quelqu'un vient... C'est la femme que j'aime...
Jokanaan :  Je reconnais ce pas gracieux... La femme que j'aime...
(Entrée de Salomé.)
Salomé :
Narraboth, toi le plus courageux des gardes,
Laisses-moi approcher ce prisonnier, regarde...
(Elle lui donne une bourse. Narraboth fait tinter les pièces puis fait entrer Jokanaan)
Jokanaan :
Salomé, même toi ne pourras me délivrer.
    De ce trou il est impossible de s'enfuir...
Salomé :
Sauf si d'Hérode j'obtiens ta liberté.
    Pour cela, je dois arriver à le séduire...
(Hérode et Hérodiade entrent. Les apercevant, Narraboth repousse Jokanaan dans la citerne)
Jokanaan :
Hérodiade, repents toi car tu as pêché !
Hérodiade :
Hérode, fais le taire, fais le exécuter,
    Je ne peux plus entendre de tels quolibets !
Salomé :
Mon roi, pour qu'il se taise, fais le libérer !
Hérode :
Hérodiade, je ne peux pas le condamner,
Salomé, je ne peux non plus le libérer.
Oublie-le, comme s'il n'avait jamais existé.
Ta beauté mérite mieux que ce va-nu-pieds !
Danse pour moi, danse pour nous tous et tu auras
Tout ce que tu voudras...
Hérodiade (furieuse) :
        Quoi, tout ce qu'elle voudra ?
Salomé (l'air enjoué) :
Tout ce que je voudrai ? Tout ? Tu me le promets ?
Hérode :
Si ta danse me plait...
Salomé (sortant) :    
        Je vais me préparer...
(Elle sort, entrée Salomé-danseuse du même côté.
-DANSE-. La danseuse sort, puis l'actrice revient)
Hérode :
Je suis subjugué...
Salomé :
        Ma récompense, maintenant :
    Ce que je te demande, c'est Jokanaan...
Hérode :
Demande-moi un palais, de l'or, de l'argent,
Mais je ne peux pas te donner Jokanaan
Hérodiade :
Courage, mon époux, fais-lui donner la tête
    De ce pauvre fou, car ce n'est qu'un faux prophète.
Hérode :
Ainsi soit-il... Narraboth !
Salomé :
            Non, je vous en prie !
Hérodiade :
Garde, tu as entendu le roi, obéïs !
(Narraboth sort son épée et sort, puis revient avec la tête de Jokanaan qu'il donne à Salomé)
Salomé :
Ciel, qu'avez-vous fait ? C'était l'homme que j'aimais !
(Salomé embrasse la tête sur la bouche)
Hérode :
Quelle horreur, embrasser un mort, c'est une démente !
    Garde, tu as tué cet homme, tue son amante !
(Narraboth tue Salomé)
Narraboth :
Qu'ai-je fait ? J'ai tué Salomé, celle que j'aimais !
(Narraboth retourne son épée contre lui et se suicide. Hérodiade s'empare de l'épée)
Hérodiade :
Ce n'est que le prophète qu'il fallait tuer.
    A cause de toi, ma fille chérie est morte !
(Elle tue Hérode)
Hérode (tombant) :
Hérodiade, ma reine, crois-tu être si forte ?
    La prophétie était donc vraie ! Sois maudite ! (il s'écroule)
Hérodiade :
Je suis régicide ! Il faut que je me suicide !
    D'horreur, de fureur et de peur je suis ivre...
(Elle pointe l'épée sur son ventre, hésite, puis jette l'épée sur Hérode)
    Après tout, pourquoi mourir ? Je peux vivre... Libre !
(Elle esquisse gaiement un pas de danse. Dans un dernier sursaut, Hérode prend l'épée et la tue, puis retombe). NOIR.

8 - LORELEI, la sirène
(Tableau adaptée du roman « Minoutorou », du même auteur)
2/3 acteurs, dont 1H : Obolan, Shéhérazade, la sirène
Obolan :
Shéhérazade, que me contes-tu ce soir ?
Shéhérazade :
Ce soir, ce sera une bien étrange histoire
Qui ne se passe pas dans notre chaude contrée.
Le voyageur Bih-Goudy me l'a racontée
Quand il est revenu du lointain Pays Blanc...
Obolan :
Hein, te moques-tu ? Je suis l'Emir Obolan,
Fils du sultan Dinith ! Son histoire, je la connais !
C'est à l'ouest, au Pays Vert qu'il est allé,
Où les gens parlent une langue incompréhensible...
Shéhérazade :    
Mais Bih-Goudy a traduit l'intraduisible,
Quoique je le soupçonne d'avoir modifié...
Obolan :    
Qu'importe ! Aujourd'hui, c'est moi qui vais raconter,
Je t'accorde un sursis, tu peux te reposer.
Shéhérazade :    
Après mille et une histoires, j'ai bien mérité
Des RTT ! ...Ne me fais pas exécuter !
Obolan :    
Laisse moi dire ce conte, et je t'épouserai...
(Shéhérazade s'incline et s'écarte, Obolan se place au centre)
"Ich weiss nicht was soll es bedeuten, dass ich so traurig bin
Ein märchen aus alten zeiten kommt mir nicht aus dem sinn..."
Quoi ? Ah oui, pardon, cela c'était la V.O. !
La version de Bih-Goudy, c'est plus rigolo...
    
Je ne sais pas ce qui m’arrive, pourquoi suis-je si triste,
Un conte des anciens temps ne me sort pas de l’esprit.
Imaginez le fleuve, l’Indrar, cerné de hauteurs,
Et là, sur un rocher, allongée : la Laurel-Ail.
(Entrée de la sirène en arrière-plan)
Elle peigne sa chevelure d’or avec un peigne d’or
Et chante en même temps :
(la sirène chantonne : "Il était un petit navire...")
elle chante comme moi je baille.
Le batelier s’est mis à écouter ce chant si singulier.
Il ne voit pas les écueils, où il vient s’écraser.

Las, il eut beau se débattre, homme et navire furent noyés.
Voilà ce qu’avec son chant, la Laurel-Ail a fait.
Vous ! Vous ! Qui croyez trouver l’anneau de la Belle Lune,
Méfiez-vous des sirènes : il en reste encore une !
DANSE (la sirène)

9 - ESMERALDA, la généreuse
Personnages : plusieurs gitanes, Gringoire, Esmeralda, Phoebus, Frollo, le tavernier. Costumes : . Accessoires : "grimoire" et plume pour Gringoire, poignard pour Frollo...

