A la recherche du bonheur (1)

chloe-n

Ça y est, je ne peux plus reculer. Il est trop tard. Je suis dans cet avion avec mes deux enfants. Ils me regardent exciter mais aussi apeurés. Ils se demandent comment cet oiseau de ferrailles va nous emmener à bon port. D'habitude, nous voyions les avions décoller et atterrir sans se douter qu'un jour, nous serions dedans. Et aujourd'hui, c'est notre tour. Nous allons rejoindre mon mari, parti quelques mois plus tôt pour trouver du travail et un logement.

Je vais aussi retrouver ma sœur aînée, partie quelques années plus tôt avec son mari.

Je regarde par le hublot et je pleure. Pas parce que je quitte cette vie de pauvreté, cette île où je suis née et où j'ai grandi. Non, c'est une nouvelle vie qui nous attend. Un travail pour pouvoir nourrir correctement les enfants, leur offrir un toit décent, une scolarité où ils pourront apprendre à lire et à écrire pour pouvoir trouver un bon travail.

Je pleure parce que j'ai dû laisser mon deuxième fils à ma belle-sœur. Mon mari ne lui a pas pris de billet car le logement qu'il a trouvé, un petit deux pièces, ne nous permet pas de l'accueillir. Il est handicapé et se déplace en fauteuil roulant. J'ai laissé mon fils. Cet enfant qui a le plus besoin de moi. Mais je le fais aussi pour lui. Dès que j'aurai assez d'argent, je reviendrai le chercher. Promis. Quitte à travailler jour et nuit… C'est mon enfant, la chair de ma chair. Il a déjà subi tellement d'épreuves pour son jeune âge. J'ai beau me dire que c'est une chance qui s'offre à nous mais je ne peux m'enlever de la tête que j'abandonne mon enfant. Ça me crève le cœur de le laisser derrière moi, mais je dois le faire.

L'avion commence à bouger. Je ferme les yeux, me cramponne aux accoudoirs. J'ai peur. Les moteurs font un bruit assourdissant. Et si l'avion s'écrase ? Oh mon Dieu… Je récite une prière dans ma tête. Je me retiens de crier pour ne pas affoler les enfants quand l'avion accélère et prend son envol. Pour de nombreux passagers, c'est aussi leur première fois. Je regarde autour de moi. Beaucoup ont retenu leur souffle et semblent soulagés que rien ne soit arrivé. Quelques timides applaudissements se font entendre. On nous autorise à détacher nos ceintures de sécurité et l'on nous annonce qu'une collation va être servie.

À travers le hublot, je regarde une dernière fois mon île qui devient rapidement un petit point qui disparaît au milieu de l'océan.

Après le dîner, la nuit est vite tombée et les enfants ont fini par s'endormir.

Dans ce ciel noir que je n'arrive pas à quitter des yeux, c'est maintenant des bribes de ma vie sur ce petit bout de terre, qui me tiennent compagnie… (©)


  • Et pourquoi ? Et où ? Et comment ? ... Je suis bien contente de voir (1) dans le titre, ça veut dire qu'il y aura la suite :)

    · Il y a presque 9 ans ·
    Ananas

    carouille

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