A qui pair perd
Mathieu Jaegert
Tiré de faits (presque) réels...
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La sonnerie du téléphone retentit à l'accueil du service Gestion des Déchets. Deux semaines impaires se sont succédé, fait rare au point de semer la pagaille sur les secteurs concernés par une collecte tous les quinze jours. Le combiné à peine à l'oreille, l'assistante devenue secrétaire des tas qui s'entassent entend une voix braillarde à l'autre bout de la ligne, et à bout tout court :
« Vous ne m'avez pas collecté ma poubelle ce matin !
- C'est une semaine paire et vous êtes collectés les semaines impaires mais…
- Vous passez tous les quinze jours et il n'y a pas eu de problème il y a deux semaines ! C'était pourtant impair, non ?
- Oui mais il y a eu deux semaines impaires de suite !
- Et pourquoi avez-vous choisi de doubler la semaine impaire ?
- C'est le calendrier, Madame, pas nous !
- Pardon ? Depuis quand le calendrier décide du ramassage des déchets ?
- Ah non, pour les déchets, c'est bien nous.
- Ecoutez, il y en a ras-le-bac de ces histoires, soyez plus claire mademoiselle je vous prie !
- C'est simple. Le tri c'est une semaine sur deux, d'accord ?
- Non je trie tous les jours moi !
- Mais votre bac, vous le sortez par roulement tous les quinze jours !
- Bah oui il est équipé de roues, vous ne voulez pas que je le porte quand-même ?
- Non.
- Bien, continuez s'il vous plaît, j'en perds mon Latin.
- Vous le présentez donc à la collecte une semaine sur deux, par alternance, et le camion vous le vide. Je me trompe ?
- Non, jusqu'à aujourd'hui.
- Mais ne vous inquiétez pas, comme deux semaines impaires ont fait la paire, il va passer exceptionnellement en fin de tournée.
- Ah ça tombe mal, ma jeune fille au pair vient de le rentrer !
- Ce n'est pas trop difficile pour elle ? Elle n'a pas peur ?
- De ?
- Commettre un impair avec les semaines impaires quand on est au pair ?
- Ne m'en parlez pas, elle manque de repères ! Mais le pire c'est pour le stationnement !
- Ah ?
- Elle gare sa poubelle systématiquement côté pair alors qu'on habite en face !
- Elle est venue avec sa propre poubelle ? Elle ne pourrait pas la mettre dans le garage ?
- Non on n'a pas de place, il y a déjà les bacs !
- Vos poubelles ?
- Non.
- Non ?
- Ecoutez mademoiselle, nos voitures ne ressemblent en rien à des poubelles, nous les entretenons. Revenons à nos déchets s'il vous plaît !
- Et vous ne voulez pas l'échanger ?
- Elles sont presque neuves !
- Je parle de la jeune fille, la remplacer par une personne à l'impair !
- J'y ai songé mais le modèle ne court pas les rues !
- C'est que vous n'avez pas parcouru les bonnes rues. Il y en a à Quimper !
- On est plutôt dans l'impasse, là. Trêve de plaisanterie, dites-moi simplement si je peux lui demander de remettre le bac à sa place.
- Oui mais ne le brusquez pas trop quand-même, il n'a rien demandé !
- Oh il en a vu d'autres !
- Très bien, vous pouvez donc le sortir de son repaire.
- Et le mettre avec ses pairs ?
- Je vois qu'on finit par se comprendre ! Une dernière chose, vous ne m'avez pas précisé le nom de votre rue.
- Rue Ampère !
- Ceci explique cela !
- Vous comprenez maintenant pourquoi je suis survoltée !
- Euh, oui !
- Et puis quand on inverse la fréquence de passage, on obtient la tension…le b.a.-ba de la physique !
- Si vous le dites !
C'est quand même la pagaille cet histoire de tri...Dire qu'avant on ne s’embêtait pas comme ça, on jetait tout dans la nature, et peu importe le calendrier!
· Il y a presque 9 ans ·arthur-roubignolle
dans ton oeuvre, on a beau faire le tri sélectif, y a rien à jeter
· Il y a presque 9 ans ·Dominique Arnaud
Voir l'ancien ministre Perben.
· Il y a presque 9 ans ·yl5