Deux gitanes lisent les lignes de la main. Gringoire entre...
Gringoire :
Bonsoir mesdames, c'est pour vous parler que je viens...
Gitane 1 :
Tiens, voilà Gringoire, ce grand idiot d'écrivain !
Gitane 2 :
Si Esmeralda ne t'avait pas épousé
    Pour te sauver, tu serais mort à l'heure qu'il est !
Gringoire :
As-tu vraiment cru que je vous espionnais ?
Non, à propos des tsiganes, je me demandais
    Pourquoi un peuple qui possède tant de talents
    Ne s'est pas réuni pour devenir puissant...
Gitane 1 :
Ne crois pas que nous n'avons pas su réaliser
Notre unité. Non, nous avons su préserver
Notre diversité.
Gitane 2 :
            Et notre liberté !
    Vois-tu, nous avons conquis le Monde Entier.
    Regarde Esméralda, qui se prépare à danser :
    Elle va mettre tout Paris à ses pieds.
Gringoire :
                      Je sais...
Danse d'Esméralda
(La danseuse sort. Cris, bruits de combat, le tavernier apporte une chaise, entrée de Phoebus de l'autre côté)
Phoebus :
Tavernier, apporte moi à boire, s'il te plait !
En attendant la belle que j'ai délivrée.
Le tavernier :
Vous êtes le chevalier Phoebus, celui qui a
Sauvé Esmeralda ?
Phoebus :     
            Je suis bien celui-là.
Le bossu est d'une force colossale,
Je suis éreinté, il m'a donné bien du mal.
Le Tavernier :
Quasimodo est-il fou ? Que lui a-t-il pris ?    
Phoebus :
En tous cas, il est condamné au Pilori.
Pour ma part je pense qu'il est plutôt à plaindre.
Il m'a avoué que c'est sur ordre du diacre
Frollo qu'il a tenté ce triste enlèvement.
Enfin, j'ai maintenant un rendez-vous galant.
Je suis heureux de connaître ainsi la danseuse,
Car elle m'a dit être tombée amoureuse...
(entrée d'Esméralda)
Esmeralda :
Beau chevalier Phoebus, vous m'avez attendue !
Excusez moi, je donnais à boire au bossu...
(Frollo a suivi Esméralda et s'approche de Phoebus par derrière)
Phoebus :
Il tente de vous enlever et vous avez pitié ?
Esmeralda :
A Paris, ne connait-on pas la charité ?
    Mais... Attention !
Frollo (poignardant Phoebus) :
C'est vrai, j'agis par jalousie.
Je n'y puis résister. Peut-être serai-je damné,
Mais tu seras mienne.
Esméralda :     
        Jamais !
Esméralda tente de soutenir Phoebus et prend le couteau)
Le Tavernier :
            Frollo, c'est vous qui...
Frollo :
Non, voyez, c'est cette diablesse, sans doute payée
Par les truands de la Cour des Miracles !
Esmeralda :
C'est faux !
    Comment pourrais-je tuer un homme aussi beau ?
Frollo :
Qui croiront les soldats : l'archidiacre de Paris
Ou la gitane qui dansait sur le parvis ?
Mais tu as encore une chance de sauver ta vie,
Viens avec moi : la cathédrale sera ton asile.
(Frollo emmène Esméralda de force. Bruitage : cloches. De l'autre côté, Gringoire arrive)
Le tavernier :
Il l'emmène dans Notre-Dame... Je vais avertir
tous les mendiants pour qu'ils délivrent votre amie !
(Il sort. Gringoire examine Phoebus)
Gringoire (les yeux au ciel) :
Pourquoi est-ce les amoureux que tu accables ?
Pourquoi t'acharnes-tu sur les misérables ?
Donadieu :
Faux : "Les misérables", c'est un autre roman...
Gringoire :
Ne fais pas de mauvais esprit, toi qu'on dit franc !
Donadieu :
Oh ! Ce n'est qu'un peu d'humour... Mais c’est la haine
Et la cupidité qui ont formé la graine
A l’origine des malheurs de tes personnages.
Le serpent est comme moi, il n’a pas d’âge.
C’est notre rivalité qui fait l’humanité :
L’extirper de vos âmes serait tout aussi mauvais
Car sans malheur il n'y aurait pas de bonté
Gringoire :
Et sans laideur il n'y aurait pas de beauté...
(entrée des gitanes)
Gitane 1 :
Nos amis ont ouvert les portes de la tour.
Frollo a été tué, c'est Quasimodo
Qui l'a poussé depuis le sommet de la tour.
    Le pape des fous protège la belle, c'est beau !
Gitane 2 :
Que fais-tu, viens nous rejoindre, Gringoire,
Cesse donc de toujours écrire dans ton grimoire !
Aide-nous à porter ce corps sans le laisser choir
Et rejoignons la troupe pour fêter la victoire !
(Noir. Ils sortent en emmenant Phoebus et la chaise)
DANSE (Ghawazi ou tzigane)


10 - JULIETTE, la lolita
Personnages : le conteur, Roméo, Juliette, Mercutio. Costumes : veste or pour Roméo, robe princesse pour Juliette, toge « gothique » pour Mercutio. Accessoires : masques vénitiens, fiole, poignard de théâtre.

Le conteur :
L’Italie évoluait, les siècles passaient.
Si les cités restaient rivales, à l’intérieur
Même des villes, des familles s’entre-déchiraient.
Parfois on ne savait plus pourquoi la guerre
Opposait deux familles, mais elles étaient en guerre.
Il en était ainsi hélas à Vérone
Des Capulet et des Montaigu, se battant
Jusque sur la place publique en duels affreux.
DANSE : (affrontement des deux bandes rivales.)

Le conteur : (pendant que Mercution et Roméo entrent à jardin)
Vous savez comment sont les Italiens. Vérone
N’était pas loin de Venise et c’était le temps
Où, mêlant jeux dangereux et jeux amoureux,
On fêtait carnaval, déguisés et masqués.
Mercutio :
Au carnaval, ohé ohé, le jeune Roméo
Etait donc masqué. Après avoir bien dansé,
Nous cherchions nos chevaux pour quitter le Prado.
Dans le parcage où étaient Pégase et Alfa,
C’est une jeune fille, masquée aussi, qu’il trouva.
(Juliette entre à cour)
Roméo :
Ah ! Jeune fille, avez-vous vu mon Alfa ?
Juliette :
Que nenni, beau prince, mais... Vous partez déjà ?
Roméo :
Pour vous, princesse, je veux bien partir en goguette !
Juliette :
Chouette ! On s’entend déjà très bien ! Je suis Juliette.
Roméo :
Moi, devinez : c’est un prénom de séducteur...
Juliette :
... Peut-être Roméo ? ça ne me fait pas peur...
Roméo :
Vous avez trouvé, cela mérite un baiser !
Juliette fait mine de s’enfuir en courant, Roméo la rattrape. Il lève le bas de son masque et celui de Juliette et lui vole un baiser.
Mercutio :
Roméo, quelle fougue montres-tu dans tes frasques
De la jeunesse ! Un vrai étalon d’Italie !
(En aparté)  Que vois-je ? Juliette lui rend son baiser : je m’éclipse.
(Il sort à reculons. Un jeu exubérant de Roméo peut être très comique.)
Roméo :
Juliette, je me sens comme emporté sous mon masque
Par une puissante et irrésistible vague d’amour.
(Ils enlèvent leurs masques.)
Juliette :
Tu es de Vérone ! Comme tu es beau, Roméo !
Roméo :
Comme tu es bête, Juliette (Elle le gifle) ; pardon, tu es belle,
Tant pis pour la rime !
Juliette :
                Quel esprit ! Tu as du sel !
Ce prodigieux amour auquel je viens de naître...
Roméo :
Ses ailes légères me porteront à ta fenêtre...
Juliette :
Il ouvre mon cœur à des horizons lointains...
Roméo :
Et d’un grand feu ardent il embrase le mien...    
Mais, comment sais-tu que je suis de Vérone... Mais...
J’ai peur de reconnaître... Es-tu une Capulet ?
Juliette :
Qu’importe ma famille et si mon père est riche ?
Roméo :
Il a fallu que d’une Capulet je m’entiche !
Que l’amour dégouline sur nous comme d’une fontaine,
Alors qu’entre nos familles sévit cette haine...
Juliette (langoureuse) :
Oui, l’amour nous arrose comme jailli d’une fontaine ,
Il sera plus fort qu’entre nos familles la haine...
Juliette réalise ce qu’elle vient de dire et a un mouvement de recul.
    La haine ! Qui es-tu ?
Roméo :
                Un Montaigu !

