40 ans de doigts collants

Jérémie Canet

Ah non ! N'en remettez pas une couche, c'est déjà bien assez gras comme ça ! Y en a marre des jeux de mots, maintenant ! Je m'en suis assez trituré la braguette, j'ai bousillé assez de vinyles à cause de lui pour qu'on ne s'arrête pas à la signification française du titre ! Pourquoi faut-il toujours que l'on traduise le titre d'un album anglais dans notre langue (tirée)? Je vous en colle, moi, des "Exil sur la rue principale", des "Tatoue-toi", des "Laisse le saigner"? Ah, non ! Parlons musique, un peu ! Parce que malgré l'épaisse couche gluante appliquée progressivement, avec mépris -et un certain doigté-, par tous les potes qui lui sont passés dessus avec leurs paluches, malgré les déchirures -externes- provoquées successivement par la vue du chibre de Joe Dallesandro et les tentatives ratées d'extraction de ce dernier par des moyens paraissant simples à la base, n'oublions pas qu'il s'agit-là d'un album de rock, pas d'une activité de scrapbooking ! Pas besoin de vaseline, enfin ! "C'est seulement du rock and roll" ! Du rock à sec, du blues à cran. pas besoin de se tripoter pendant des lustres, ça coule de source ! Qui se soucie de savoir si le Brown Sugar servi en entrée est une drogue, une crotte de Mlle Faithfull restée coincée dans la cuvette des toilettes pendant l'enregistrement ou juste un morceau de sucre dont se serait servi Sir Jagger dans le but d'amadouer la Reine en vue de son anoblissement ? Même Keith s'en fout ! Qui sait, Wild Horses est peut-être juste un hommage au Carroussel de Canet Plage, pareil pour Bitch ! À trop vouloir jouer sur les mots, on en perd l'essence même de ce qui fait d'un album un monument : c'est la panne assurée ! Alors, par pitié, sus aux traductions lourdaudes, ce n'est pas Hugues Aufray qui me contredira. Sticky Fingers veut dire : vous allez en prendre pour 40 ans. Et dans 40 ans, il suffira de remplacer 40 par 80. Ainsi de suite. Cet album colle à la peau. Cet album lave les oreilles et en ôte le cérumen sécrété depuis trop longtemps par protection auditive contre toutes les nuisances sonores produites après lui. Ah, non ! J'avais dit stop ! Ce qu'on peut être mielleux, parfois ! 

Bon, reprenons : Sticky Fingers, c'est l'arrivée de Mick Taylor, c'est Andy Warhol, c'est les "Glimmer Twins", c'est après Altamont, avant Exile -fiscal- on Main Street, c'est le fond et la forme.

C'est avec ce genre d'albums, et il n'en existe pas des masses, qu'on arrête de trouver une chanson "sympa", qu'on refuse le mode "shuffle", qu'on se rachète une platine, qu'on commence une collection, quitte à ce qu'il bousille les autres disques à cause de la braguette. Qu'on se sort les doigts du...

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