-3- Ma crise de la cinquantaine

Viens, viens, c'est une prière, viens...

Les choses vont très vite, coup de téléphone, mon dossier intéresse, ma candidature semble convenir. Je dois visiter le village y rencontrer les responsables, ses autorités.

Que faire de mon bel appartement parisien  ? Mon quartier, mon Père La chaise, les laisser ? Et si je me loupais là bas dans ma campagne, il me faut garder une solution de replie.

La mode est à la « colloc », je passe une annonce sur le net. Mon choix est vite fait, des éducateurs sociaux, un travail noble, enfance, délinquance, des causes qui m'interpellent. Ils sont deux, des personnes de confiance me semble t-il. J'explique mon cas,le tournant de ma vie à vitesse grand « V » mon envie d'air pure et mon plan de sécurité, ma maison, mon appart, mes souvenirs que je ne veux pas confier à n'importe qui….Vingt ans dans un appart, c'est une vie, des souvenirs, l'enfance de mon fils. Confidences contre confidences, j'en arrive à leur donner ma confiance. A mon entourage mon mot d'ordre est de - ne rien dire-, -le dire après-, ça me semble moins inquiétant pour eux.

En route vers la Bastide, ça sera la Bastille de ma vie mais je ne le savais pas encore.

 Une maison bleue adossée à la colline

 J'arrive après plusieurs trains et plusieurs attentent, ma campagne est isolée mais on vient me chercher. L'animateur du pôle artistique m'attend au pied de la gare.

Dans la voiture la discussion « va bon train », j'étais plus à un train près. Il parle beaucoup, moi je regarde le paysage.

- Le village est magnifique, les artisans sont contents, les projets nombreux -. L'homme me parle de sa vie comme on déroule un curriculum vitae, il a une sacrée expérience, ancien galeriste….Son copain est « le peintre du village ».

Le trajet devient un remake de Kaa dans le livre de la jungle -Aie confiance-. Crois en moi. Que je puisse veiller sur toi ... –

J'arrive, la Bastide est là face à moi, une place qui ressemble un peu a la place des Vosges en miniature, des arcades, des vielles portes, un décor de cinéma. On ne me laisse pas le temps de regarder, le sujet étant le pôle artisanal…Nous prenons un couloir de pierre et là oh la mauvaise surprise …une construction moderne qui n'est pas sans me rappeler le style art nouveau des quartiers HLM. On me montre des ateliers bien alignés avec au-dessus leurs appartements…Plus tard je devais apprendre que pour cette construction on aura détruit un couvent, sa cour et ses jardins, un tilleul centenaire. Je visite le lieu, le magnifique « show room » conçu dans l'ancien presbytère, certains murs de pierre ont été épargnés, je n'arrive pas à dire oui. Dans ma tête, il y a une maison bleue qui chante, je quitte un appartement pour une maison et son jardin, je m'obstine. Les ateliers sont des vrais aquariums, moi, je veux de l'intimité, du vert et du ciel. Je subis le jeu des questions, un interrogatoire mené par un artiste déjà installé.

Fatiguée et déconcertée, je le rassure certainement en lui disant que ni les ateliers ni les appartements conviennent à mon projet. Le lieu est fermé, les artistes et artisans sont parqués, voir concentrés. Trop peu pour moi, j'ai besoin d'air et de voir loin. Le maire me rencontre par devoir et me glissera un « Je n'aime pas la poésie, mais si vous connaissez des gens célèbres, faites les venir ». Je fais cas de la bêtise en générale et me bataille, aujourd'hui, jour nouveau je suis indulgente, je laisse la sottise glisser vers les glycines.

Son adjoint me propose de faire le tour du village, mes pieds trépignent, à nous les chemins de terre, mes yeux s'impatientent : Mignonne, allons voir si la rose… à suivre....