Juliette (dans un deuxième recul) :
        Impossible !
Roméo l’attrape et la rapproche de lui.
Roméo :
Moi, je crois que notre amour sera invincible !
Peut-être même pourra-t-il ramener la paix.
Remettons nos masques, jurons-nous fidélité.
Juliette :
Quel rêve, ramener la paix entre nos familles...
Nous le ferons, même si cela n’est pas facile.(Ils remettent les masques.)
Dansons, pour fêter cette rencontre inespérée !
Ils sortent d’un pas léger et dansant. Facultatif : Entrée des danseuses...
Le conteur :
Las, la haine qui divisait leurs familles était
Plus forte que leur amour. Ils se marièrent
Quand même, car Juliette qui était pubère
(Juliette et Roméo reviennent après avoir laissé les masques en coulisses)
Se croyait enceinte et exigea le mariage.
Juliette :
Tu m’as fait un petit Montaigu-Capulet,
Il faut donc nous marier, même si on n’a pas l’âge.
Roméo :
Chérie, crois bien que je veux vraiment t’épouser,
Mais je pense que pour échapper à notre sort,
Il vaudrait mieux qu’on se fasse passer pour morts.
Juliette :
Le curé donnera une potion qui endort,
    Mais je désire que nous nous marions d’abord...
Ils se dirigent vers les coulisses. Changement de lumière.
Roméo sort, Juliette prend une fiole, revient et débouche la fiole.
Juliette :
Bien, je vais en prendre une bonne dose, et ainsi
Le curé pourra faire une belle cérémonie...
Elle boit puis se couche au sol.
J’espère qu’il n’a pas mal dosé sa potion,
Car sinon, nous trépasserions pour de bon...
Juliette s’endort. Roméo revient, affolé.
Roméo :
Le curé s’est trompé, pourvu qu’elle n’ait pas bu...
Malheur ! Ma belle Juliette n’a pas survécu !
Que je meure aussi !
Il plante son poignard dans sa poitrine, tombe au côté de Juliette, a quelques soubresauts puis s’immobilise. Juliette se relève, examine Roméo, le poussant du pied, puis elle se baisse et voit le poignard...
Juliette :
             Me réveilles-je trop tard ?
Si mon amant est mort, je me tue à mon tour.
(Elle prend le poignard, regarde puis lève la lame)
Notre sang mêlé, nous serons enfin unis.
Ce monde ne mérite plus que j’y reste en vie ;
Avant d’expirer, je lance ce dernier cri :
If he not to be, I will not to be aussi !
Elle se plante le poignard à son tour et se laisse tomber avec fracas sur le corps de Roméo.
Le conteur : (s’avançant en avant-scène)
On peut dire que c’est une fin qui ne fait pas rire,
Normal, l’auteur s’appelait... « Je décède... » Non, « J’expire !»


11 - ROXELANE
(Tableau adapté de la pièce « 1521 – Soliman et Roxelane » du même auteur)
Le conteur, Roxelane, Anna-Sophia, Hafsa, Eunuk, Mahidevran, Soliman, Selim II

Le conteur (sur fond musique de Starwars) :
L’empire voulait étendre son égémonie
Sur le Monde. Mais une esclave éprise
De liberté, par la force du charme et
De la ruse, réussit à séduire l’empereur.
Il s’agit de Roxelane, qui fut présentée
A Soliman le Magnifique, un roi de cœur...
L’histoire se passe dans un pays pas si lointain :
C’est à Istanbul, en quinze cent vingt et un...

Roxelane :
    Anna-Sophia ! petite soeur ! Et moi qui ai cru
Ne plus vous revoir. Petite sœur, que deviens-tu ?
Anna-Sophia :
    Mon éducation est terminée aussi, et
    Mon avenir est tracé, car j’ai décidé
    De me convertir à l’Islam...
Roxelane :    
                Qu’est-ce que tu dis ?
Anna-Sophia :
    Je dis que je veux devenir une femme libre.
    Ibrahim Pacha m’a demandée en mariage,
J’ai accepté.
Roxelane :    
            Tu renies notre père, j’enrage !
Que reste-t-il de notre jeunesse ? Souviens-toi...
Anna-Sophia :
Il a un côté félin, même s’il est « pas chat »
Roxelane :    
Ton humour à deux roupies, merci ! Réponds-moi !
Anna-Sophia :
    Je pense à mon avenir, mais qu’est-ce que tu crois ?
    Je me souviens très bien. L’église, les fêtes, les danses :
    Tout cela me semble revivre quand j’y pense...

-------------- DANSE RUSSE ---------------
Roxelane :
    Que c’est drôle ! Tu es bien essouflée, dis-moi !
    ... C’est moi qui t’avais appris cette danse-là...
    Oui, te souviens-tu de notre complicité ?
    Je jouais de la guitare et toi tu dansais...
Anna-Sophia :
Tu chantais bien aussi... J’en ai les larmes aux yeux.
Notre belle enfance... Doit-on lui dire adieu ?
Quand j’ai su que tu partais au harem, alors
    Je me suis demandée si je te verrais encore.
Roxelane :
    Dans le harem, je serai toujours prisonnière :
    Je ne veux pas renier les croyances de nos pères.
(Hafsa entre, suivie de deux servantes...)
Hafsa
(à Anna-Sophia) : Il suffit. Bon, maintenant, vous devez partir.
(à Roxelane) :  Demain, la journée sera longue, tu dois dormir.
    Pour que ce jour devienne un jour mémorable,
    Tu  devras vraiment tout faire pour être admirable.
Servante 1 :
    Mais nous, nous te baignerons et te vêtirons,
Servante 2 :
    Nous te maquillerons et te parfumerons.
Hafsa :
    L’empereur viendra le soir, après le dîner.
    Il  n’en choisira qu’une pour l’accompagner
Servante 1 :
    Et si tu arrives à avoir sa préférence,
Servante 2 :
Alors à toi de profiter de cette chance !
Roxelane :
    Ne vous en faites pas, je ne suis pas une vestale,
    J’imagine tout cela comme une danse orientale...
DANSE ORIENTALE
(Roxelane change de costume pendant la danse.  
Décor palais – appartements royaux. Eunuk entre, portant le couffin et le bébé)

