A la rencontre de Crocodile Wendy à Cairns

Renaud Lhardy

Dépaysement! Les touristes ont coutume d'utiliser ce terme à tort et à travers pour qualifier leurs vacances dans un hôtel-club. Peut-être l'ai-je fait moi-aussi avant mon voyage en Australie ? C'est terminé! Je ne banaliserai plus ce mot depuis mon inoubliable expérience à Cairns. Pourtant, je ne suis pas du genre snob. Petit parisien habitué à la vie citadine certes, mais petit parisien qui a pas mal voyagé et qui, au bout de deux semaines d'immersion en Australie, avait déjà pris ses repères. J'avais eu le temps de m'habituer aux cafards géants qui volent, aux fourmis multicolores, aux araignées taille caniche et aux autres bestioles inconnues dans mon dictionnaire. L'Australie n'est décidemment pas à notre échelle!

Je m'en rendais une nouvelle fois compte dans le taxi m'amenant à demeure. Sur ma carte précautionneusement imprimée, l'aéroport n'était pas loin de mon point de chute, lui-même proche du centre-ville. Oui mais ça, c'est quand on est habitué au plan du métro. Dans la réalité, les kilomètres passaient, les maisons s'espaçaient, la végétation se densifiait … pour arriver au point de chute, en pleine jungle!

Le taxi me laissa là, ma valise au pied, face à une maison un peu paumée. Comme moi d'ailleurs! J'étais surpris par la dualité du lieu : une modernité qui avait quelque chose de familier (oui, Ikéa s'est fait aussi une place parmi les kangourous!) et un environnement tropical, luxuriant, immaitrisable qui me replongeait dans mes lectures de Robinson Crusoé (oui, j'ai une imagination débordante!). Je me demandais qui pouvait habiter là. Ou plutôt non, je m'étais fait ma propre idée : il s'appelait Scott, buvait de la bière et allait chasser le croco le week-end!

En fait, elle s'appelait Wendy, avait des jambes interminables et était danseuse de pool dance! Je pense que si Nicole Kidman m'aurait ouvert la porte, je n'aurais pas été davantage surpris. Sourire angélique et teinture rouge, Wendy était une danseuse internationale, un pied toujours dans l'avion et l'autre, à terre, dans sa jungle natale. Elle m'invita à partager un verre de vin sur sa magnifique terrasse en bambou surplombant son jardin au bout duquel une piscine - recouverte d'immenses feuilles de bananier – tentait de se faire une place dans la végétation. Nous trinquâmes à mes vacances sur le son de Camille (oui, la chanteuse 100% made in France)… J'en étais plus à une surprise près! Me voyant dégoulinant sous les 30°c, Wendy me proposa un plongeon dans sa piscine. J'en avais envie mais comme la nuit tombait et que l'angoissant concert des animaux nocturnes commençait, je retardais le moment fatidique en prolongeant la conversation de questions inutiles :

-          Ah, chez vous aussi, la loi vous oblige à poser des barrières autour des piscines pour la sécurité des enfants ?

-          Oui pour les enfants… et pour les crocodiles aussi!

Je ne sais pas si Wendy s'amusait à me faire peur ou si l'anecdote était vraie mais ce bain, dans la pénombre australienne, je ne l'oublierai pas. Tout comme mon petit-déj du lendemain. Ma jolie hôte m'avait préparé un breakfast typique aussi copieux que succulent. Je n'avais qu'à mettre mes pieds sous la table et … en poser un sur une peau de python - deux bons mètres de long, facile - qui avait dû faire sa mue récemment. Amusée de cette trouvaille, Wendy vint la ramasser. Face à mes yeux écarquillés, elle se sentit obligée d'ajouter :

-          Don't worry, it's just a pet for us!

« It's just a pet ? » T'es nice mais chez moi les «pets», ils aboient ou miaulent et avec un petit coup de pied, ils te lâchent la grappe! Les «pets» qui t'étouffent et t'avalent vivant, ils sont plus rares à Paris! Finalement, Wendy m'expliqua que ce python sauvage était inoffensif et très peureux. Il prenait de temps en temps le soleil sur sa terrasse mais fuyait en entendant les pas. Surtout, il lui permettait de faire fuir les mulots dont elle avait peur. Car Wendy n'avait pas peur des alligators, des serpents mais craignait les… mulots! J'en étais plus à une aberration près!

Après tout, serpent ou pas, peu m'importait! J'appris à bien fermer la porte de ma chambre, tout comme j'appris à rabattre la cuvette des toilettes pour ne pas que les crapauds locaux (tout droit sortis de Jurassic Park avec une crête sur le dos!) ne viennent s'abreuver. Traumatisant ? Pas le moins du monde! Si je fais régulièrement des cauchemars de série B américaine sur les serpents en France, Wendy et les Australiens sont tellement zens dans leur environnement que l'on se sent à l'aise en toute circonstance. Une sérénité contagieuse! Le lendemain, quand je partis en excursion plonger dans la Grande Barrière de corail, je me retrouvai avec les traditionnels cars de touristes allemands (chaussettes – claquettes) et japonais (appareil-photos incrustés) débarquant de leurs hôtels standardisés avec leurs chaines de télés mondiales et leurs petits déjeuners intercontinentaux. Je me dis que je ne vivais vraiment pas le même voyage qu'eux. Et j'étais bien content!

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