20 ans après

Fabrice Lomon

20 ans après                          

Tout est parti de là. Tout tourne autour de ça. La vie d’Armand Moutier ne semble rien d’autre qu’une horloge, une horloge ou plus précisément un réveil.

Un peu courbé, avec cette odeur que trimbalent les types qui vivent seuls trop longtemps, Armand est entré dans mon bureau sans dire un mot. Il a posé un paquet en plastique en a extrait, toujours dans un silence absolu, l’objet de la révélation et du malheur de sa vie.

Sa vie trop compliquée, incompréhensible à ses yeux, trop dense.

Société Méridionale d’Industrie de Marseille.

Le réveil qu’il tentait de faire tenir debout sur le bord de mon bureau, venait de la SMI de Marseille. Un vieux modèle, rouillé, au verre rayé dépoli, mais pour Armand la vérité venait de là. Même si tout se chamboulait dans sa tête, dans sa vie, enfin dans tout, tout venait de là, il fallait bien que je comprenne ça, vous comprenez monsieur le commissaire ; oui, mais je ne suis pas commissaire, enfin je comprends tout de même.

Je vous explique m’sieur le commissaire :

Quand Harry a connu mon gars, parcqu’en fait j’ai un gars, il l’a fait travailler à la ville, et pis y sont dev’nus comme cul et ch’mise, et mon gars ça y a tourné le ciboulot.

Vu que j’m’en étais pas occupé d’mon gars eh ben l’Harry y l’a fait son père.

En 2008, précisément, le… bon ben chais pu, mais en 2008, en pleine nuit, un bruit bizzare… mais bizzare.

Eh ben ! Vous m’croirez si vous voulez m’sieur le commissaire, au matin mon vélo, hein mon vélo, il était déplacé, hou !

Bon après ça, une autre nuit, p’tête huit jours plus tard ou neuf, j’sais pu bien, mon vélo, déplacé, vous m’entendez bien, déplacé de la cuisine dans la pièce, en pleine nuit.

Et ça, hein eh ben c’est mes deux lascars, mon gars et le Harry, hou !

Un matin à la ferme juste à côté de Charny, en pleine nuit, et ça j’l’ai pas dit, à Madame Machet, hou, donc un matin en pleine nuit, mes bottes et ma brosse, disparues, disparues, jamais revu, jamais, hou !

Et le plus beau, monsieur le commissaire, le plus beau, c’est ma femme, elle, c’est l’bouquet, avec le Harry et mon gars, un jour ou j’faisais les foins, c’était, attendez un peu… en 1986…

Le Harry mon gars et la carne, y m’l’ont pris, oh oui y m’l’ont pris.

Armand s’est assis juste sur le rebord de la chaise, la mine d’un homme abattu, au bout d’une si longue et si fatigante histoire.

Mais que vous ont-ils pris, Monsieur Moutier ?

Mais ça monsieur le commissaire, ça, mon réveil, mais notez son nom, notez !

Société Méridionale d’Industrie de Marseille.

Ca, ça tourne comme une horloge, vous savez.

Mais comment l’avez-vous récupéré, le réveil ?

Y sont revenus le mettre sous mon lit, vingt ans après, je l’ai retrouvé sous mon lit, hou !

Vous comprenez monsieur le commissaire !

Oui, Monsieur Moutier ça fait beaucoup à vivre pour un seul homme !

Mais pour un dépôt de plainte on va attendre un peu, si vous voulez.

Ah, enfin quelqu’un qui m’comprend ! hou !

Armand Moutier allait sortir :

Monsieur Moutier, vous oubliez votre réveil, on sait jamais ici on fait pas le ménage tous les jours, vous savez, et je ne suis pas vraiment sûr d’être encore commissaire dans vingt ans !

Ben j’croyais qu’vous êtiez pas commissaire !

20 ans après                          

Tout est parti de là. Tout tourne autour de ça. La vie d’Armand Moutier ne semble rien d’autre qu’une horloge, une horloge ou plus précisément un réveil.

Un peu courbé, avec cette odeur que trimbalent les types qui vivent seuls trop longtemps, Armand est entré dans mon bureau sans dire un mot. Il a posé un paquet en plastique en a extrait, toujours dans un silence absolu, l’objet de la révélation et du malheur de sa vie.

Sa vie trop compliquée, incompréhensible à ses yeux, trop dense.

Société Méridionale d’Industrie de Marseille.

Le réveil qu’il tentait de faire tenir debout sur le bord de mon bureau, venait de la SMI de Marseille. Un vieux modèle, rouillé, au verre rayé dépoli, mais pour Armand la vérité venait de là. Même si tout se chamboulait dans sa tête, dans sa vie, enfin dans tout, tout venait de là, il fallait bien que je comprenne ça, vous comprenez monsieur le commissaire ; oui, mais je ne suis pas commissaire, enfin je comprends tout de même.

Je vous explique m’sieur le commissaire :

Quand Harry a connu mon gars, parcqu’en fait j’ai un gars, il l’a fait travailler à la ville, et pis y sont dev’nus comme cul et ch’mise, et mon gars ça y a tourné le ciboulot.

Vu que j’m’en étais pas occupé d’mon gars eh ben l’Harry y l’a fait son père.

En 2008, précisément, le… bon ben chais pu, mais en 2008, en pleine nuit, un bruit bizzare… mais bizzare.

Eh ben ! Vous m’croirez si vous voulez m’sieur le commissaire, au matin mon vélo, hein mon vélo, il était déplacé, hou !

Bon après ça, une autre nuit, p’tête huit jours plus tard ou neuf, j’sais pu bien, mon vélo, déplacé, vous m’entendez bien, déplacé de la cuisine dans la pièce, en pleine nuit.