Eunuk :
Roxelane a mis trois ans pour se convertir
    A l’Islam ! ... Elle devient ainsi une femme libre...
Soliman :
    Joyeux enfant ! Quel plaisir d’entendre ce rire :
    C’est plus reposant que de gouverner l’empire.
Hafsa :
    Il a assez joué. Maintenant, mon cher sire,
    Pour éviter une autre crise, il doit dormir.  
Roxelane :
Cette épilepsie m’inquiète. Bien que les docteurs
Soient optimistes, pourra-t-il être empereur ?
Soliman :
Mahidevran m’a donné un bon successeur.
Celui-ci, pour toi, pour moi, c’est l’enfant du cœur.
Hafsa :
Je m’en occupe. Bonne nuit.             (Elle sort en emportant l’enfant)
Soliman :
Nous voici seuls, ma mie
Acceptes-tu cette fois de partager mon lit ?
Roxelane :
Non.
Soliman :
Encore non ? Cela fait trois soirs...
Roxelane :
                          Oui, trois soirs,
    Et ce sera ainsi tous les soirs, jours clairs, jours noirs
    Seront pareils, jusqu’à ce que tu te décides...
    Souviens-toi, si je mens, que Dieu me trucide,
Esclave, prisonnière, je n’avais pas le choix ;
Celui qui a voulu me libérer, c’est toi !
Quand à ta demande je me suis convertie,
Je devenais une femme libre, tu l’as dit...
Soliman :
    C’est bien ce que j’ai dit, car tu es ma préférée.
Roxelane :
    Tu as voulu un enfant, je te l’ai donné,
    Mais mon âme éternelle, moi je veux la garder.
    En tant que femme libre je ne peux plus me donner,
Ce serait me mettre au ban de la Société :
    Si tu me veux encore, tu dois m’épouser.
Soliman :    
    Ton intelligence m’enrage et me charme
Tout à la fois. Ne baisseras-tu pas les armes ?
Roxelane :
    Jamais. Pourtant tu sais que mon amour est vrai.
Soliman :
    J’ai déjà deux femmes !
Roxelane :
                Eh bien tu en auras trois,
Je me contenterai d’être ta préférée !
    Aujourd’hui, c’est à toi seul de décider...
Soliman :               
         Soit.    
(Ils sortent à jardin – les danseuses entrent à cour et se placent)
DANSE MARIAGE (orientale : tambourins, sagates ou voiles...)
Anna-Sophia :
Soliman tint tête à l’Espagne et aux Anglais,
Istanbul s’est enrichie de grands monuments
Et l’empire s’étendait de l’Europe à l’Orient.
Mahidevran, première épouse, fut exilée.
Roxelane ne gagna pas sa liberté,
Mais avec deux de ses enfants assassinés,
Elle réussit là où toute autre eût échoué :
Que son quatrième fils devienne héritier...
(Elle recule, les fantômes la dépassent en avançant vers le public, Sinan s’écarte à cour)
Mahidevran :
    Ne dit pas qu’il m’a chassée, moi Mahidevran,
    Et qu’il a tué mon fils qu’il chérissait tant.
    Roxelane ! Roxelane ! Il était ton amant !
    L’amour pour toi aveuglait son raisonnement !
(Anna-Sophia sort à cour, arrivée lente de Selim II à jardin)
Roxelane :
    Tais-toi, c’est toi qui déraisonne ! Maintenant,
    Ecoute, Selim parle, mon fils, le nouveau sultan !
Si j’ai charmé son père, c’est que j’étais charmante.
Repose en paix, cessons cette mésentente...
Mahidevran :
Je trouve qu’il ressemble à Ibrahim, ton Selim...
Roxelane :
    Quoi ? De Soliman il est le fils légitime !
(Les fantômes reculent, Selim se place devant le pupitre : discours d’intronisation)
Selim II :    
Mon père Soliman fut un grand législateur,
Mais encor grand amoureux, homme de cœur.
Lui qui disposait de toutes les femmes de l’empire
N’en aima qu’une, la meilleure et la pire.
Rendons hommage à Roxelane, ma mère.
Elle a conseillé et assisté mon père ;
Etrangère, emmenée de force en Turquie,
De son plein gré notre peuple elle a servi.
Fleurissez la ville d’Istanbul en son honneur :
Grâce à elle, moi, Selim II, deviens empereur.
DANSE ORIENTALE (ailes d’Isis...)


12 - MUMTAZ MAHAL
 Ouf, enfin une qui finit bien ! C’est un tableau extrait et adapté de
« TAJ MAHAL, bollywood vs danses orientales » du même auteur.
Le conteur, Shah-Jahan, Arjumand Banu Begam

Le conteur :
Partons maintenant bien plus loin vers l’orient :
Voici l’histoire d’une Hindou et d’un musulman.
Leur  rencontre dans les eaux du fleuve sacré
Est sans doute à l’origine des contes de fées.
C’est la véritable histoire de deux âmes pures
Bravant le choc de leurs différentes cultures...
(Bruitage rivière et oiseaux. Arjumand entre dans l’eau. Shah-Jahan l’épie.)
Shah-Jahan :
    Quelle beauté ! Pardon, je me présente : Shah-Jahan.
    Et toi ? Mais reste dans ton bain, ma belle enfant.
Arjumand :
    Je n’en sortirai que quand vous serez parti :
    Je n’aimes pas qu’on me voit dénudée ainsi...
    Moi, je me nomme Arjumand Banu Begam
    Et je croyais cet endroit réservé aux femmes.
Shah-Jahan :
    Un empereur est chez lui à tous les endroits.
    Ton effronterie me plait autant que ta voix.
    Avec cette eau qui moule ton sari de soie,
    La grâce de ta féminité me laisse coi.
Arjumand :
    Oh ! Votre Altesse est poète à ses heures je vois,
    Il en faudra un peu plus pour me séduire, n’est-ce pas !    
    Je suis une indienne, vous, vous êtes un moghol,
    Alors je ne crois pas qu’entre nous ça colle.
Shah-Jahan :
    Depuis des jours je viens t’épier en secret
    Et je dis que mon coeur tu as fait chavirer.
Ecoute ce récit. Hiaré la porteuse d’eau
Portait deux cruches. L’une brillait et gardait son eau,
L’autre fuyait. Celle qui fuyait était honteuse.
« Pourquoi ne me remplaces-tu pas ? dit la gueuse,
Tu te fatigues à me porter pour rien. » Hiaré
Lui montra le chemin : « Regarde ton côté,
Comme grâce à l’eau que tu perds le chemin fleurit.
C’est à toi que ces fleurs doivent d’être épanouies. »
Arjumand :
Belle histoire ! Me comparez-vous donc à une cruche ?
Celle qui fuit ou celle qui brille comme une perruche ?
Sah-Jahan :
    A la plus utile, moi je suis la plus futile...
    Pardon, devant toi je deviens imbécile !
    Non, indien ou moghol n’a aucune importance.
    Je t’ai rencontrée, cela est une grande chance
Et je veux que toi, Arjumand Banu Begam,
Je veux que toi seule devienne ma femme.
Arjumand :
    Je vois, tout autour de toi, l’aura de l’amour,
    Tu es sincère...
Sah-Jahan :
Je le serai pour toujours.
Arjumand :
C’est la première fois que je vois un roi humain,
Alors pourquoi pas, même si tu n’es pas indien...
Le conteur :
Une histoire qui ne finit pas dans le sang,
Rare : ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants.
Trop peut-être : la mort emporta Arjumand
Lors de la naissance du quatorzième enfant.
Jahan fit construire un merveilleux monument,
Une immortelle larme sur la joue du Temps :
Le Taj Mahal, fabuleuse vision matérielle
D’un écrin de marbre pour l’Amour Eternel.
Danse orientale (par exemple mortuaire pharaonique ou avec chandelier)

