Maîtrise de Radio France-Montpellier

poussinette

Une soirée à Montpellier, un concert, de la tristesse malgré la musique... Ce soir-là, pourtant, je suis une enfant du Paradis.

Montpellier, juillet 2014. Presque 19 heures.

Le soleil sur la place est aveuglant, il ruisselle sur les pavés. Les trams passent de temps à autre, colorés, fleuris, tagués, détonants sur cette place cossue et pleine de bâtiments hautains, compliqués.

 J'ai comme du vin rosé sur mes joues. Qu'il fait chaud ! En Bretagne, il ne fait pas si chaud. Ma peau s'est constellée de taches de rousseurs.  Mes cheveux ont blondi. J'ai changé.

Nous attendons devant l'opéra où il y a un piétinement généralisé et aussi du bruit, des éclaboussures de fontaine.

Ma sœur a choisi  un concert de musique napolitaine.

Quand on entre dans l'opéra, je sens un air plus frais. Les tentures rouge bordeaux comme des raisins écrasés s'étalent presque sensuellement contre les murs où des sculptures, la gueule ouverte s'écrasent dans la roche. Cette sortie est une note de douceur impromptue.

Les escaliers sont spacieux, un peu trop même. On a l'impression de ne pas avoir le luxe nécessaire pour remplir les couloirs. On file jusqu'en haut. Je n'y étais pas préparée. Un lustre magnifique, coulure de perles, éclate, dégouline du plafond doré. Les gens bourdonnent sous nos pieds.  Nos fauteuils sont comiquement  petits : c'est la place des pauvres. Quand on s'y assoit on se plie, on a les jambes qui remontent jusque au torse. Mon père et son mètre quatre-vingt soupirent.  De notre troisième rang, quatrième étage, on voit à peine la scène. La foule afflue. Devant moi s'assoit un garçon, d'à peu près mon âge. Il a un t-shirt AC-DC. Plusieurs femmes ont des éventails. Je les envie. Qu'il fait chaud au Paradis ! A côté de moi ma sœur agite un prospectus devant son visage.

Enfin, les lumières s'éteignent.

Un chœur d'enfants, chemise blanche et pantalon noir, comme des notes de musiques, s'entassent sur trois rangs dans le fond de la scène. On les applaudit. Les musiciens qui accordaient leurs instruments sur scène retournent dans les coulisses, puis reviennent. Sans doute veulent-ils leur lot d'applaudissements.

Le concert commence. Je ne m'y connais pas en musique, encore moins en musique napolitaine, alors en musique napolitaine baroque!

Une violoncelliste, que je peux apercevoir en tendant et tordant mon cou paraît se démener plus que les autres : elle donne des coups d'archet comme d'autre s'acharnent sur un corps sans vie. Elle a de longs cheveux bouclés, entre châtain et blond, emmêlés.

Le portable d'un homme sonne. La première fois, il ne s'attire que des regards courroucés. La seconde fois, des exclamations. Je souris.  L'homme sort pour éteindre son mobile, mais il se prend la porte.  Rires. Puis, le silence revient dans le public. Sur scène, la musique continue.

Je n'arrive pas à trouver une âme à cette musique. Elle est belle, mais je ne connais pas les noms des œuvres, les noms des auteurs. C'est comme avaler tout une bouteille de rouge alors qu'on préfère le rosé. C'est bon, mais c'est agaçant. On n'apprécie pas. Ca saoule.

 Au bout d'un moment, je m'aperçois que je m'ennuie.  Mais je suis un peu triste, lors j'évite de penser à ma journée, aux vacances, au sens de la vie en général. Je me concentre pour ne pas ressentir.

Il y a un bout de caméraman qui dépasse des coulisses.

Enfin, dans un ensemble plus ou moins uni, le chœur se lève. Avec de grands mouvements triangulaires, la chef d'orchestre s'agite dans le silence. Puis, le chœur chante. C'est beau, c'est léger.

Trois violonistes sur le côté droit de ma scène, m'émeuvent spécialement. Un morceau  qu'ils jouent en staccato –est-ce le bon terme ? Ils jouent, ils jouent, avec fougue et ferveur et d'un coup, la musique s'arrête, c'est à la fois beau et terrible, la musique qui disparaît laisse un sentiment de manque.  

J'aime l'air distingué du clavecin, son air pincé. Mais je n'aime pas tellement quand les deux femmes chantent.  Elles sont impressionnantes, mais leurs voix sont banales. C'est la voix de toutes les chanteuses lyriques.

Il y a un pauvre mec, sur le côté droit de la scène, avec une cithare, on ne l'entend jamais. Pourtant, il joue, il gratte son instrument, mais c'est plus fort que lui, il disparaît avalé, noyé sous le son des autres instruments.

Je ne sais pas comment font les gens pour savoir quand applaudir. Au début, on applaudissait entre chaque morceau, et maintenant, on dirait qu'il y  a une taxe.

La fin du concert me surprend.

On sort avec la foule. Dans un chuintement, un tram passe. Le ciel bleuit encore. Le soleil ne se couche-t-il jamais au Sud ?

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