12 fois 2 ou 3

J'ai pris ma journée. C'est léger.. Un vendredi... Fortuit.

J'ouvre les yeux, ce matin, j'ai le temps. Du fond de mon lit : "Les amants du Pont neuf". Alors qu'il reste une bonne demi-heure, j'entends un fracas terrible depuis la cuisine et je sais : le balconnet à bouteilles du frigo a dû céder, il était fêlé. J'hésite :  aider ou continuer ? Carax l'emporte et je suis les amants jusqu'au bout de la Seine souveraine. 

Je finis par me lever dans l'appartement déserté, et bois un thé en pensant à après. Un film norvégien à Montparnasse... Puis un plat du jour en terrasse. Alors que j'admire Julie et sa vie découpée, voilà que je sens le brûlé, les spectateurs chuchotent, hésitent, pas moi. Nulle alarme... et je voudrais tellement connaître le dénouement. Une pensée fugace passe : ce serait une si jolie mort pour moi :  périr de ne pas avoir su quitter la fiction à temps...

Certains sortent, je reste pour assister, entre autres, à une jolie scène. Un homme, une femme, un coup de foudre. Mais chacun est déjà pris, alors ils s'autorisent tout ce qui n'est pas tromper. Au lieu de s'embrasser, ils échangent la fumée d'une cigarette dans un jardin dépeuplé. Et ils parlent, comme ils parlent, toute la nuit...

En sortant je découvre que l'odeur de brûlé vient de marrons chauds en train de braiser. Je remonte la rue d'Odessa, et marche jusqu'au café Tournesol à la mesure de ma gaieté. Au soleil je croque monsieur en regardant les passants. Je leur invente des vies, des tourments. 

En rentrant, je me demande : oserai-je regarder un troisième film ce soir. Il y a un Hitchcock, n'est-ce pas trop risqué ?