13 - ROXANE, la romantique
Personnages : Le conteur, Cyrano, Christian, Roxane, Donadieu.
Costumes : Cyrano et Christian : capes, chapeaux, Roxane : robe longue.
Accessoires : nez, escabeau avec décor balcon, chaise "habillée".

Le conteur :
A la fin du moyen-âge, la culture
Italienne se répandit en France, culture
Induite par François Premier qui, ayant fini
De guerroyer avec les Anglois, repartit
Se battre contre les Transalpins, ramenant
Plein de souvenirs des campagnes d’Italie :
Inventions, tableaux, même Léonard de Vinci.
Certains bons Français, en seulement deux cents ans
Etaient devenus poètes et très cultivés,
Bien que restant toujours hâbleurs et combattants,
Tels Cyrano de Bergerac, un chevalier
Rayonnant sous les feux du Roy Louis Treize.
Mais très obsédé par la longueur de son neze...
Donadieu :
Ah ! oui, oui, le pauvre en était traumatisé !
Le conteur :
C’est pourtant Toi qui l’as fait, ce nez !
Donadieu :
                    Je me tais.
Le conteur :
... Il fut prêt à sacrifier l’amour de sa vie
Au profit du beau Christian, baron de Neuvil.
Entrée de Cyrano à jardin. Entrée de Christian à cour, il traverse la scène.
Christian :
Je suis beau, mais je manque quelque peu d’esprit.
Cyrano, mon ami, aide-moi à séduire
     Roxane avec quelques-uns de tes bons écrits !
Cyrano (en aparté) :
Il ne sait pas que je l’aime aussi, c’est le pire !
Il se rapproche de Christian.
Va à sa fenêtre feindre de réciter
    Les vers que de sous le balcon je soufflerais.
Ils commencent à marcher. Christian s’arrête brusquement au milieu de la scène. Arrivée de Roxane qui monte sur le balcon à cour.
Christian :
Roxane est belle, intelligente et précieuse
    Je crains que ma sottise ne la rende malheureuse.
Cyrano :
Unissons nos qualités, moi c’est de beauté
    Que je manque, à nous deux elle devra bien céder.
(Ils marchent vers Roxane, Cyrano se cache en dessous –siège-)
Christian :
Je vous aime...
Roxane :
        Vous m’aimez, mais encore ?
Christian :
                        Je vous aime.
Cyrano :
Christian, séduire Roxane demande certes qu’on l’aime...
Roxane :
Le discours est un peu court, vous m’habituâtes...
Cyrano :
A des mots plus spirituels et dits sans hâte.
Roxane :
Pour faire fondre mon cœur comme neige au soleil...
Cyrano :
Cette femme-là doit être saisie par les oreilles !    
Roxane :
Pardon ?
Christian :    
Rien, ce soir je parle comme une patate...
Cyrano :
Comme pour des soins de pédicure à un mille-pattes,
Il y faut patience et temps...
Roxane :
                Quoi ? Quelle est cette voix ?
Christian :
Rien, vous dis-je, je me parle seul...
Cyrano :
                    Répète après moi...
« Pour souffrir, puisqu’il m’en faut un autre, »
Christian :
Pour souffrir, puisqu’il m’en faut un autre,
Cyrano :
« Si vous gardez mon cœur, envoyez-moi le vôtre »
Christian :
Si vous gardez mon cœur, envoyez-moi... ?
Cyrano :
Le vôtre !
Roxane : Je t’ouïs mais je ne suis point sûre de t’entendre...
Christian : Tu m’ouïs ?
Roxane :         Oui, je jouis de t’ouïr tant ton verbe est beau.
Christian (A Cyrano) : Ne sent-elle pas que ces mots sont tiens, Cyrano ?
(Cyrano lui fait signe de continuer.)
    (A Roxane) Cela signifie que je demande votre main.
Roxane : C’est dit, nous pourrons unir nos vies dès demain.
(Noir à cour, ils sortent, lumière à jardin sur le conteur, pendant l’entrée des danseuses.)
Le conteur :Bien que le mariage fut célébré à Bastogne,
Il y avait là tous les cadets de Gascogne !
DANSE (illustrant le mariage.A la sortie des danseuses, on apporte l’arbre décor)
 
Le conteur : Ce sacré Donadieu, malheureusement,
Semblait tenir la promesse faite à Eve.
Affolée des lettres enflammées du baron,
La belle rejoignit les combattants sur le front.
Là, Roxane apprend à Christian que...
Roxane :
                     Si un temps
J’aimais ta beauté, mon véritable rêve
D’amour est celui de la beauté de l’âme,
J’aimerais l’auteur de ces lettres, même laid !
Christian :
Même laid ?
Roxane :
        Même laid !
Le conteur :
                   Christian allait tout avouer
Quand une balle, tirée d’un sale mousquet, l’a tué.
Cyrano, qui était le véritable auteur
Des lettres, sut que c’était bien lui qu’elle aimait,
Mais crut que le charme n’opèrerait jamais.
Devant le corps de son ami, il fit taire son cœur,
Laissant croire à la belle...
Roxane :
                Cyrano, ces écrits...
Cyrano :
Ils sont bien du baron dont le corps git ici...
(Cyrano et Roxane sortent ensembles. L’un des deux fait le tour en coulisses.)
Le conteur : Le brave chevalier mourut quinze ans plus tard,
Par un triste coup du sort, un bien mauvais soir.
Il rendait visite à Roxane en son couvent
De Sainte Marguerite, où elle s’était retirée.
A l’article de la mort, il a prononcé
Ces derniers mots, que rapportent monsieur Rostand :
(Roxane entre d’un côté, Cyrano de l’autre. Il s’appuie sur l’arbre.)
Cyrano : « Blessé dans une ruelle par un coup de bûche
Malencontreusement reçu dans une embûche... »
Roxane : Mais, vous saignez !
Cyrano :             « ...Même ma mort, je l’ai ratée.
Roxane : Je vous aime, vivez !
Cyrano :
            Non, car c’est dans le conte
Que lorsqu’on dit « Je t’aime » au prince plein de honte,
Il sent sa laideur fondre à ces mots de soleil...
Mais », dans la réalité, « tu t’apercevrais
Que je reste pareil. »
Roxane :
            Je veille sur ton sommeil,
    Va dans l’univers lunaire que tu as créé.
Transition : Noir, projecteur sur le conteur. Fond musical valse viennoise.

