A mon corps défendant

Hervé Lénervé

Discussions entre vieux.

A mon corps, je ne lui dis pas merci. J'ai été opéré, rafistolé de partout. Après tout ce que j'ai subi pour lui. C'est simple sans moi, il ne serait même plus là.

Tenez à ce propos, c'est l'histoire de... merde, j'ai oublié. Il y avait opération, cœur et « Attention, je choque ! » dedans, mais je ne me souviens plus de l'histoire.

C'est dommage, j'aurais bien voulu connaître la fin.

Avec la mémoire, ça peut te revenir, d'un coup.

Non, jamais. Quand c'est parti, c'est parti sans nouvelles pour toujours.

Il faut attendre. Avec le temps ça peut te revenir, d'un coup. Je ne l'ai pas déjà dit, ça ?

Faudrait pas qu'elles reviennent toutes en même temps. Elles me feraient griller le circuit électrique. Je ne suis pas équipé pour gérer plus de deux idées au guichet.

A mon corps, je ne lui dis pas merci. Où en étais-je, déjà ? Ah oui, hormis la douleur des opérations, c'est la remise en forme qu'il t'inflige, le pire.

Moi, j'avais perdu mes clés.

Ta gueule !

A mon corps, je ne lui dis pas merci. La remise en forme, à coup de régime, de gym et de vélo fixe, pendant des mois. Pour ceux qui reviennent de loin, c'est encore plus long. Tout ça, pour même pas un petit merci, l'ingrat. Je ne lui demandais pas d'escalader les Twin Towers, ni de combattre, à mains nues, un grizzli sauvage, seulement de me porter jusqu'au ring pour boxer ? Est-ce trop lui demander ?

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