A la recherche du bonheur (7)

Oui, la famille va s'agrandir, je suis de nouveau enceinte, j'attends mon quatrième enfant.

J'ai un peu peur à l'idée d'avoir un garçon et que lui aussi soit paralysé. Mais c'est comme ça, c'est le bon Dieu qui choisit. Mais ce qui est bien en France, c'est qu'on est bien suivi par les docteurs. La mienne m'a dit qu'on ferait une échographie pour voir le bébé et comme ça, on pourra voir si c'est une fille ou un garçon. Ce sera la première fois que je ferai ça. Jamais pour mes autres enfants, j'ai fait un truc pareil.

Du coup, comme mon mari n'a pas l'air pressé de prendre les choses en main, il est devenu plus que nécessaire que nous déménagions. C'est plus possible de rester dans un deux-pièces à bientôt 6.

Je me suis renseignée à la mairie en leur précisant que j'avais un fils paralysé. Ils nous ont trouvé un appartement un tout petit peu plus grand dans une autre ville, pas très loin d'où on habite. L'une de mes patronnes m'a aidé, elle connaît du monde et en a parlé au maire de cette ville, et justement y'à des logements en construction et il m'a promis un appartement beaucoup plus grand, un quatre pièce en rez-de-jardin.

J'ai relancé mon mari pour qu'on s'arrange pour aller chercher notre fils. Il n'est pas emballé. Il m'a répondu qu'on verrait quand le bébé sera né. Je commence à y voir clair dans ses propos. Il ne veut pas que notre fils vienne. TON fils m'a t-il répondu. Il trouve que c'est suffisamment dur pour nous de nous faire accepter, alors nous embêter d'un enfant en fauteuil roulant… Je lui ai répondu que puisque c'est comme ça, je retourne au pays avec MES enfants. Rien à foutre des commérages. On ira vivre chez mes cousines. Et je travaillerai jour et nuit s'il le faut pour mes enfants. Je ne vais pas abandonner plus longtemps mon petit garçon. Quel salopard, depuis le début, depuis le jour où il a décidé qu'on partirait, il avait planifié de laisser mon fils là-bas.

Le déménagement se fait rapidement. L'appartement est en rez-de-chaussée et les murs à peine suffisamment larges pour laisser passer un fauteuil roulant mais bon. Ma grossesse se passe bien, pas de nausées, rien, juste un peu fatiguée par le travail. Je profite donc de ce moment pour prendre un billet d'avion. C'est décidé, c'est maintenant ou jamais. Après il y aura toujours quelque chose qui retardera la venue de mon fils. Je vais laisser mes deux aînés avec leur père. Qu'il assume un peu ses responsabilités, qu'il comprenne ma vie au quotidien, même si ce n'est que pour une semaine. Je vais faire juste l'aller-retour.

En attendant, mes patrons m'ont modifié la charge de travail et mes horaires. Quand je leur ai dit que j'avais besoin d'un congé pour aller chercher mon fils, ils étaient contents pour moi. Ils m'ont dit qu'ils m'admiraient pour le courage dont je faisais preuve. Moi, je n'en suis pas fière. Ils m'ont dit que je n'avais pas de souci à me faire pour ma paye, ils ne m'enlèveraient pas de jours. Ils m'ont même donné une petite prime pour le voyage. C'est gentil de leurs parts, ils n'avaient pas besoin de faire ça. Pour eux, les enfants, c'est sacré. Et leurs enfants m'adorent.

Mon mari ne dit rien. De toute façon, il n'a pas le choix. Mais c'est quand même la première fois que je lui réponds de cette manière, que j'ose m'opposer à lui. Lui qui pensait que j'allais payer son auto avec lui…

C'est le cœur serré que je laisse mes deux enfants à la maison avec leur père et pars chercher leur frère. Je leur promets que la semaine prochaine nous serons tous enfin réunis.

Ca me fait bizarre de prendre cet avion toute seule. Enfin presque. Mon ventre s'arrondit de jour en jour. Mais plus la destination finale approche, et plus les haut-le-cœur se font ressentir. J'ai un très mauvais pressentiment. Je n'aime pas ça du tout. (©)