14 - SISSI, l'espiègle
Personnages : Sissi, Papili, François-Joseph, le conteur.
Accessoires : chapeaux tyroliens, fusil, tambourin, bretelles

Le conteur :
Puis plusieurs guerres, jusqu’en mil huit cent soixante dix,
Opposèrent la France à l’empire germanique,
Date où les Teutons prirent l’Alsace et la Lorraine.
Vers la fin du dix-neuvième, à Possenhofen
En Bavière, un seigneur que ses enfants appellent
Papili, cherchant une alliance sans querelle
Avec l’Autriche, avait promis sa fille aînée
La grande Magda, au jeune empereur François-Joseph.
Mais le charme de sa fille cadette, Sissi,
Bouleversa ses projets, car il éblouit.
(Arrêt musique, lumière.)
Sissi :
Papili, je peux t’accompagner à la chasse ?
Papili :
Si tu veux, mais laisse ton tambour ici, et passe!
Sissi :
Je serai sage, Papili, laisse-le moi ! (Ils marchent)
Papili :
Chut : voici une belle poule d’eau. Ne bouge pas !
Sissi  (Elle joue du tambour, puis) :
Oh ! Elle s’est envolée ! (Il tire) Trop tard, tu l’as ratée !
Papili :
Là, Sissi, je sais bien que tu l’as fait exprès !
    Je vais rentrer et faire de mon repas le deuil.
Maintenant, vas-t’en te promener toute seule !
Papili sort. Sissi fait un tour en gambadant, puis aperçoit François Joseph qui entre...
Sissi (en aparté) :
Oh ! Un beau jeune homme ! Il doit être en vacances
Dans les environs... S’il est perdu, j’ai une chance...
Je m’approche l’air de rien...
François-Joseph (à Sissi) :
    Pardon joli tambour,
Je suis en vacances par ici, je crois bien
Que je me suis égaré en faisant un tour.
     Pouvez-vous m’indiquer mon chemin ?
Sissi :
                     Le tambour,
C’est juste pour effrayer les oiseaux. Bour ! Bour !
Où voulez-vous aller ?
François-Joseph :     
Eh bien, au château de résidence d’été
De l’empereur d’Autriche.

Sissi :                 Je vais vous accompagner ! (ils marchent).
Vous y travaillez ou y allez en visite ?
François-Joseph :
Disons que j’y habite. Et que je vous invite,
Si vous désirez vous désaltérer ! D’accord ?
Sissi :
D’accord. Mais est-ce que vous connaissez l’empereur ?
C’est le fiancé de Magda, ma sœur aînée.
François-Joseph :
 Toi, sœur de Magda ? Tu es plus jolie qu’elle n’est !
Sissi :
Et vous, vous êtes plus joli que l’empereur !
François-Joseph :
Ah Ah Ah, merci ! Viens, jeune fille, joli cœur,
Tu auras une surprise...
Sissi :     
            Oh ! Des danseuses !
François-Joseph :
Et des très gaies, ce ne sont pas des pleureuses !
Si tu veux, je leur ordonne de danser pour toi !
Sissi :
Oh oui ! Oh oui ! Que c’est beau, j’en reste baba !
DANSE : (French Cancan ou autre)

Le conteur :
Cette rencontre bouleversa le monde, snif,
Car le jeune homme était bien François-Joseph
En personne. Les fiançailles avec Magda
Furent rompues et c’est Sissi qu’il épousa.
Lui et l’impératrice nageaient dans un bonheur
Parfait lorsque se produisit un grand malheur,
Peut-être encore suite à la malédiction
De ce sacré Donadieu qu’on dit pourtant bon :
Il fut interrompu par une main de spadassin
Qui tua l’impératrice. Ce vil assassin
Plongea à nouveau le monde dans le chaos.
A la suite d’une guerre éprouvante, Oh !
    Où la haine proliféra comme la gangrène,
La France récupéra l’Alsace et la Lorraine.


15 – CARMEN – la femme libre
Soria , Papy, José, Carmen, Escarmillo
Papy :
Quoi, quoi, Soria, tu es habillée en gitane ?
Soria :
Oui, Papy, je suis déguisée en Carmen !
Papy :
Carmen ! Eh bien, ce n’est pas un exemple à suivre,
Si l’on en croit ce qui est écrit dans ce livre...
Soria :
Pourquoi ?
Papy :
Je pense qu’elle ne devait pas être heureuse.
Soria :
Pourquoi ?
Papy :
Elle recherchait une chose merveilleuse,
Mais bien trop rare pour être trouvée.
Soria :
Hein ? C’est quoi ?
Papy :
La liberté ! Elle n’aimait que la liberté,
Cela a fini par la tuer... Si tu crois...
Soria :
Papy, raconte-moi son histoire... S’il te plait !
Papy :
C’était à Séville. José était un soldat,
Chargé de surveiller la fabrique de tabac
Où travaillait sa fiancée Michaela.
Lors de la pause, quelques femmes sortaient. Ce jour là,
Carmen était parmi elles. De ses yeux de braise,
Elle fit une œillade à l’homme, qui en fut fort aise.
Elle le trouvait mignon ! C’est vrai qu’il était beau...
Michaela n’a pas apprécié son manège
Et lorsqu’elles retournèrent au travail, sa colère
Violente éclata. Carmen sortit un couteau...  
DANSE (la bagarre)

