Sifnos, j’ai empli mon cœur de ta douceur
nadiakwords
La maison d'abord, à 20 mètres du bord de la mer. Tellement proche que la nuit, on entend l'eau clapoter. Pas de grosses vagues durant cet été, juste de petits clapotis. Alexandra, la propriétaire, nous a raconté qu'en hiver la mer inonde le champ de pastèques qui borde l'autre côté du chemin. C'est probablement ce qui leur donne ce goût si prononcé ; l'excès de sel qui fait monter le sucre du fruit.
La maison donc, aux volets bleus et aux façades blanches, des cactus en pot aux formes improbables décorent son extérieur. Le rez-de-chaussée est à l'ombre toute la journée, havre de fraîcheur entre deux baignades, refuge pour les chats que nous avons forcément adoptés le temps du séjour. A l'étage du dessus se trouve un toit-terrasse pour les soirées à palabres entre amis et les petits matins solitaires. J'aime ça, ces moments volés à la fin de la nuit, en intimité avec les chants des oiseaux, un petit café et un grand verre d'eau sur la table, un livre posé sur les genoux. Que je ne lis pas, puisque mes yeux sont perdus dans la mer.
La mer des Cyclades, riche succession de bleus et de verts qui vibrera dans mes souvenirs encore longtemps. La terre est sèche en été, mais les chèvres broutent la broussaille et les abeilles trouvent toujours de quoi butiner. De la feta et du miel, le sel de la mer, la pastèque, le café frappé de l'après-midi… tout goûte le bonheur. Et la liberté. Pas de voitures à Vathy. Les chemins amènent tous au bord de l'eau, et c'est la plage qui relie les maisons les unes aux autres. Les enfants sont des courants d'airs qui passent réclamer une glace, épuisettes à l'épaule, seau à la main ou en version palmes-masque-tuba. Ils ne parlent pas la même langue, mais se comprennent très bien dans leurs jeux et des affinités se créent ainsi, le temps d'un été.
Un soir, nous avions décidé de visiter un village, perché tout là-haut sur l'une des collines. Arrivés à mi-chemin, une procession a croisé notre route : l'entier des habitants à la queue leu leu partait pour un mariage à l'église bâtie sur le rocher qui fait face à la mer, au bout de la jetée. C'est donc un village fantôme dans lequel nous sommes arrivés, puis, comme nous faisions le tour des fortifications, nous avons trouvé un banc, tout en haut de cette colline. La nuit avait dégainé ses étoiles, qu'aucune lumière ne venait gêner. La lune était presque pleine. La ligne de l'horizon qui séparait la mer noire qui miroitait, du ciel noir qui étincelait, était courbe. J'ai eu alors l'impression d'appartenir à un tout, d'en être qu'une infime partie certes, mais quelle chance ! Cette immensité généreuse, l'expression même de l'infini et de la perfection, m'accueillait, moi.
L'émotion, je la garde précieusement ; elle ne s'est pas affaiblie depuis ce jour-là. Sifnos existe quelque part là-bas, dans l'archipel des Cyclades, en Grèce. Elle vit tout au fond de moi aussi, au plus proche de l'essentiel.
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