R

malka

Coup de déprime... Je décide de changer d'air...c'est justement la lettre R qui m'interpelle sur le site Airbnb....

Pourquoi Amsterdam ? Je ne sais pas. C'est le moteur de recherche qui a choisi…

La lettre A sans doute, la première à sortir…

Besoin de partir. De voir du pays comme on dit. Surtout de ne plus voir ni mon pays, ni mon appart', ni mes amis. D'ailleurs ce ne sont plus mes amis. Besoin d'air, de respirer.

C'est aux Antilles que j'aurai dû me retrouver…

J'ai tapé Amsterdam sur Airbnb. Et cette fois, c'est un R qui est sorti. Un R bleu vif. Un R sculpté posé sur une cheminée rouge… Romuald ? Ronan ? Rachel ? Ritchie ? Qui est ce R…. ? J'ai voulu savoir. J'ai booké l'appart' à 90€ la nuit.

Départ. 48 heures plus tard, je suis sur place.

C'est beau Amsterdam, ses canaux, ses vélos, ses badauds, ses bateaux. C'est beau Amsterdam pour marcher, flâner, pédaler, regarder.

Je m'attendais à rencontrer R (le vrai, le propriétaire de l'appartement) mais rien. Une clef glissée dans une enveloppe et confiée au café en face de l'immeuble. « Frenchy ? » Oui c'est moi ! « 3ème étage left door ». Le R posé sur la cheminée est bien là. Il m'observe débarquer. Il me nargue un peu aussi…

R le vrai semble être un homme…. Après un rapide tour d'inspection, la déduction s'impose à moi : produits d'entretien au minimum syndical, absence totale de cheveu dans la salle de bain…. quelques bouteilles d'alcool en guise de bougeoir…. trois quatre bibelots, quelques tableaux et cette géante lettre énigmatique toujours posée sur la cheminée…

Quelques jours passent. Je prends mes aises. Je m'étale dans le lit-chambre aux draps blancs qui sentent la lessive. Je prends le soleil sur le balcon. A l'occasion, je fais aussi un peu de ménage. Je sors de moins en moins de mon cocon douillet. Quelques courses. Une heure de flânerie dans le parc tout proche si le temps le permet. J'en fais le moins possible et je me sens bien. Je me sens même de mieux en mieux. Il fait tellement bon en ce début d'été que j'oublie de m'habiller et je passe de pièce en pièce, de rêverie en flânerie nue comme un vers de terre…

Soudain, depuis la terrasse, je crois entendre frapper à la porte…. Les coups sont de plus en plus forts, de plus en plus pressant. On parle aussi, enfin on crie. Dans ma tête, une petite voix me dit « je ne comprends pas donc je n'entend pas… » et puis de toute façon, je ne suis pas chez moi ! L'individu finit par donner des grands coups d'épaule comme s'il voulait défoncer la porte. Malgré moi, je décide d'aller ouvrir.

- je bent wat je? wat je hier doen?

Un grand gaillard musclé, les cheveux très courts me parlent avec des mots que je ne comprends pas.

- Renee ? Renee ??? 

Le R de la cheminée était donc pour Renée….ée….

Non, je ne suis pas Renée. Je ne sais pas où elle est. Je ne l'ai même jamais vue.

Bien que je lui parle en français le grand gaillard semble me comprendre. Il a chaud. Il transpire. Il s'essuie son front avec le dos de sa main.

- Ik zal dadelijk zitten als je wil

Grand gaillard s'assoit sur le canapé du salon, le regard vide, le corps las. Je vais lui chercher un verre d'eau dans la cuisine.

Après avoir bu d'une traite à longues gorgées bruyantes, il se met à me parler dans des mots que je ne comprends toujours pas. « Renee, Renee » revient souvent dans son discours. Régulièrement, il me montre le R de la cheminée. Je devine que c'est lui qui a acheté la lettre géante pour en faire cadeau à la propriétaire des lieux. Il poursuit son histoire incompréhensible. Par moment il est aux bords des larmes. Le sentant sur le point de craquer, je repars à la cuisine lui chercher un nouveau verre d'eau qu'il avale goulument avec la même rapidité. La nuit commence à tomber, il ne s'arrête pas de parler. Comme je frissonne, je vais fermer la porte fenêtre qui donne sur le balcon. Le grand gaillard semble à peine s'apercevoir de mes mouvements.  Il continue de parler, parler, parler. J'ignorai qu'un homme pouvait parler autant, moi qui suis toujours tombée sur des taiseux…

La nuit inonde désormais entièrement l'appartement. Ni moi, ni grand gaillard n'avons pris la peine d'allumer une lampe. Je me suis enroulée dans un plaid du canapé pour cesser de frissonner. Grand gaillard s'approche de moi à tâtons. Il pose sa main sur ma cuisse et m'embrasse goulûment...    

Je me réveille avec le soleil dans les bras de grand gaillard qui lui, est toujours assoupi. Je me contorsionne pour ne pas le réveiller puis me faufile jusqu'à la salle de bain. Je me lave, m'habille, rassemble mes affaires. Grand gaillard ronfle quand je passe devant lui, mon sac à la main. Un petit cliquetis de la porte et me voilà partie.

 Quelques semaines après être rentré chez moi, j'avais un mail de Renée (la vraie). Elle me disait juste « merci ».

https://www.airbnb.fr/wishlists/popular/listings/652888


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