Papy :
Toutes les femmes criaient : « Michaela est blessée !
C’est Carmen qui l’a fait ! Elles se sont disputées ! »
Soria :    
Et que devint Carmen ?
Papy :    
            Les soldats s’en saisirent.
José fut chargé de l’emmener en prison,
Mais tomba sous son charme et la laissa s’enfuir.
Soria :    
Alors ?
Papy :    
    Alors, c’est lui qui fut mis en prison !
Avec ses gitans, Carmen le fit évader...
Il est une chose que José ne put supporter,
C’est que la belle était volage. Quand il apprit
Qu’avec un toréador elle était amie,
Il se déguisa, vint en ville et attendit
A la sortie de l’arène. Et quand il les vit
(Entrée de Carmen et d’Escarmillo)
Bras-dessus bras-dessous, son sang ne fit qu’un tour !
(José bondit)
José :
Né t’approches pas dé Carmen, Toréadour,
C’est moi qu’elle aime !
Escarmillo :
Eh ! Yé souis Escarmillo,
Yé fais cé que yé veux ! Toi, qui es-tou, mon beau,
 Pour mé parler ainsi ?
José :
Don José* !
(* dans la partie avec accent espagnol, rouler les R mais surtout  bien prononcer tous les J comme la « rota »)
Escarmillo :
Don José !
Quel drôle dé nom ! Tou né préfères pas lé rouge,
Comme il sangre del toro, Ploutot ?
José :
Si tou bouges,
Yé té toue ! Né té moques pas, yé souis José,
Né m’appelles pas Ploutot : c’est lé Sien de Mickey !
Escarmillo :
Mickey ? Qui c’est céloui-là ?
José :
Ah ! C’est vrai, c’est vrai,
Nous sommes encore au siècle dernier, Walt Disney,
Il est pas encore né !
Escarmillo :
Pas encore né ?
José :
C’est toi
Qué yé voudrais voir encorné, par le taureau,
Dans l’arène !
Carmen :
Laisse-le ! Et laisse-moi aussi ! Laisse-moi,
Yé né t’aime plou !
José :
Si, tou m’aimes ! Yé t’aimes trop !
Partons en Amérique, pour oune nouvelle vie !
Carmen :  
No, tou es trop jaloux* !
Soria :
Papy, on dit « relou »,
Pas « ralou » !
Papy :
Non, José est jaloux, mon petit...
Carmen :  
Jaloux* comme oune tigre ! Et moi, pauvre fou,
Yé veux être oune femme libre, n’ai-je pas raissonn ?
José :
Carmen, Amour, viens avec moi, ou yé té toue !
Carmen :  
Yé préfère oune mort libre à la prissonn
Dé ta jalousie* !
José (essayant de l’attraper) :
Attends qué yé t’attrappes !
Carmen (s’enfuyant) :
Hou !
(Carmen sort poursuivie par José. Papy les regarde, Soria lui tire la manche )
Soria :
Et alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Papy, You Hou ?
Papy :
Oh, je crois qu’il l’a tuée.
Soria :
C’est dommage, quel fou !
Elle était belle...
Papy :
Oui, elle savait affrioler
Les hommes ! Vois ce vieux film où on la voit danser...
DANSE  de Carmen


16 - Madame PAPILLON - la fidèle
Personnages : Ciocio-San (geisha, dite "Papillon"), Harley Davidson (lieutenant américain), Triumph (consul des USA), Suzuki (servante de Ciocio), Honda (bonze, oncle de Ciocio), Kawazaki, Yamaha, Kate (épouse américaine de Harley).

Au début, tous les personnages sauf Kate sont présents.
Honda :
Ciocio, tu sais ce que signifie cette union.
Elle est célébrée selon nos traditions,
Mais celui que tu épouses est un étranger...
Ciocio :
La tradition ? Je suis prête à l'abandonner !
La condition de geisha n'est pas à envier.
Ce mariage avec Harley, c'est ma liberté.
    Honda, au nom de l'Amour, tu dois nous unir.
Harley :
Honda, vénérable bonze, veuillez nous bénir.
Kawazaki :
Moi, Kawazaki, mère de Ciocio, j'accepte.
Yamaha :
Moi, Yamaha, qui suis son tuteur, j'accepte*.
(* si l’on n’a pas d’acteur pour le personnage de Yamaha, Kawazaki dira à sa place :
« Car Yamaha en a formulé le précepte »)
Honda :
 Tous les papiers sont-ils préparés ?
Harley :    
                Ils sont prêts.
Honda :
A contrecœur je bénis cette union. Harley,
    Ciocio-San, buvez maintenant le thé sacré...
(Ils boivent tour à tour dans la même coupe)
    Par le rite japonais vous êtes mariés...
(Les japonais viennent féliciter Ciocio, Suzuki sert le thé aux invités, Triumph aborde Harley à part)
Triumph :
Lieutenant Davidson, mes félicitations
    Pour ce mariage avec madame Papillon.
    Vous devez regagner le navire dès demain.
Alors, profitez bien de cette nuit...
Harley (songeur) :    
                      Demain...
Triumph :
N'aviez-vous pas une fiancée en Amérique ?
Harley :
Ce rite japonais n'est qu'un mariage de cirque...
Yamaha m'a promis beaucoup d'amusement,
J'ai payé cent dollars ce dépaysement...
(Ciocio et Suzuki s'approchent d'eux.)
Ciocio (à Suzuki) :  
    Suzuki, sers donc le thé à nos invités.
    C'est le consul, j'ai une question à lui poser...
(à Triumph) :
Monsieur Triumph, mon mari doit bientôt partir,
    Pouvez-vous me dire quand pourra-t-il revenir ?
Triumph :
Madame, il sera dans notre pays dans six mois.
    Ensuite, il sera libre de faire ce qu'il doit...
Honda :
    Pourvu que votre amour gomme vos différences.
Kawazaki :
Pour ma  part, je me réjouis de cette alliance !
Ma petite Ciocio, tu as bien de la chance.
Asseyons-nous maintenant, c'est l'heure de la danse...
Honda :
    J'ai un funeste pressentiment. Ai-je tort ?
(Entrée de la danseuse)
    Je sens mon sang se glacer, c'est l'ange de la mort...
(DANSE. Noir en fin de danse)

