30 ans, 30 chansons, 30 artistes

ladyrature

critique du concert anniversaire des 30 ans des Francofolies de La Rochelle, le 10 juillet 2014.

« Les copains d'abord » le 10 juillet 2014 au festival des Francofolies de La Rochelle

 

Ils sont venus, ils sont tous là : 30 chanteurs pour souffler 30 bougies ; c'est le chiffre annoncé à grand renfort de medias !! Le tout filmé par la grosse artillerie de France Télévision déployée sur l'ensemble de la place Saint-Jean d'Acre. Et du monde, du monde pour voir tout ça, nous sommes près de 10 mille. On est serrés, tassés, raidis debout depuis déjà trois heures sur le goudron chaud. C'est dire à quel point on les attend les 30 artistes annoncés venus fêter les 30 ans des Francos et rendre hommage à feu Jean-Louis Foulquier, disparu cette année.

 

Avant les 30 : Lavilliers. Du boulot carré, ultra pro. Il ne chante pas Lavilliers, il assure.

 

Après Lavilliers : Higelin. Aïe. Là, devant nous, le chanteur est poussif, hésitant, laborieux et ne semble même pas heureux. Disparue sa poésie d'antan lorsqu'il assène des banalités affligeantes. (Paraît que les footballeurs sont trop payés…). Il chante triste, et vraiment mal. Et nous ennuie. Même l'arrivée totalement inattendue de Sandrine Bonaire, radieuse et douce ne contribue pas à instaurer la moindre magie. Et quand, avant de repartir, elle pose sa tête sur l'épaule du chanteur, on se dit qu'on aurait bien aimé qu'il se passe quelque chose.

 

Trois quarts d'heure. Il aura fallu trois immenses quarts d'heure pour qu'enfin entrent les 30.

 

Sauf qu'ils n'entrent pas, il défilent. Un par. Une petite chanson et puis s'en va. Non. Et puis se casse.

 

En tête, Alain Souchon qui entonne sa « Foule Sentimentale ». La chanson parfaite pour clôturer un concert arrive en premier. Bizarre … Ca sent le truc formaté pour la télé, ça. Pour aller choper de la part de marché assise au fond de son canapé. C'est pas un début de concert c'est de la tête de gondole. De la TG comme on dit dans le milieu. Celui de la grande distri.

 

Et oui, c'est bien ça. Voici qu'apparaît Omar Sy. L'humour, le charisme et la sympathie incarnés. Les gens sont surpris. Qu'est-ce qu'il fait là ? Et bien, il va annoncer le nom des chanteurs comme s'ils n'étaient tous plus connus ou médiatisés les uns que les autres (Souchon,Voulzy, Sanson, Delerm, Aubert, Zaz, Julien Doré, Thomas Dutronc…). Il va aussi placer un ou deux bons mots et son « Doudou » en fil rouge. Le tout comme on dit pour « rythmer la soirée ». En fait, il est là pour que la ménagère ne zappe pas. Dès la deuxième chanson (Nolwenn Leroy, Tri Martolod), on s'aperçoit très vite qu'on n'est plus devant un concert en plein air, par un beau soir d'été sous la pleine lune à La Rochelle, mais qu'on est dans la télé. On est dans le poste comme disait ma grand-mère en parlant de Guy Lux. Prisonniers, on est prisonniers d'une petite lucarne. On se fait imposer les chansons qui passent dans le poste, par les chanteurs connus dans le poste. Que fait là Elodie Frégé à part onduler lascive (pléonasme), maquillée comme c'était déjà trop dans les années 30 à se la jouer sensuelle-les yeux-mi-clos-que-je-te-suçote-le-micro ? Et les gens autour de moi de dire :

- Mais qui c'est cette p… ?

- Ben, si. C'est celle qu'a gagné, genre la Nouvelle Star, j'sais pas quoi. Y a deux, trois ans.

C'était il y a onze ans : la saison 3 de la Star Académie. Pardon, Académy.

 

Moi qui voulais les sorties de port à la voile, je n'ai eu que l'hyper prévisible que multiplie le déjà vu. Point de trio complice, point de bœuf improvisé et généreux, point d'inédit. Partant point d'émotion. Cet essentiel.

 

Il n'y guère eu que deux fois trois minutes pour nous permettre d'effleurer l'esprit d'un vrai concert : un péchu « Un jour, j'irai à New-York avec toi » par Noah, Jean-Louis Auber et Matt Bastard. Et l'ultime chanson aussi. La toute dernière du concert et unique vraie création : Christine & the Queens qui reprend et réinvente « Aimer est plus fort que d'être aimé » de Balavoine. Superbe version électro et slow à la fois dont le tempo revisité magnifie les paroles qu'on semble écouter pour la première fois et auxquelles le choix de la simplicité confère une aura nouvelle.

Et puis par ci, par là 10 secondes à donner le sourire. Jonasz en particulier. Voix parfaite, il fait ce qu'il veut de sa « Super Nana ». Slalome, envoûte, scatte volupteux et avec un bonheur évident.

 

Ils étaient venus, ils étaient tous là et pourtant il nous aura manqué ce qu'on était venu chercher : une certaine forme de tendresse, de partage et d'attention aussi.

 

On s'est sentis bien négligés ce jeudi soir-là, sur la place Saint-Jean d'Acre. Mais bon, paraît que ça passe début septembre…. Dans le poste.

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