Et ça, hein eh ben c’est mes deux lascars, mon gars et le Harry, hou !

Un matin à la ferme juste à côté de Charny, en pleine nuit, et ça j’l’ai pas dit, à Madame Machet, hou, donc un matin en pleine nuit, mes bottes et ma brosse, disparues, disparues, jamais revu, jamais, hou !

Et le plus beau, monsieur le commissaire, le plus beau, c’est ma femme, elle, c’est l’bouquet, avec le Harry et mon gars, un jour ou j’faisais les foins, c’était, attendez un peu… en 1986…

Le Harry mon gars et la carne, y m’l’ont pris, oh oui y m’l’ont pris.

Armand s’est assis juste sur le rebord de la chaise, la mine d’un homme abattu, au bout d’une si longue et si fatigante histoire.

Mais que vous ont-ils pris, Monsieur Moutier ?

Mais ça monsieur le commissaire, ça, mon réveil, mais notez son nom, notez !

Société Méridionale d’Industrie de Marseille.

Ca, ça tourne comme une horloge, vous savez.

Mais comment l’avez-vous récupéré, le réveil ?

Y sont revenus le mettre sous mon lit, vingt ans après, je l’ai retrouvé sous mon lit, hou !

Vous comprenez monsieur le commissaire !

Oui, Monsieur Moutier ça fait beaucoup à vivre pour un seul homme !

Mais pour un dépôt de plainte on va attendre un peu, si vous voulez.

Ah, enfin quelqu’un qui m’comprend ! hou !

Armand Moutier allait sortir :

Monsieur Moutier, vous oubliez votre réveil, on sait jamais ici on fait pas le ménage tous les jours, vous savez, et je ne suis pas vraiment sûr d’être encore commissaire dans vingt ans !

Ben j’croyais qu’vous êtiez pas commissaire !

20 ans après                          

Tout est parti de là. Tout tourne autour de ça. La vie d’Armand Moutier ne semble rien d’autre qu’une horloge, une horloge ou plus précisément un réveil.

Un peu courbé, avec cette odeur que trimbalent les types qui vivent seuls trop longtemps, Armand est entré dans mon bureau sans dire un mot. Il a posé un paquet en plastique en a extrait, toujours dans un silence absolu, l’objet de la révélation et du malheur de sa vie.

Sa vie trop compliquée, incompréhensible à ses yeux, trop dense.

Société Méridionale d’Industrie de Marseille.

Le réveil qu’il tentait de faire tenir debout sur le bord de mon bureau, venait de la SMI de Marseille. Un vieux modèle, rouillé, au verre rayé dépoli, mais pour Armand la vérité venait de là. Même si tout se chamboulait dans sa tête, dans sa vie, enfin dans tout, tout venait de là, il fallait bien que je comprenne ça, vous comprenez monsieur le commissaire ; oui, mais je ne suis pas commissaire, enfin je comprends tout de même.

Je vous explique m’sieur le commissaire :

Quand Harry a connu mon gars, parcqu’en fait j’ai un gars, il l’a fait travailler à la ville, et pis y sont dev’nus comme cul et ch’mise, et mon gars ça y a tourné le ciboulot.

Vu que j’m’en étais pas occupé d’mon gars eh ben l’Harry y l’a fait son père.

En 2008, précisément, le… bon ben chais pu, mais en 2008, en pleine nuit, un bruit bizzare… mais bizzare.

Eh ben ! Vous m’croirez si vous voulez m’sieur le commissaire, au matin mon vélo, hein mon vélo, il était déplacé, hou !

Bon après ça, une autre nuit, p’tête huit jours plus tard ou neuf, j’sais pu bien, mon vélo, déplacé, vous m’entendez bien, déplacé de la cuisine dans la pièce, en pleine nuit.

Et ça, hein eh ben c’est mes deux lascars, mon gars et le Harry, hou !

Un matin à la ferme juste à côté de Charny, en pleine nuit, et ça j’l’ai pas dit, à Madame Machet, hou, donc un matin en pleine nuit, mes bottes et ma brosse, disparues, disparues, jamais revu, jamais, hou !

Et le plus beau, monsieur le commissaire, le plus beau, c’est ma femme, elle, c’est l’bouquet, avec le Harry et mon gars, un jour ou j’faisais les foins, c’était, attendez un peu… en 1986…

Le Harry mon gars et la carne, y m’l’ont pris, oh oui y m’l’ont pris.

Armand s’est assis juste sur le rebord de la chaise, la mine d’un homme abattu, au bout d’une si longue et si fatigante histoire.

Mais que vous ont-ils pris, Monsieur Moutier ?

Mais ça monsieur le commissaire, ça, mon réveil, mais notez son nom, notez !

Société Méridionale d’Industrie de Marseille.

Ca, ça tourne comme une horloge, vous savez.

Mais comment l’avez-vous récupéré, le réveil ?

Y sont revenus le mettre sous mon lit, vingt ans après, je l’ai retrouvé sous mon lit, hou !

Vous comprenez monsieur le commissaire !

Oui, Monsieur Moutier ça fait beaucoup à vivre pour un seul homme !

Mais pour un dépôt de plainte on va attendre un peu, si vous voulez.

Ah, enfin quelqu’un qui m’comprend ! hou !

Armand Moutier allait sortir :

Monsieur Moutier, vous oubliez votre réveil, on sait jamais ici on fait pas le ménage tous les jours, vous savez, et je ne suis pas vraiment sûr d’être encore commissaire dans vingt ans !

Ben j’croyais qu’vous êtiez pas commissaire !

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