Panneau ou voix off : "3 ans plus tard..."
(Ciocio et Suzuki sont dans la maison à jardin, le port est situé à cour. Projecteur rouge à jardin...)
Ciocio :
    Dans l'opéra, je chante un très bel aria...
Suzuki :
Oui mais là, tu ne sais pas chanter, restons-en là.
Ciocio :
    Le navire est annoncé. Mon fils va enfin
Connaître son père. Il pourra en être fier.
Suzuki :
    J'espère que tu n'as pas attendu en vain
    Pendant ces trois longues années à ne rien faire...
Ciocio :
Il arrive au port, vois, ma fidèle Suzuki.
Suzuki :
Oui, j'espère que ce sera le bon, celui-ci...
(Projecteur blanc à cour)
Harley :
    Kate, je ne peux pas entrer, je ne peux la revoir...
Kate :
Harley, tu me déçois, tu n'es qu'un vil couard !
    Ne pouvant avoir d'enfant, j'adopte le tien,
    Mais c'est toi le premier qui doit faire son bien.
Harley :
Quand j'ai appris que cet enfant était le mien,
    Je me suis dit qu'il devait être américain.    
Kate :     
Tu veux juste ramener l'enfant, sans sa mère ?
Harley :
C'est toi qui es mon seul amour, alors que faire ?
Kate :
D'accord, j'y vais...
(Kate se dirige vers la maison, Harley recule en coulisses)
Ciocio :    
               Vois-tu Harley ?
Suzuki :
                        C'est une femme
Seule qui s'approche...
Kate (apparté en marchant) :    
Cet homme est infâme...
    (Elle arrive devant la porte)
Oui je sais, je frappe à une porte en papier,
Mais c'est parce que je suis blonde, vous savez...
Suzuki (elle ouvre la porte coulissante et salue par une révérence mains jointes) :
Qui êtes-vous, madame ? Que nous vaut l'honneur
    De recevoir une si belle dame à cette heure ?
Kate :
Je suis Kate Davidson, l'épouse de Harley.
    Il a un enfant ici, je viens le chercher...
Ciocio :
Quoi, que dites-vous ? Vous êtes l'épouse de Harley ?
    Mon mari, mon seul amour, s'est remarié ?
Kate :  
Le mariage japonais n'est pas un vrai...
Suzuki :
Taisez-vous, vous allez la tuer... Non, Ciocio !
(Ciocio a pris un couteau, elle se met à genoux.)
Ciocio :    
La seule solution est de me suicider,
Me faire hara-kiri... Ô dieu Yamamoto,
Reçois mon âme au paradis des femmes trahies...
Kate :    
Ne faites pas cela, madame, je vous en prie...
(Ciocio enfonce le couteau dans son ventre.)
    Harley, au secours, il faut la sauver !
(Entrée de Harley)
Harley :
                     ...Qu'ai-je fait ?
(Ciocio, tombée au sol, tend la main vers Harley.)
Ciocio :
    Prends ton fils, il sera le symbole de l'union...
    Orient... Occident... Modernité... Tradition...
Oooh !
Harley :
Son fantôme va me hanter maintenant !
Kate :     
Calme-toi, viens, nous élèverons cet enfant
Ensemble, tout ira bien. Laisse ces gens entre eux.
(Elle va à jardin, arrache l'enfant à Suzuki et l'emmène à cour, traversant la scène en courant. Harley ne la regarde pas et se prend la tête à deux mains.)
Harley :     
Non, j'ai des visions, je vois... Un papillon ! Deux !
(Entrée progressive des danseuses. Harley se masque le visage.)
Des papillons partout ! Des papillons géants !
(Affolé, il tente de s'enfuir d'un côté, de l'autre, les danseuses le bloquent un moment.)
Tout cela n'était pour moi qu'un amusement,
Crois-moi, je ne voulais pas voir couler ton sang...
Pardon ! Pardon ! Laisse-moi partir à présent !
(Il s'échappe lorsque la musique commence. Ciocio est "emmenée" en coulisses par l'une des danseuses. DANSE.)

17– ANN, l'artiste
Personnages : Le conteur, Karl, Bruce, Ann, Kong, Spectateurs(trices) 1 et 2, Donadieu.
Accessoires : chaise habillée, chaînes, costume singe, sièges des « spectatrices » en avant-scène à cour.)

Le conteur :
De l’autre côté de l’Atlantique, l’Amérique
Devenait une forte puissance économique.
Un nouvel art y grandissait : le cinéma.
Karl était un réalisateur aux abois
Qui apprit par hasard l’existence fabuleuse
D’une île inconnue qu’on pensait merveilleuse.
Il embaucha la belle Ann Dancer comme héroïne
Et affreta un navire pour y tourner son film.
Mais l’île recelait un terrible secret,
Si affreux que personne n’osait en parler :
Des monstres immenses à qui les indigènes offraient
En sacrifice les plus belles femmes qu’ils trouvaient.
Et bien sûr cette fois c’est Ann qui s’y colla :
Kong surgit et dans son repaire l’emporta...
(Entrée de Karl en costume de cérémonie)                
Karl :     
Un véritable héros l’a sauvée. Il est
Là ce soir, l’homme courageux  qui a traqué
Le puissant Kong, qui a pris tous les risques afin
De rendre la liberté à Ann : Bruce Bonfin !
(Entrée de Bruce en short, chemisette ou saharienne et casque colonial, qui parade fièrement)
Bruce :
Merci Karl. C’est un honneur pour moi de vous conter
Cette étrange histoire, cette incroyable odyssée
Qui a coûté la vie à dix-sept d’entre nous :
Ceux qui ne sont pas morts revinrent sur les genoux !
Nous poursuivîmes une horrible bête, monstrueuse
Erreur de la nature. Mais une bête n’est plus rien
Lorsqu’elle est confrontée au charme féminin.
Oui, on peut toujours dompter une bête amoureuse !
Karl :
Il est temps, Mesdames, Messieurs, de vous révéler
La créature la plus incroyable jamais vue.
C’était le roi de l’endroit où il a vécu,
C’est en prisonnier que vous allez l’admirer.
C’est avec fierté que je vous présente : Kong,
La huitième merveille du monde ! Sonnez le gong !...
(Ouverture des deuxièmes rideaux, dévoilant Kong)
Bruce :
Je touche maintenant la bête, je pose la main
Sur un gorille de vingt-cinq pieds ! Observez bien !
(Kong tire sur les chaînes)
Ne vous inquiétez pas, vous ne risquez rien :
Ces chaînes sont faites d’un alliage en duralumin.
(DANSE – avec une autre fille à la place de Ann : Kong s’agite et brise ses chaînes, chassant les danseuses)
Spectateur 1 :
Attendez, cette fille n’est pas Ann Dancer !
Spectateur 2 :
Pourtant Karl avait proposé de payer cher.
Spectateur 1 :
Je pense que Karl avait raison, lorsqu’il disait
Qu’un très nombreux public serait prêt à payer.
Spectateur 2 :
Oui, vous découvrez sa vraie personnalité :
Une incroyable capacité à détruire
Tout ce qu’il aime !
Spectateur 1 :                 
C’est humain !
Spectateur 2 :                             
Je le fais pas dire...
Spectateur 1 :
Pauvre Kong, vous allez voir, ils vont le tuer...
Arrivée de Ann qui calme Kong en dansant. A la fin de la danse, Ann emmène Kong en coulisses.
Epilogue : fond sonore facultatif : son des avions, des mitrailleuses, cris...
Le conteur :
Pourquoi n’y a-t-il pas de justice ici-bas,
Ni d’amours heureux ? Dites, monsieur Donadieu,
Le serpent serait-il toujours victorieux ?
Donadieu :
Non pas, d’ailleurs il y en a...
Le conteur :                     
Oh ! Presque pas !
Donadieu :
Vous savez bien que c’est à cause d’Eve et Adam.
Le conteur :
Eh bien ! Il y a prescription, depuis le temps !
Donadieu :
Ah ? Pour moi le temps ne compte pas, le crois-tu ?
C’est vrai que je ne m’en étais pas aperçu.
Le conteur :
Les hommes ont évolué depuis !
Donadieu :     
                   Bof, c’est vrai ?
Dans tes histoires, généralement, c’est la haine
Ou la cupidité qui ont formé la graine
A l’origine des malheurs de tes personnages.
Le serpent est comme moi, il n’a pas d’âge.
C’est notre rivalité qui fait l’humanité :
L’extirper de vos âmes ferait votre malheur.
Le conteur :
Ecoute... King Kong est tué : pur était son cœur. (arrêt bande son)
C’est dans son île qu’ils auraient dû le laisser...     
Il vient de tomber...
Donadieu :
             ...victime de cupidité !
Regarde comme les hommes viennent tous faire la fête !
(Retour des acteurs et danseuses)
Va, va t’amuser, tu as terminé ta quête.
Musique. Le conteur jette son livre et rejoint les autres.

FINAL : tous en scène.

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